Conséquences d’une relation école-famille dégradée sur l’inclusion scolaire

1. La situation

A. est un élève de CE1 âgé de huit ans. Il est scolarisé dans un groupe scolaire depuis la Petite Section dans une école de milieu urbain. Le secteur est plutôt défavorisé mais n’est pas classé dans la politique de la ville. L’école maternelle comprend sept classes, l’élémentaire dix classes. Un dispositif UPE2A (Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants) est implanté dans l’école depuis trois ans. Un RASED (Réseau d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté) composé de deux enseignants spécialisés, l’un à dominante relationnelle et l’autre à dominante pédagogique, et d’un PsyEN, intervient dans les écoles. L’équipe enseignante est stable depuis quatre ans. Les enseignants sont plutôt jeunes. A. est inscrit au centre périscolaire et ponctuellement à l’accueil de loisirs de la commune, les mercredis. Il est demi-pensionnaire. 

Les parents de A. sont séparés. La communication est conflictuelle et la coparentalité difficile, selon les dires de ses parents. A. vit chez sa mère avec sa grande-sœur âgée de dix ans, issue de la même union et scolarisée en CM2 dans la même école. Il voit son père ponctuellement. De plus, A. est né grand prématuré il est suivi à l’hôpital pour sa croissance depuis sa naissance. Il a été gardé en crèche. 

En Petite Section, A. ne parle pas. Il peut s’échapper de la salle de classe, est capable de rester sur une même activité seulement quelques secondes et ne participe pas aux moments collectifs de regroupement. Il bénéficie d’un emploi du temps aménagé avec scolarisation uniquement les matinées. Cet aménagement est décidé lors d’un rendez-vous entre la famille et la directrice de l’école, compte tenu des besoins immédiats de l’enfant. En effet, la fatigue, la mise en danger lors des sorties non autorisées de la salle de classe et le peu de sens mis sur l’école argumentent le fait que la scolarisation à temps plein puisse être compliquée. La mère de A. n’est pas favorable à la scolarisation partielle de son enfant en Petite Section. Elle explique ne pas être disponible pour garder son enfant, du fait de son emploi, et pense que son fils a besoin d’être en collectivité pour se développer comme les autres enfants. Cette décision lui est néanmoins imposée par l’équipe enseignante. La mère conteste cela, mais finit par l’accepter contre son gré, sans en informer l’Inspectrice de l’Éducation nationale.

En Moyenne Section, A. est scolarisé à temps plein. Un suivi au Centre médico-psychologique en psychothérapie se met en place, sur les conseils de l’enseignante. La mère l’interrompt cependant au bout de trois mois, faute de satisfaction de la prise en charge. Une réunion d’équipe éducative a lieu pour faire le bilan du début d’année : points d’appui, difficultés, besoins, recommandations. Elle réunit la mère de A., la directrice de l’école, l’enseignante et la psychologue de l’Éducation nationale. L’enseignante rapporte la difficulté de A. à maintenir son attention sur une activité et à rester avec le groupe-classe. La mère exprime le fait que son fils n’est pas accueilli avec bienveillance à l’école, et rappelle l’emploi du temps qui lui a été imposé l’année précédente. A l’issue de cette équipe éducative, la mère de l’élève saisit le pôle ressources Harcèlement de la circonscription en affirmant que la directrice de l’école maternelle harcèle son fils depuis la Petite Section. Le pôle intervient donc en rencontrant individuellement la mère et la directrice de l’école : il leur conseille alors de diminuer la fréquence de leurs échanges dans le but de préserver la relation entre l’enseignante actuelle et la mère. Le pôle estime également qu’il n’est pas opportun d’organiser une réunion conjointe entre la directrice et la mère.

Dans le cadre d’une réunion de concertation, suite à une demande d’aide de l’enseignante  et avec l’accord de la mère, un accompagnement individuel de l’enfant par l’enseignante spécialisée à dominante relationnelle du RASED se met en place. Cette enseignante spécialisée choisit d’axer son travail sur le développement de la capacité de A. à rester plusieurs minutes sur une même activité. Elle perçoit chez lui des difficultés importantes à rester concentré en classe et en petit groupe. 

