Appréhension et compréhension des élèves en situation de dys

Conditions de production

Le récit et l’analyse de cette situation ont été produits par un groupe de 2 professeur.e.s-stagiaires (MEEF2 Protechno) en 2018-2019. Ils/elles ont été accompagné.e.s par un formateur durant 4 séances de 3h durant lesquelles ils ont pu bénéficier de ses remarques, questionnements et conseils. La production qui suit est une deuxième version c’est à dire que les stagiaires ont effectué quelques remaniements à partir de remarques formulées par le formateur sur la première version.

01. La situation 

Nos deux situations sont proches. Nous avons choisi le récit de Sabine car l’idée d’aborder cette thématique venait d’elle. Le problème des élèves en situation de handicap au lycée, et en particulier des problèmes « dys », nous les rencontrerons tous au cours de notre carrière. Nous nous devons de les comprendre pour pouvoir les reconnaitre et adapter notre pédagogie à ces situations de handicap.

Le récit est le suivant:

L’enseignante est affectée au sein d’une école supérieure. C’est une école polyvalente qui réunit en son sein un lycée professionnel, un lycée technologique unique (seulement 3 classes de STD2A) et des formations post-bac.

Il y a donc majoritairement des étudiants et quelques lycéens. C’est une école très réputée donc les candidats sont triés « sur le volet », en particulier les élèves qui souhaitent intégrer la filière STD2A (science et technologie du design et des arts appliqués).

La situation concerne une élève en première STD2A. Elle est atteinte d’un trouble dyslexique qui englobe la dysorthographie et la dyscalculie. Cette situation est handicapante pour l’élève d’autant que ce trouble ne la quitte pas. L’enseignante voit cette élève 3 fois par semaine, soit 7h00, soit 9h00. Les cours d’arts appliqués se déroulent dans une grande salle tout en longueur ce qui peut présenter un problème supplémentaire pour l’élève concernée (manque de visibilité).

Toute l’équipe enseignante est concernée par le problème rencontré par l’élève. Pourtant à la rentrée, l’enseignante n’a reçu aucune information sur le cas de l’élève en question qu’on appellera Aline. Celle-ci ne s’est jamais plainte de problème particulier pour suivre les cours que l’enseignante donnait. L’élève souffre de handicaps multiples nommés « dys » : dyslexie, dysorthographie, dysgraphie, dyscalculie. L’équipe pédagogique le sait par le biais de la mère de cette élève qui a averti par mail l’équipe pédagogique. Le premier mail a suscité une grande surprise de la part de l’enseignante, car elle n’imaginait pas de handicap particulier chez cette élève (hormis un léger strabisme).

Nous savons que beaucoup de handicap sont invisibles, ce qui contribue à l’incompréhension voire le refus de certains collègues de prendre véritablement en compte le handicap ce qui entrainerait la mise en place de mesure, outils ou dispositifs particuliers et adaptés.

L’enseignante concernée par cette situation, sensible au problème de handicap, et voulant répondre aux besoins et être à l’écoute de son élève, a mis en place des mesures simples comme des photocopies en format A3 alors qu’elles sont en A4 pour les autres élèves, ce qui faisait partie des suggestions de la mère de l’élève. En réalité, cela a suscité plus de gêne qu’autre chose pour Aline, même si l’enseignante a veillé à une certaine discrétion. Elle n’est pas demandeuse d’un traitement et d’attention particuliers. Elle ne se met pas au premier rang d’elle-même mais plutôt au troisième rang. Elle travaille, s’investit, rend son travail dans les temps, montre beaucoup de motivation. Elle pallie beaucoup et cela provoque sûrement une grande fatigue. La mère d’Aline a alerté de nouveau l’équipe enseignante en allant plus loin dans la description des « dys » de sa fille et des mesures qu’elle veut que nous prenions pour compenser ses difficultés. Mais l’enseignante n’a pas poursuivi de traitement particulier pour cette élève, en revanche elle a toujours demandé à Aline si elle souhaitait une photocopie plus grande, si elle avait des questions particulières, lui suggéré de se rapprocher du tableau lorsqu’il y a des projections, etc. L’attitude de l’enseignante a changé car elle souhaite être plus à l’écoute de son élève et pas seulement répondre « mécaniquement » aux injonctions et l’insistance de la mère de celle-ci.