En Grande Section, le langage commence à se développer. A. s’exprime par mots-clés et peut se faire comprendre. Il est maintenant capable de jouer avec d’autres enfants et de solliciter l’adulte. Il commence à accepter de participer aux ateliers dirigés. Un étayage de l’adulte est cependant indispensable afin qu’il comprenne les attendus et qu’il puisse commencer l’activité. Ses capacités attentionnelles sont toujours fragiles. Il ne participe pas aux temps collectifs. Les évaluations de Grande-section révèlent des difficultés importantes dans les apprentissages. L’accompagnement du RASED se poursuit suite à une demande d’aide de l’enseignante. Un bilan psychologique est réalisé par la psychologue de l’Éducation nationale qui rencontre la mère à deux reprises. Le père est également rencontré, malgré deux rendez-vous annulés pour la restitution du bilan. Les résultats du bilan vont dans le sens d’un retard global de développement et les préconisations évoquées sont les suivantes : reprise du suivi CMP, bilan pluridisciplinaire à l’hôpital, mise en place d’une Aide Éducative à Domicile. Seule la proposition d’Aide Éducative à Domicile est fermement refusée par la mère, qui rétorque ne pas en avoir besoin, car « tout va bien à la maison ». Les autres recommandations semblent entendues par la mère, mais ne sont pas suivies.

En CP, une visite médicale avec le médecin scolaire est réalisée suite à une demande de l’école. Cette visite a pour but de mieux percevoir où se situent les points d’appuis et les difficultés que rencontre A. Au vu des résultats, le médecin scolaire recommande à la mère de prendre rendez-vous avec un service de neuropédiatrie. La mère accepte et prend rendez-vous dans ce service. Après plusieurs bilans réalisés, l’hôpital préconise une orientation en dispositif ULIS (Unité Localisée d’Inclusion Scolaire). La mère refuse cette orientation mais accepte qu’un dossier à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) soit monté pour demander un AESH (Accompagnant des Elèves en Situation de Handicap) et un SESSAD (Service d’Education Spéciale et de Soins à Domicile). Le dossier est déposé par la mère, avec l’aide de l’assistance sociale de l’hôpital. La mère refuse cependant que l’hôpital puisse joindre au médecin ou à la psychologue de l’école les bilans réalisés. Parallèlement, une réunion d’équipe éducative a lieu et un maintien en CP est préconisé par l’ensemble de l’équipe. La mère, présente lors de la réunion, accepte cela. Le père, absent, ne se positionne pas. Le médecin scolaire évoque la possibilité d’orientation de A. en ULIS, sur les recommandations de l’hôpital. Une présentation du dispositif est effectuée. La mère refuse, expliquant que son enfant est intelligent et qu’il n’ira pas dans une classe avec des enfants différents de lui. Elle nie en bloc et hausse le ton : le dialogue n’est pas possible à ce moment-là.

Lors de son second CP, les parents de A. reçoivent une notification de la MDPH indiquant que leur fils peut bénéficier de l’accompagnement d’un AESH mutualisé, ainsi que d’une prise en charge en SESSAD. Cette notification est valable jusqu’à l’été 2025. La maman de A. appelle alors le SESSAD pour se mettre sur liste d’attente. L’aide de l’AESH qui se met en place semble soutenir les apprentissages, mais reste très insuffisante. Cette aide est mutualisée entre trois élèves de l’école : A. en bénéficie environ trois demi-journées par semaine. Une réunion d’équipe de suivi de scolarisation se tient pour évoquer à nouveau le projet scolaire de A. L’équipe éducative évoque les limites de l’AESH et préconise une orientation en dispositif ULIS. La mère explique travailler comme dame de service dans une école dans laquelle une ULIS est présente. A nouveau, elle exprime fortement son désaccord avec le fait que son fils aille là-bas, principalement du fait qu’elle ne trouve pas que son enfant ait le même profil que ceux bénéficiant de cette compensation. Elle explique qu’elle va faire travailler son enfant et qu’il rattrapera son retard. L’enseignante référente de la scolarisation des enfants en situation de handicap argumente en expliquant à la mère que les deux ULIS présentes sur la ville sont spécialisées dans les troubles des fonctions cognitives, et qu’elles accueillent des enfants ayant le même profil que A. Elle précise également que si une demande d’ULIS était déposée par la famille, l’enfant irait dans l’ULIS de la ville ayant des places disponibles et que les parents ne pourraient pas choisir parmi les deux écoles. 