Finalement l’enseignante pense que c’est dans son attitude et sa posture que se voit la prise en compte du handicap de l’élève plutôt que dans des outils ou dispositifs que l’élève ne réclame pas.

02. Les problèmes que cela pose

Avons-nous une vision défectologique de nos élèves ? Autrement dit, regardons-nous d’abord ce qui ne fonctionne pas et donc ce qui ne va pas. Nous devons d’abord regarder ce que les élèves savent faire le mieux au lieu de se focaliser sur ce qu’ils ne savent pas.

Dans le dictionnaire en ligne CNRTL, le handicap, dans le champ médical est défini comme étant « une déficience physique ou mentale » et cette définition pose la question de notre compréhension de ce qu’implique une reconnaissance de handicap pour un élève sujet aux « dys ». Les troubles « dys » sont-ils des handicaps ou doivent-ils être nommés ainsi ?

Au-delà du handicap de l’élève et de sa prise en compte, nous pensons qu’il faut pouvoir valoriser l’estime de soi avant même de lui demander d’entrer dans l’apprentissage, c’est-à-dire se sentir capable d’apprendre et donc être dans une posture ouverte et curieuse par d’autres dispositifs pédagogiques que le devoir et l’injonction. Ainsi, il faut pouvoir donner un rôle à l’élève, lui donner une place au sein du groupe classe.

Alors qui doit s’adapter ? L’élève, les professeurs, la classe, l’établissement, les parents, la société ? L’école se veut inclusive mais quels sont les moyens à notre disposition ? Finalement comment l’école inclusive permet-elle de renouveler le regard sur le handicap ? L’idée est bien là de faire une différence entre l’inclusion et l’intégration ?

L’inclusion est, selon la définition, « l’action d’inclure ; le résultat de l’action » et inclure, c’est« mettre, comprendre quelque chose dans autre chose qui le contient. » C’est bien donc l’action de mettre et comprendre une élève dans un établissement et lui donner, peu importe sa situation, les moyens de réussir au même titre que tous dans un souci d’équité. Alors que l’intégration serait l’action d’incorporer un ou plusieurs éléments étrangers à un ensemble constitué, d’assembler des « éléments divers afin d’en constituer un tout organique ; impliquant le passage d’un état diffus à un état constant ; résultant de l’action. »

Ce questionnement nous amène à la problématique suivante :

Comment l’inclusion des élèves en situation de dys au sein de l’école peut-elle être mise en œuvre par des personnels non formés ?

Qui à son tour révèle des questions sous-jacentes :

Quels seraient les nouveaux enjeux de la formation des enseignants et des équipes pédagogiques au regard de cette problématique ? Que pouvons-nous, à notre niveau, mettre en place pour identifier les élèves en situation de handicap et les aider ?

03. Dimension réglementaire

Plusieurs lois récentes ont permis de faire avancer les droits des personnes en situations de handicap dans le cadre de l’école. Nous allons donc essayer de comprendre en quoi certaines lois ont permis aux enseignants de mieux agir face à un élève en situation de handicap. La première loi du 11 février 20051https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&categorieLien=id réforme les lois antérieures de 1975 et 1987 sur le handicap. Elle dit : « Préparée avec l’ensemble du monde associatif, la loi du 11 février 2005 a pour ambition de reconnaître la pleine citoyenneté de tous. En proclamant l’égalité des droits et des chances de toute personne handicapée, la loi protège l’ensemble de la société contre l’intolérance, le refus de la différence et le rejet de l’Autre. Cette loi engage la  République. Le droit à compensation du handicap doit être l’instrument de l’égalité des chances. »

L’idée générale de cette loi est que tous les citoyens sont égaux et que chacun doit pouvoir accéder aux mêmes droits. De plus, cette loi définit, dans ce cadre, ce qu’est un handicap :

« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans un environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un poly-handicap ou d’un trouble de santé invalidant. »

La dyslexie se situe donc dans le champ du handicap cognitif spécifique et durable. Si nous reprenons la définition du handicap du dictionnaire évoquée précédemment, comme étant « une déficience physique ou mentale », nous observons que la définition s’est élargie. Elle comporte plus de nuance afin de donner les mêmes chances de réussite pour tous peu importe le handicap rencontré. Un seul point de cette loi concerne la scolarité : « Tout enfant porteur d’un handicap a le droit d’être inscrit dans l’école la plus proche de son domicile. » On peut alors se demander quels sont les effets concrets de cette loi concernant les troubles dys. Ce que nous savons désormais, c’est qu’ils sont reconnus comme des handicaps. La loi précise alors que toute personne en situation de handicap doit faire une demande de reconnaissance de son handicap auprès de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) afin de bénéficier des aménagements prévus.