Actuellement en CE1, A. bénéficie de l’accompagnement d’un AESH mutualisé, sept demi-journées par semaine. Son enseignante de CE1 se sent démunie : elle ne sait pas quoi lui proposer comme activité. Elle décrit son niveau scolaire comme équivalent à un niveau de Grande Section de maternelle. En classe, A. peut montrer de l’opposition à travailler : il dit ne pas vouloir faire un travail différent des autres. En relation duelle, cette opposition disparait. D’un commun accord entre la directrice de l’école, l’enseignante et l’AESH, A. sort la plupart du temps de la classe avec son AESH pour travailler en individuel dans une autre salle. L’enseignante continue de superviser le travail qu’effectue A. avec son AESH en lui donnant les supports en début de journée et en regardant en fin de journée ce qu’il a réalisé. Il s’agit principalement d’activités de mémorisation d’un niveau de fin de maternelle. A. rencontre des difficultés à maintenir dans le temps les éléments appris. Par exemple, il peut savoir restituer quelques sons de lettres un jour, puis ne plus s’en souvenir le lendemain. Il a également accès à des jeux de construction pour faire des pauses dans les apprentissages. En récréation, il semble avoir moins de relations amicales qu’auparavant. Cependant, il continue d’aller au centre périscolaire et semble apprécier ce moment où il joue avec les autres enfants. A noter qu’il n’a pas de prise en charge extérieure régulière et se trouve toujours sur liste d’attente au SESSAD, depuis plus d’un an et demi.

2. Les questions que pose la situation 

Concernant le lien école-famille, le manque de confiance réciproque est prégnant. Depuis la classe de Petite Section où un emploi du temps aménagé a été imposé à la famille, le dialogue semble compliqué. Cela s’illustre d’une part par la démarche de la mère de solliciter le pôle harcèlement pour dénoncer le comportement de la directrice envers son fils, et d’autre part par son refus de laisser l’hôpital dialoguer avec l’école. On peut toutefois nuancer cela en rappelant que la directrice avait imposé à la mère de garder son enfant les après-midis, et qu’elle lui faisait très régulièrement des retours négatifs sur son enfant. L’absence du père aux réunions d’équipe éducative, d’équipe de suivi de scolarisation, mais également aux rendez-vous avec la PsyEN, les enseignants, le médecin scolaire, et les enseignants spécialisés du RASED, questionne également. De façon similaire, les professionnels de l’école semblent ressentir de la méfiance vis-à-vis de ce père absent et de cette mère qui ne suit pas pleinement les recommandations faites par l’école et l’hôpital. Le contenu des réunions semble principalement évoquer des points négatifs au sujet de A. (apprentissage, autonomie, relationnel). Il semble dommageable que les professionnels du périscolaire ne se joignent pas à ces réunions pour apporter des éléments positifs. 

Un autre problème soulevé par cette situation est la difficulté de l’école à s’adapter aux besoins particuliers de A. En effet, il bénéficie de l’accompagnement d’un AESH sept demi-journées par semaine et sort la majorité du temps de sa classe pour travailler en individuel avec lui. D’une part, cela va à l’encontre des circulaires du Ministère de l’Éducation nationale relatives à l’inclusion indiquant qu’un AESH ne peut être seul avec un enfant et qu’il ne peut pas se faire confier la responsabilité d’un élève. D’autre part, ce fonctionnement ne permet pas l’inclusion de A. dans sa classe avec son groupe de pairs. Nous pouvons nous questionner sur les répercussions de ce fonctionnement, sur le sentiment d’appartenance de A. à sa classe et sur ses relations sociales, qui semblent actuellement amoindries. Parallèlement, l’enseignante de CE1, tout comme les enseignants des classes précédentes, se disent démunis face à l’accompagnement de cet enfant. Le peu de progrès constatés dans les apprentissages semblent les renvoyer à une forme d’échec professionnel : ils ne savent pas quel support proposer pour permettre à l’enfant d’être situation de réussite dans ses apprentissages. Cela questionne également sur les compétences des enseignants et des AESH à répondre aux besoins particuliers d’enfants ayant le profil pour aller en ULIS (selon les recommandations de l’hôpital), mais ne bénéficiant pas de ce dispositif. 