Est-ce que ces nouvelles démarches administratives vont réellement permettre de faciliter l’accès aux personnes en situation de handicap aux aides ? Ne vont-elles pas au contraire décourager l’ensemble des acteurs de faire reconnaître les élèves en situation de handicap ?

Le 8 juillet 2013, la loi de Refondation de l’École2https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000027677984&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id permet de donner à tous les enfants le droit à l’éducation, quelque soit leur handicap. Elle est énoncée ainsi : « Le service public reconnait que tous les enfants partagent la capacité d’apprendre et de progresser. Il veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans distinction.» La définition de l’inclusion selon le dictionnaire Larousse correspond à l’« Action d’inclure quelque chose dans un tout, un ensemble ; état de quelque chose qui est inclus dans autre chose. » La loi permet alors de passer de la notion d’intégration, où la seule présence physique était prise en compte, à la notion d’inclusion.

La notion d’« école inclusive » apparait alors. Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dit :« Ce n’est pas à l’élève de s’adapter au système mais au système de s’adapter aux spécificités des élèves. » Mais qu’apporte cette nouvelle loi à la question de l’inclusion de tous les élèves ? Elle met en place une meilleure prise en charge des besoins de l’élève en situation de handicap. Elle redonne des outils aux enseignants et aux établissements, en redéfinissant des dispositifs comme le PPS (Projet Personnalisé de Scolarisation) et le PAP (Plan d’Accompagnement Personnalisé). Elle donne un cadre pour aider l’élève mais aussi sa famille, les enseignants et l’équipe pédagogique. Nous notons en particulier cet événement : lors de la conférence nationale du 18 mai 2016, l’ancien président de la République, François Hollande, avait annoncé la création de 32 000postes d’AESH (Accompagnant des Élèves en Situation de Handicap), ancien AVS (Assistant de Vie Scolaire). La nouveauté est que ces personnels accèderont enfin à une formation sur le handicap de 60 heures, dispensée par le Ministère de l’Éducation en plus de la possibilité pour les AESH qui ne sont pas titulaire d’un DEAES (diplôme d’État d’Accompagnement Éducatif et Social) de bénéficier sur leur temps de service effectif de la formation nécessaire à l’obtention du diplôme. À ce stade, il n’y a donc pas de formation obligatoire prévue pour les enseignants en poste ni même pour les futurs enseignants au sein des ESPE.

Lors du changement de gouvernement en 2017, Jean-Michel Blanquer, l’actuel Ministre de l’Éducation Nationale, semble pour suivre la mise en place de l’école inclusive. La conférence « Ensemble pour l’école inclusive »du 18 juillet 2018 fait un point sur les actions déjà en place et les objectifs fixés à horizon 2022. Le gouvernement revient sur un an d’action de l’école inclusive. Les priorités ont été données à la formation des enseignants et des personnels encadrant, à la multiplicité des modes de scolarisation ainsi qu’au fait que chaque élève doit sortir de l’école avec un diplôme. Dans un second temps, les objectifs à court terme ont été évoqués. L’accessibilité numérique des savoirs, la création de nouveaux postes d’AESH et le développement de l’interaction entre l’école et le milieu médico-social vont être mis en place pour la rentrée 2018-2019. Enfin, la conférence a fixé des objectifs pour 2022 :

« Une École de la République pleinement inclusive ». L’ambition est de former les enseignants à la prise en compte des besoins éducatifs particuliers des élèves. Pour cela, quatre mesures seront mises en place afin de mieux former les enseignants :

« Une formation effective sur la compréhension du handicap et les adaptations scolaires ; Une plateforme numérique nationale de formation permettant d’accéder facilement aux adaptations scolaires ; Des enseignants ressources maillés sur le territoire, mobilisables depuis la plateforme ; Des enseignants référents centrés sur leur mission d’animation et d’appui à la construction des Projets personnalisés de scolarisation (PPS), avec un nombre de suivis plus restreint ». La mise en place d’une formation pour les enseignants permettra de trouver les meilleures solutions pour l’élève en demande, à condition que ces formations soient ancrées dans le réel et qu’elles soient régulières, récurrentes. Le gouvernement actuel semble donc poursuivre le travail sur l’école inclusive.

En réalité depuis 2005 l’enseignant peut avoir recours à un ensemble de textes réglementaires légiférant la question de l’inclusion des élèves en situation de handicap. Néanmoins, par défaut de formation jusqu’ici, les enseignants ne disposent pas d’outils pour prendre en charge et répondre aux besoins des élèves. Pour conclure, par manque de formation et de transmission des informations, l’enseignant est souvent dépourvu face aux besoins des élèves en situations de handicap. Les lois existent mais il est difficile de se saisir des moyens à notre disposition pour les mettre en œuvre.

 04. « Ce qu’en disent des collègues »

Pour tenter de répondre à la problématique posée, nous allons tenter de comprendre ce que vivent les enseignants sur le terrain. Pour cela, nous avons mené une enquête. Une liste de question a été établie et a permis d’évaluer le niveau de connaissance des troubles « dys » chez les professeurs de l’Éducation Nationale du second degré de manière factuelle. Ce questionnaire a été envoyé par mail aux professeurs que nous connaissons, c’est-à-dire à notre réseau proche : les professeurs stagiaires de la formation, les professeurs en poste dans nos établissements d’affectation, des professeurs de notre cercle social. Cette grille de questions servira à analyser où en sont les professeurs au regard des troubles « dys ».

Nous avons établi la liste de questions suivantes :

  • Question 1 : Au cours de votre parcours avez-vous rencontré des élèves en situation de dys ? (si oui lesquels)

Dyslexie Dyspraxie Dyscalculie Dysorthographie Dysphasie

Troubles d’attention avec ou sans hyperactivité Troubles mnésiques

  • Question 2 : Comment les avez-vous identifiés ? (Vous seul, médecin, prof principal, parents ?)
  • Question 3 : Avez-vous pu appliquer des mesures réglementaires compensatoires (tiers temps etc.)?
  • Question 4 : Avez-vous eu besoin d’élaborer vos propres outils ? si oui lesquels ?
  • Question 5 : Avez-vous été formé pour répondre au mieux aux besoins de ces élèves ?
  • Question 6 : Où avez-vous trouvé des ressources et de l’aide ?

Site internet, Blog, Collègues, Médecin scolaire et infirmière, Autre réponse

  • Question 7 : Pensez-vous avoir bénéficié d’aide et de soutien depuis 2013 et l’école inclusive ?

 Dans le cas d’un élève sujet à un ou plusieurs « dys », pouvez-vous répondre aux questions suivantes:

  • Question 8 : Qu’avez-vous pu mettre en œuvre pour aider cet élève (outils, dispositifs, évaluation ?)
  • Question 9 : Ya-t-il eu des résultats bénéfiques sur la réussite de l’élève ?

Nous avons choisi d’effectuer un questionnaire avec quelques questions à choix multiples mais surtout des réponses ouvertes. En effet, les entretiens pouvaient être source de gêne pour la personne interviewée. De plus, nous manquons de temps pour faire des entretiens semi-dirigés. Le questionnaire a été fait à l’aide de l’application www.askabox.fr. Ce système permet de collecter les résultats obtenus rapidement sous forme de graphique pour les questions à choix multiples et de comparer les réponses pour les questions ouvertes. Ainsi, le questionné peut donc répondre rapidement ou prendre le temps de réfléchir à sa réponse s’il le souhaite. Le questionnaire a été diffusé aux collègues par mail et essentiellement à des connaissances, des enseignants en Arts Appliqués. Les répondants sont uniquement des professeurs d’Arts Appliqués soit en lycée professionnel, soit en lycée technologique.

À la première question, concernant les types de situations de handicap rencontrées, la plupart des répondants (75%) ont rencontré majoritairement des élèves en situation de dyslexie. 25% seulement ont rencontré également des élèves en situation de dyspraxie. Les autres situations de handicap n’ont pas été évoquées.

Au sujet de l’information des professeurs des élèves en situations de handicap au sein de leur lycée, les enseignants, sur le terrain, sont en général informés par le professeur principal. Les enseignants ont également reçu l’information du médecin ou de l’infirmière scolaire via la direction. Parfois les élèves se manifestent eux-mêmes et surtout quand ils sont dans l’incapacité de réaliser leur travail correctement.