Enfin, il semble indispensable pour le développement de A. que des professionnels spécialisés dans les troubles qu’il rencontre, et extérieurs à l’école, puissent l’accompagner. Afin de soutenir son développement, des suivis en orthophonie et en psychomotricité semblent a minima nécessaires pour l’aider à entrer dans la lecture, à maintenir son attention, à améliorer ses capacités visio-spatiales etc. Or, A. ne bénéficie d’aucun suivi malgré les recommandations du médecin scolaire et du psychologue de l’Éducation nationale. La liste d’attente pour une prise en charge en SESSAD ajoute une difficulté supplémentaire au travail partenarial. Le refus de la mère de faire le lien entre l’hôpital et l’école ne permet pas de travailler conjointement pour accompagner son enfant, et cela nuit nécessairement à son évolution.

3. Dimension réglementaire

Les problèmes soulevés par cette situation professionnelle peuvent donc être regroupés selon trois axes de réflexion : un lien école-famille partiellement dégradé, une école qui parvient difficilement à être inclusive, et un partenariat entravé entre les différents professionnels qui entourent le jeune. Ils peuvent tous être éclairés par différents textes réglementaires, mais le cadre général qui guide notre réflexion doit rester celui de la réussite de l’élève, tant d’un point de vue d’émancipation personnelle que de progression dans les apprentissages. Ce principe est énoncé dans la Convention relative aux droits de l’enfant1Organisation des Nations Unies. (1989). Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée et ouverte à la signature, ratification et adhésion par l’Assemblée générale (résolution 44/25 du 20 novembre 1989). Entrée en vigueur le 2 septembre 1990, conformément à l’article 49., ratifiée par la France en 1990. Il est ainsi indiqué dans l’article 3.1 que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale (…) l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. ». De plus, les besoins éducatifs particuliers de A., au vu de sa reconnaissance de handicap, doivent être envisagés selon l’article 23 de cette même déclaration : « Les États parties reconnaissent que les enfants mentalement ou physiquement handicapés doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité. ». Cet objectif d’inclusion est réaffirmé dans la loi du 11 février 2005 pour « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », qui tend à remplacer le paradigme de l’intégration scolaire qui nécessitait l’adaptation de l’enfant à l’école, quand cela était possible, à celui de l’école inclusive qui implique que ce soit l’école qui s’adapte à toutes les singularités et se rende accessible à tous.

Les relations entre l’école et les parents font l’objet de la Circulaire n° 2013-142 du 15 octobre 2013 dont l’objectif est de renforcer la coopération entre les parents et l’école. Il est rappelé que le développement du lien école-famille est un levier dans la réussite des élèves. Dans la situation étudiée, le lien entre l’école et la famille n’est pas rompu. La mère de A. vient aux réunions d’équipes éducatives et la relation avec la psychologue de l’Éducation nationale semble se faire dans la coopération. Néanmoins, l’équipe enseignante ne parvient pas à créer une coéducation efficiente qui est pourtant nécessaire à la réussite de A. Or, lorsque des difficultés d’apprentissage apparaissent, les équipes devraient pouvoir « mettre en place un travail étroit avec les parents, en s’appuyant, si nécessaire, sur les professionnels compétents au sein de l’établissement ainsi que sur les partenaires de l’école. »2Ministère de l’Éducation nationale. (2013). Circulaire n° 2013-142 du 15 octobre 2013. RED – DGESCO B3-3 et B3-1.. Cette nécessité de maintenir la communication avec les familles est réaffirmée dans la circulaire de rentrée de 2021 : « Une attention particulière devra être portée à la relation avec les familles, avec la mise en place systématique d’échanges avec les parents à l’occasion d’une nouvelle scolarisation, afin que la communauté éducative soit pleinement consciente des besoins de l’enfant. »3Ministère de l’Éducation nationale. (2021). Circulaire de rentrée 2021 du 23 juin 2021., notamment dans la scolarisation d’un élève en situation de handicap. Il est alors important d’accompagner la famille dans son processus d’acceptation de la situation de handicap de son enfant, et le rôle du SESSAD est fondamental dans cet accompagnement des parents. La Haute Autorité de Santé rappelle qu’il faut « adapter l’action du SESSAD au cheminement des parents par rapport à leur nouvelle situation de vie, à la situation de handicap de leur enfant et son évolution, et les aider à se réorganiser progressivement. » 4Anesm. (2011). Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : L’accompagnement des jeunes en situation de handicap par les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). Février 2011.. Cette prise en charge, pour laquelle A. est en liste d’attente, redéfinira la relation entre l’école et la famille en recourant « à des outils apportant aux équipes une meilleure compréhension des diversités découlant des différences culturelles, sociales et économiques, afin d’ajuster au mieux leur communication avec les familles et d’éviter des maladresses, sources de malentendus ».