Les mesures réglementaires compensatoires comme le tiers temps sont appliqués, selon eux, assez rarement en dehors des examens. En effet, le tiers temps est, semble-t-il, difficilement applicable. En revanche, les professeurs adaptent leurs activités en classe. Par exemple, les solutions imaginées par les répondants sont :

  • L’agrandissement du format, du A4 au A3
  • Un ordinateur à disposition pour une prise de note aisée
  • Une table lumineuse pour faciliter le décalquage, la reproduction de forme
  • Une restitution dessinée ou orale plutôt qu’écrite.

Les professeurs, dans leur ensemble, mettent en place des dispositifs particuliers pour ces élèves en situation de handicap, comme les faire travailler en binôme. Les enseignants leur accordent aussi plus de temps en suivi individuel.

À la question sur les formations, tous les professeurs nous disent ne pas être informés qu’il en existe. Pour pallier ce manque, ils se sont rapprochés de leurs collègues et/ou des parents d’élève afin de pouvoir trouver des solutions. La recherche d’information sur internet semble être utilisée que dans de très rare cas. Suite à la loi de Refondation de l’École de 2013, tous les professeurs nous disent ne pasavoir ressenti de changement depuis. Ils ont bien vu la mise en place des dispositifs, comme le PPS et le PAP, mais ils ne semblent pas avoir vus de changement au regard des formations leurs permettant d’évoluer dans leur pratique avec des élèves en situations de dys-.

Enfin, les répondants dans leur majorité (75%) pensent que les éléments mis en place sont bénéfiques sur les élèves. Les élèves semblent rester motivés et surtout gardent confiance en eux. Seulement 25% des professeurs semblent ne pas pouvoir mesurer les bénéfices des mesures mis en œuvre.

En conclusion, le questionnaire montre que les professeurs ne sont pas formés et qu’ils mettent en place, de leur mieux, des solutions compensatoires.

05. Des ressources universitaires

Nous nous sommes appuyées sur une littérature scientifique variée : articles, ouvrage et rapport de conférence. Tous apportent un éclairage particulier à notre problématique.

D’une part, l’article « Neuropsychologie développementale et dyslexie »3Zesiger Pascal, « Neuropsychologie développementale et dyslexie », Enfance, 2004/3 (Vol. 56), p. 237-243. DOI : 10.3917/enf.563.0237. URL : https://www.cairn.info/revue-enfance1-2004-3-page-237.htm de Pascal Zesiger, psycholinguiste et professeur à l’université de Genève, propose une définition multiple de la dyslexie. Ainsi au-delà de la nosographie internationale qui définit la dyslexie par l’exclusion de ce qu’elle n’est pas sans même pointer ce qu’elle est, Pascal Zesiger critique et se positionne avec nombre de ses confrères à la définir comme une dyslexie développementale qui affecte de manière sélective les processus d’identification de mots écrits. Il est alors nécessaire de définir la dyslexie comme un trouble de l’identification de mots écrits. Ensuite entre en compte un paramètre neuropsychologique et même physiologique qu’il convient de considérer et qui apporte un nouvel angle dans l’appréhension et la compréhension des troubles dys. En effet, il existe un large consensus quant au fait qu’un trouble de nature phonologique constitue le « déficit-noyau » de la dyslexie. En effet les diverses facettes de la phonologie jouent un rôle déterminant dans l’acquisition « normale » de la lecture et de l’orthographe et constituent des prédicteurs fiables des capacités ultérieures de langage écrit. Ce qui est étayé par le fait que les individus dyslexiques présentent une organisation et/ou un fonctionnement atypique des réseaux neuronaux impliqués dans le traitement de la phonologie, imagerie médicale à l’appui. Ce qu’il dit alors c’est que les individus naissent avec cette disposition particulière du trouble de l’identification de mots écrits, et ne deviennent pas dyslexique par un manque ou lacune dans l’apprentissage. On est alors, au regard de ces hypothèses, bien face à un handicap. En conclusion l’auteur rappelle que la dyslexie développementale (que l’on devrait, en fonction de ce qui a été évoqué plus haut, rebaptiser « trouble spécifique de l’acquisition de l’identification et de la production de mots écrits ») est un domaine de recherche en pleine effervescence. Notre compréhension de ce phénomène est encore partielle, et de nombreux travaux seront encore nécessaires pour parvenir à mieux spécifier les connaissances au niveau génétique, neurophysiologique et cognitif. Mais ce que nous savons pour sûr, c’est que les prises en charge fondées sur la phonologie aboutissent à des progrès comportementaux, et qu’elles modifient la manière dont les réseaux cérébraux traitent l’information, ce qui constitue une véritable note d’espoir.

De la même manière, dans l’ouvrage « Dyslexie : à qui la faute ? »4Bernard Jumel, « Dyslexique : à qui la faute ? », Éditions Dunod, Paris, 2016, Bernard Jumel, docteur en psychologie et psychologue scolaire, nous explique d’où viennent les problèmes liés à la dyslexie et où en sont les recherches aujourd’hui.

L’auteur fait un état des lieux de la recherche scientifique. Cette analyse permettra de mieux identifier les difficultés rencontrées par ces élèves : les troubles orthographiques, émotionnels, de l’attention, par exemple… Les tests que les enfants dyslexiques passent dans le milieu médical montrent qu’ils ont en commun des particularités autres que les problèmes de lecture et d’écriture. Leur activité d’analyse et donc de synthèse s’en trouve impactée. Enfin, ils auraient une réalité temporelle qui leur est propre.

Pour Bernard Jumel, c’est « la faute à l’écriture alphabétique ! ». Ce chapitre retrace l’apparition de l’écriture et ses complexités depuis l’époque mésopotamienne. Il démontre ici que les difficultés des élèves dyslexiques viendraient du fait que l’écriture est toujours associée à la lecture. Ainsi, il fait l’hypothèse que d’associer l’écriture et la lecture « à la main qui écrit à la bouche qui prononce »  permettrait une facilité d’apprentissage de tous les élèves. Il conclut en disant que l’écriture alphabétique, c’est naturellement difficile pour tout le monde.

Enfin, la dernière partie est consacrée à des exemples de remédiations réussies. Ce sont essentiellement des expériences de personnes travaillant en RASED (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté). Nous nous apercevons que bien souvent les situations auraient pu être évitées par une prise en charge rapide. La nécessaire communication entre les parents et le corps enseignant semble souvent mis à mal. Il est aussi indispensable pour l’enseignant de s’entourer de spécialistes pouvant lui apporter de meilleures connaissances des solutions à apporter aux enfants dyslexiques.

D’autre part, les deux derniers ouvrages abordent la notion d’inclusion et sa définition. Le rapport « l’école inclusive pour les élèves en situation de handicap : accessibilité, réussite scolaire et parcours individuels »5« École inclusive pour les élèves en situation de handicap : accessibilité, réussite scolaire et parcours individuels », rapport scientifique de Serge EBERSOLD, Éric PLAISANCE, Christophe ZANDER, conférence organisée par le CNESCO (2016) définit la notion d’inclusion et le rôle d’une école inclusive, et particulièrement son effet positif à la diversité des profils scolaires. Ce rapport témoigne de la volonté du Cnesco et de ses partenaires européens de se doter d’une lecture précise et globale des enjeux liés à l’éducation inclusive et à l’inclusion des personnes en situation de handicap. En s’appuyant sur la loi de 2005« pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », et celle de 2013 qui indique que « le service public de l’éducation veille à l’inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction » ; le terme d’inclusion s’impose progressivement dans le langage public, scientifique et politique, à la place de celui d’intégration ou d’insertion. Il est devenu, en quelques années, la référence des politiques en faveur des droits des enfants et des personnes en situation de handicap. Cette notion d’inclusion met en exergue le rapport aux autres : elle affirme que tout individu a sa place dans la vie sociale et que cette place ne doit être ni concédée, ni tolérée ou soumise à conditions.

Aujourd’hui la notion d’inclusion dépasse donc largement la question du handicap et de la scolarisation des personnes en situation de handicap ; si, à l’origine, cette notion soulignait la volonté de leur scolarisation en milieu ordinaire, elle désigne désormais un nouveau rapport à la diversité. Elle reflète l’exigence faite au système éducatif d’assurer la réussite scolaire et l’insertion sociale de tout élève, indépendamment de ses caractéristiques individuelles ou sociales. Elle est une manière de « faire école » ce qui renvoie à la manière de « faire société » et de penser l’appartenance sociale dans la perspective d’une « société inclusive ». Ces distinctions rappellent en cela que l’éducation inclusive est un moyen au service d’une société respectueuse de chacun et non une fin ensoi. En ce sens l’éducation inclusive, selon la déclaration de Salamanque de 1994, contribue à faire des écoles ordinaires le moyen le plus efficace de combattre les attitudes discriminatoires, de créer des communautés accueillantes, de bâtir une société inclusive visant l’éducation pour tous en réaction à la scolarisation en milieu spécialisé comme une forme de ségrégation contraire aux principes des droits de l’homme.