Ici, les difficultés d’apprentissage rencontrées relèvent du champ du handicap. En effet, A. bénéficie d’une reconnaissance de handicap notifiée par la MDPH. A. bénéficie d’un accompagnement par une AESH mutualisée qui se retrouve très régulièrement isolée avec A. Ils passent peu de temps au sein de la classe. L’accompagnement ne parvient pas « à favoriser l’autonomie de l’élève, sans se substituer à lui, sauf lorsque c’est nécessaire. »5Ministère de l’Éducation nationale. (2017). Circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017.  Or, comme le souligne la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République « il convient de promouvoir une école inclusive pour scolariser les enfants en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers en milieu ordinaire. Le fait d’être dans la classe n’exclut pas de bénéficier d’enseignements adaptés »6République française. (2013). Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.. L’accompagnement et la formation des équipes enseignantes apparait ici fondamental afin de « les soutenir » 7Ministère de l’Éducation nationale. (2019). Circulaire de rentrée 2019 – École inclusive (Circulaire n° 2019-088 du 5 juin 2019). comme rappelé dans la circulaire de rentrée 2019 pour l’école inclusive. Il apparait également important que la formation de l’AESH qui accompagne A. puisse être mise en place et que cette accompagnante fasse pleinement partie de l’équipe éducative afin que ses interventions soient coordonnées avec les enseignements et projets de la classe de A. Sa participation aux équipes de suivi de scolarisation (ESS) permet de définir et prioriser ses missions, sans quoi l’inclusion de A. ne pourra être efficiente.

Enfin se joue dans cette situation la nécessité d’un partenariat efficace entre les différents professionnels qui travaillent autour et avec A. Les RASED sont constitués d’un enseignant spécialisé chargé de l’aide à dominante pédagogique, d’un enseignant spécialisé chargé de l’aide à dominante rééducative et du psychologue scolaire (Circulaire n° 2014-107 du 18-8-2014). En ce sens, la place du RASED dans la relation avec la famille est à privilégier car une confiance semble s’être établie entre la psychologue de l’Éducation nationale et la famille. Cette coopération prend pleinement sens au regard de la circulaire sur le fonctionnement des RASED. En effet, « le psychologue scolaire aide à l’analyse de la situation particulière d’un enfant en liaison étroite avec la famille et les enseignants. (…) Lorsque cela paraît souhaitable, le psychologue scolaire peut conseiller à la famille la consultation d’un service ou d’un spécialiste extérieur à l’école et contribuer, avec l’accord de celle-ci, à la recherche d’une réponse adaptée. » 8Ministère de l’Éducation nationale. (2014). Circulaire n° 2014-107 du 18 août 2014 sur le fonctionnement des Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) et les missions des personnels qui y exercent. On voit bien ici que l’accord de la famille est indispensable à une prise en charge efficace du jeune mais que le regard des professionnels permet d’aider la famille dans la recherche d’une solution pour la réussite de A. A. bénéficie d’une notification pour une orientation en SESSAD, mais la mise en place sur liste d’attente de ce service de soins ne lui permet pas d’être pris en charge rapidement. Or, comme rappelé dans l’article 24 de la convention des droits de l’enfant « les États parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services. » La loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République précise notamment que « des moyens d’accompagnement seront mobilisés en priorité (…) pour scolariser les élèves en situation de handicap. Cet accompagnement s’appuiera sur des coopérations renforcées et facilitées avec les services médico-sociaux. »9Peille, F. Accompagnement des familles dont un membre présente une situation de handicap, Empan 2016/4 (n°104), 89-96, Éditions Érès.