Puis l’article « La prise en compte de la diversité : émergence d’un nouveau cadre normatif ? »6Françoise Lantheaume, « La prise en compte de la diversité : émergence d’un nouveau cadre normatif ? », Les dossiers des sciences de l’éducation [En ligne], 26 | 2011, mis en ligne le 01 octobre 2011, consulté le 01 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/dse/1120 ; DOI : 10.4000/dse.112 de Françoise Lantheaume tente de retracer l’histoire de la notion de diversité dans l’Éducation Nationale. L’inclusion scolaire permet donc la diversité ?

Le mot « diversité » apparaît, dès 1947, dans les textes officiels de l’UNESCO. Il est entendu dans le sens de « diversité des cultures et des espèces ». La question posée par Claude Lévi-Strauss est de savoir comment préserver au mieux la diversité. Les échanges et brassages socio-économiques ne favoriseraient pas, selon lui, la diversité mais au contraire, il s’agirait de la protéger jusqu’à son isolement. En 2009, le rapport mondial de l’UNESCO « Investir dans la diversité culturelle et le dialogue interculturel » va plus loin :il propose d’« investir » pleinement la notion de diversité plutôt que de seulement la préserver. Elle est désormais à comprendre comme quelque chose qui permettrait à chaque individu d’être unique. Dans l’enseignement, cette idée se traduit par le fait de prendre en compte les besoins de chaque individu et de coller au plus près aux besoins de chaque élève.

Ensuite, l’auteure propose de comprendre comment les lois françaises ont permis de modifier la définition de la diversité. En 2005, la loi pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » semble prendre part pour la vision de la diversité en tant que l’individualisation des gens dans un tout. L’inclusion scolaire des personnes en situation de handicapdans des établissements non spécialisés fait son apparition et doit être mis en œuvre. Le mot même de diversité provoque une dualité entre la volonté de réunir les citoyens et, en même temps, la tentation de les séparer. La diversité ne doit pas catégoriser mais devrait plutôt globaliser.

C’est dans ce contexte que l’école tente d’intégrer la notion de diversité. En 2003, la circulaire de rentrée évoque la nécessité de répondre aux « besoins éducatifs particuliers » afin de mieux inclure les élèves en situation de handicap comme les élèves précoces. Puis, à chaque rentrée, les circulaires ajoutent des éléments de la diversité que les enseignants doivent prendre en compte. Mais comment sont-ils formés pour répondre à ces multiples injonctions ?

Il y a alors une volonté politique de formation des enseignants afin de leur permettre une meilleure adaptabilité aux différentes situations qu’ils rencontreront pendant leur carrière. Ainsi dès 2002, ils pourront se former « tout au long de leur vie ». Les différents référentiels tentent alors de faire un lien entre la diversité par l’individualisation et la diversité par l’unicité des personnes la composant.Sont alors mis en place de nouveaux dispositifs (PPS et PAI). Les professeurs sont formés à la pédagogie différenciée et doivent travailler de manière horizontale avec leurs élèves. Le savoir ne sera plus descendant.

Cet article sur la diversité conclut sur le fait que cette notion a été mise en place de manière artificielle dans l’éducation. En effet, elle vient des organismes internationaux. L’élève est donc un citoyen comme les autres mais aussi un individu unique. La contradiction entre les valeurs de la République qui tente de rendre les élèves tous égaux et l’individualisation de chaque élève, sous-jacente dans la notion de diversité, est à ce stade complexe à mettre en œuvre par les enseignants.

En conclusion, nos quatre lectures semblent se rejoindre sur l’idée que l’école française ne parvient pas accompagner les élèves en situation de dys- malgré de multiples lois et préconisations. Les auteurs déplorent que soient uniquement mise en place des dispositifs d’accompagnements et non une vision plus ambitieuse et complète de la prise en charge, comme par exemple la formation obligatoire des enseignants ou des moyens financiers et d’encadrement donnés à tous les établissements pour appliquer concrètement les mesures d’inclusion de tous les élèves.