4. Ce qu’en disent des collègues

Afin d’élargir les points de vue sur la situation qui nous occupe, nous avons effectué sept entretiens auprès de professionnels pouvant apporter leur regard spécifique et une vision multi-catégorielle sur celle-ci. Nous avons choisi de rencontrer : 

  • une directrice de centre de loisirs accompagnée de l’animatrice référente de A.(annexe 1) 
  • un médecin scolaire (annexe 2) 
  • une représentante de parents d’élèves élue et éducatrice spécialisée (annexe 3) 
  • une enseignante référente (annexe 4) 
  • un coordonnateur d’ULIS (annexe 5) 
  • une directrice d’école maternelle (annexe 6) 
  • une AESH référente (annexe 7)

Les différents professionnels rencontrés soulignent la difficulté de la mère à accepter celles de son fils, ce qui complique le fait d’envisager les aides appropriées du point de vue de l’hôpital et de l’école. La vision qu’a la mère de l’ULIS fait obstacle à son acceptation pour le bien son fils. Au-delà de ses propres représentations, cela questionne le long cheminement d’un parent face au handicap de son enfant, face à la perte de l’enfant idéal. Des conseils d’explicitation et des rencontres avec le coordonnateur ou les parents ont été envisagés, mais comme le suggère la représentante élue de parents d’élèves (annexe3) « il faut coopérer et lâcher du lest sur les demandes », « il faut lui dire qu’on a entendu qu’elle ne voulait pas de l’ULIS et qu’on va proposer des stratégies dans la classe et lui présenter. » Pour une réelle coopération avec les parents, il est nécessaire de faire des détours, « Il faut être avec la maman et pas contre elle ». Depuis la Petite Section, les décisions pour son fils sont imposées, « tout est fait en force », « elle répond par une autre force et tout est bloqué, ça ne peut pas avancer ». Ce « pas en arrière pour mieux avancer » serait compliqué à faire pour l’école, pour l’enseignant, mais peut-être s’avérerait-il bénéfique pour la suite de la scolarisation de A. En laissant du temps d’élaboration à la mère, en lui montrant ce qui est réfléchi et mis en place à l’école pour son fils, l’école lui montre que tout est mis en œuvre pour l’accompagner, amenant ainsi à constater les limites parfois atteintes. Le médecin scolaire (annexe 2) fait également état de ces limites : « il faut qu’on accepte nos limites […], si elle refuse l’ULIS, c’est son choix ». Cela rejoint ce que Jacques Bernardin préconise pour construire une relation de confiance pour les parents et un sentiment de sécurité pour l’enfant : se sentir reconnu […] passe par des temps d’échange autour de l’expérience personnelle, du rapport à l’école des parents. Ce sont des partenaires naturels de l’action éducative. 10Fenêtre sur Cours. (2023). Spécial inclusion : Faire vivre l’école inclusive (n°493). Octobre 2023..

L’idée d’une information préoccupante a été évoquée par plusieurs enquêtés. Le coordonnateur d’ULIS (annexe 5) évoque cette possibilité pour « recentrer sur les besoins de l’enfant et non essayer de garder le lien avec la mère », « remettre l’enfant au centre de chaque interrogation ». « Son refus nuit au bon développement de l’enfant », mais il termine en reformulant la nécessité de « privilégier le dialogue toutefois ». Le médecin scolaire (annexe 2) en revanche, ne conçoit pas l’utilité de celle-ci : « On ne peut pas prendre la mère par la main. ». « Si les services sociaux étaient plus performants, ça serait différent… si la famille ne répond pas favorablement, ils ne peuvent pas les obliger ». L’enseignante référente (annexe 4) quant à elle, relève factuellement la nécessité de faire une IP, il y a défaut de soins. Mais au vu des relations difficiles entre la mère et l’école, elle avance le caractère maladroit de cette démarche : « la carte qu’il reste à jouer est celle de l’IP si les soins ne sont pas mis en place, mais c’est très maladroit. ». « Il faudrait faire comprendre à la mère que c’est pour l’aider et pas lui mettre les assistantes sociales chez elle. » Dans cette situation, garder le lien avec la mère a permis de petites avancées, mais l’intrusion que représente cette démarche romprait toute confiance. La maman ne se sentirait pas reconnue mais jugée. Dans ce sens, l’enseignante référente propose de faire alliance avec la mère : « pour elle aussi ça doit être très dur et lourd car le papa n’est pas présent. Elle a besoin de personnes ressources, il faut l’aider. »

En ce qui concerne l’AESH, la référence aux textes réglementaires revient régulièrement. Sortir l’élève de la classe, être seul avec lui pose un problème de sécurité, de responsabilité. Une directrice d’école (annexe 6) s’étonne : « En Petite Section, il s’échappait de la classe, aujourd’hui on l’en sort ! C’est un comble. » Le coordonnateur d’ULIS rappelle l’intérêt d’être dans le groupe même s’il ne participe pas : « il prend de la situation » et peut développer des « compétences sociales ». Le médecin scolaire rappelle l’importance pour l’enfant de se sentir épanoui : « il peut apprendre à être content d’être là, de communiquer avec les autres. » L’enseignante référente d’abonder : « il faut aussi insister sur l’aspect socialisation qui va décrocher car il n’est pas avec les autres de sa classe la journée. C’est un petit garçon qui va être en souffrance sur tous les plans. » (annexe 4)  Le coordonnateur d’ULIS (annexe 5) confirme : « c’est un devoir d’accueillir tous les élèves et un droit d’avoir des contacts avec les autres. » Le dialogue est nécessaire entre l’enseignante et l’AESH pour penser un coin dans la classe, pour échanger sur ses points d’appui, pour penser son inclusion. L’AESH le connait bien, elle constate au plus vite ses progrès. Mais comme le déplore Grégoire Cochetel 11Fenêtre sur Cours. (2023). Spécial inclusion : Faire vivre l’école inclusive (n°493). Octobre 2023. : les personnels manquent de temps formel pour construire et entretenir ce travail collaboratif. Dans ce même numéro, Liliane Pelletier va dans ce sens en parlant de l’absence d’approche polycentrée qui fait parler ensemble les métiers pour entrer en dynamiques inclusives collectives. Le médecin scolaire (annexe 2) soutient par ailleurs tous les professionnels en rappelant « qu’il faut [les] rassurer sur le fait que chacun fait bien son travail ». Face aux injonctions sans cesse plus nombreuses d’accueil et de réussites de tous les élèves, les enseignants peuvent vivre des formes de désarroi pédagogique constate Alexandre Ployé12Fenêtre sur Cours. (2023). Spécial inclusion : Faire vivre l’école inclusive (n°493). Octobre 2023.. L’AESH référente (annexe 7) fait ce constat : « si c’est le seul moyen pour qu’il travaille un peu, on finit par faire des choses qu’on n’a pas le droit de faire. » Les professionnels sont mis à mal par manque de moyens et de temps.

Plus généralement, les différents enquêtés ont abordé la notion d’école inclusive, mais le changement de paradigme entre intégration et inclusion est complexe. La nécessité du travail en équipe est souvent relevée « ce n’est pas son cas à elle, toute l’école est concernée » précise la directrice d’école (annexe 6), « ça manque de réflexion et de formation sur l’école inclusive ». « Pourquoi et comment accueillir tous les élèves ? » questionne le coordonnateur d’ULIS. Liliane Pelletier et Alexandre Ployé 13Fenêtre sur Cours. (2023). Spécial inclusion : Faire vivre l’école inclusive (n°493). Octobre 2023. relaient le besoin de formation à l’altérité, la mise en place de dispositifs d’accompagnement-formation, et œuvrent pour faciliter les gestes professionnels inter-métiers pour l’étude des situations complexes en contexte ». Une « formation filée inter-catégorielle au dialogue inter-métiers » y participerait. La directrice du centre de loisirs et l’animatrice référente de A. (annexe 1) déplorent ce manque de coopération. On entend également que ces temps d’échanges entre professionnels impliquent une sensibilisation des enfants à la différence. Encore une fois, la complexité d’un travail entre tous les acteurs de la communauté éducative, y compris avec les enfants, est relevée, et ce en incluant les parents, ce qui permet d’aborder pour certains enquêtés la notion de coéducation. La représentante des parents d’élèves élue (annexe 3) parle de « cohérence de toutes les parties » en mettant l’accent sur la coopération avec les parents : « on peut dire qu’on ne sait pas tout. On leur demande s’ils ont des pistes pour nous aider. » Cela œuvre à une reconnaissance des places et rôles de chacun pour aller vers plus de confiance partagée, nœud central de la situation qui nous occupe. Pour construire une relation de confiance, être accueilli, se sentir reconnu et être informé semble être la base d’une coéducation réfléchie. Les enquêtés sont unanimes quant à la nécessité du dialogue entre les différents partenaires.  