06. Quelles pistes de résolution de la situation ?

La reconnaissance de la dyslexie comme handicap a donné l’impression d’une augmentation fulgurante d’élèves en difficulté présentant des dys. Il est évident aujourd’hui et au regard de l’analyse menée jusqu’ici qu’il y a la quasi même proportion d’élèves dys entre 1990 et 2019. Ceci est une réalité, pas un épiphénomène d’une société qui mute. La reconnaissance les rend visibles. En cela le handicap n’est plus « invisible » dès lors qu’il est reconnu par la MDPH. Cela n’est toutefois pas ancré dans toutes les mentalités.

La première piste qu’il faudrait mener rapidement donc à court terme, c’est la formation des futurs enseignants dans l’appréhension et la compréhension des troubles de types dys et autres troubles de l’apprentissage (HPI, TDHA…). Il est important à nos yeux que le corps enseignant et d’éducation soit formé en neuroscience éducative et en science cognitive. À l’instar de l’école inclusive qui a mis plus de 20 ans à émerger dans les politiques d’éducation, l’état d’esprit des acteurs de cette école doit évoluer et cela passe par l’éducation : appréhender son sujet et le comprendre pour pouvoir ensuite agir.

Certes, nous pouvons devenir professeur ressource de l’école inclusive (PREI) en passant un certificat d’aptitude professionnelle aux pratiques professionnelles pour l’éducation inclusive (CAPPEI). Cette formation a été créée en 2017 et a pour but de former des enseignants spécialisés pouvant ensuite enseigner dans des établissements type SEGPA, EREA. Elle dirige une carrière dans des établissements spécifiques, cette formation est un vrai engagement. Mais elle n’est pas dispensée pour les enseignants en poste ou visant à rester en lycée général, technologique ou professionnel.

Aujourd’hui n’ayant pas la possibilité d’obtenir de formation adéquate, nous devons nous auto-former à la connaissance de ce sujet qui est « comment accompagner et transmettre un savoir et des compétences à un élève en situation de dys et l’engager dans la réussite scolaire ? ». Donc à long terme, il faudrait proposer des modules en formation continue pour les équipes enseignantes et pédagogiques en place, adaptés à leur métier (enseignant, CPE, infirmière, Psy EN, Proviseur …) et introduire ses modules dans la formation universitaire des futurs enseignants et agents. L’inconvénient au regard de l’État serait probablement un coût conséquent ne serait-ce pour former les plus volontaires d’entre-nous mais aussi revoir la maquette de formation du master MEEF à cet égard. Cette dernière hypothèse semble être toutefois la plus réaliste.

Malheureusement nous n’avons pas la solution pour résoudre la situation évoquée au début de ce dossier, mais des axes de réflexion d’une part, des ressources documentaires variées d’autre part, permettent à l’enseignante de questionner sa posture face aux difficultés rencontrées par cette élève dyslexique et sa pratique professionnelle. Tout en étant convaincue que l’école inclusive qui s’affirme de plus en plus offrira des possibilités pour aider l’élève et l’enseignante à aller au-delà du handicap par des moyens humains et matériels, et une liberté pédagogique ouverte à la diversité des élèves et donc des apprentissages.

07. Prendre parti

Notre problématique initiale « Comment l’inclusion des élèves en situation de dys au sein de l’école peut- elle être mise en œuvre par des personnels non formés ? », induisait que nous trouvions dommageable de ne pas avoir été formé pendant notre année de stage à l’ESPE

Néanmoins, nous sommes aujourd’hui dans une posture réflexive qui nous permet d’appréhender toutes les situations futures. Ainsi, c’est bien cette méthodologie de travail enseigné en ESPE qui nous permet de trouver des solutions aux cas concrets que nous allons rencontrer tout au long de notre carrière. Un travail long et personnel qui trouverait toute son efficacité à travers le partage et l’échange de pratiques et d’expériences par exemple.

Nous pensons aussi que la rencontre avec nos élèves est le plus important dans la résolution de ces problèmes. La compréhension des situations de handicap passe aussi par le dialogue avec nos élèves. Ainsi notre adaptabilité est indispensable pour permettre la réussite de tous ; une réussite qui amène ces adolescents vers une relation de confiance avec le corps enseignant et une meilleure estime d’eux.

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