5. Les ressources universitaires

Dans notre analyse, nous avons vu que la dégradation de la relation entre l’école et la famille de A. s’inscrit dans une difficile acceptation du handicap de son enfant par la mère. Pour Françoise Peille, psychologue clinicienne, l’accompagnement des familles dont un membre présente une situation de handicap 14Peille, F. Accompagnement des familles dont un membre présente une situation de handicap, Empan 2016/4 (n°104), 89-96, Éditions Érès. passe d’abord par la prise en compte de l’épreuve traversée par les parents : « il s’agit d’une perte : [la] perte de l’enfant rêvé ». En effet, on ne peut accompagner les familles sans envisager le travail psychique important qui est en jeu dans l’acceptation de la perte de l’enfant imaginaire et projeté. Ici, le travail de deuil est inscrit dans un « deuil tronqué », ce qui le rend impossible. « Même s’il y a perte, la personne est toujours là, mais notre relation sera modifiée et différente de celle que nous avions avant. Quand il s’agit d’un enfant pour les parents, ils devront faire le deuil de l’enfant qu’ils avaient imaginé avant son arrivée, car aucun parent ne désire ou n’imagine qu’il pourrait avoir un enfant présentant un handicap. » Nous avons vu que A. et sa sœur sont dans la même école, mais sa situation à elle a été peu évoquée. Or, la situation de handicap de A. impacte aussi la fratrie : « de même, les frères et sœurs devront se réorganiser dans la fratrie et cela sera un travail difficile, dont les adultes qui les entourent n’imaginent souvent pas la difficulté. » Il est alors également important d’accompagner la sœur, afin qu’elle trouve sa place dans une famille au sein de laquelle beaucoup d’énergies et de regards sont consacrés au frère. Il nous appartient, en tant que professionnels, de considérer et de « comprendre les difficultés spécifiques qu’auront les parents pour se sentir parents d’enfant porteur d’un handicap. »

Mais alors, comment accompagner la mère de A. dans cette difficile acceptation du handicap ? Françoise Peille rappelle que « pour pouvoir aider les parents, il faut d’abord les reconnaître comme parents d’enfant leur appartenant et compétents pour cet enfant-là. ». La mère de A., mais aussi son père, connaissent cet enfant depuis sa naissance et vivent avec lui : les professionnels seuls ne peuvent pas se placer en situation de « sachants », les parents savent beaucoup de leur enfant et il est important de les écouter : « aux conseils qui nous placent comme détenteurs d’un savoir, il faut préférer le soutien au narcissisme des parents ». Les parents de A. doivent se sentir reconnus et plusieurs rencontres bienveillantes pourront être mises en place afin de construire le projet de scolarisation de A. tant avec les professionnels enseignants et les soignants, qu’avec sa famille. En ce sens, Françoise Peille écrit : « les rencontres avec les parents devront faire partie de la réflexion d’une équipe soignante et leurs modalités sont à trouver, à inventer et à personnaliser selon les situations et ceux qui s’en occupent. Le projet thérapeutique pour l’enfant doit être fait avec eux. ». Il en va de même pour le projet de scolarité de A.

Pour mieux comprendre la situation étudiée, il semble pertinent de s’interroger également sur la notion d’école inclusive qui remplace depuis quelques années le paradigme de l’intégration, notamment depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Émilie Chevallier-Rodrigues, Amélie Courtinat-Camps et Myriam de Léonardis, dans leur note de synthèse Dix années de politique inclusive à l’école : quel bilan ? 15Chevallier-Rodrigues, E., Courtinat-Camps, A., de Léonardis, M. Dix années de politique inclusive à l’école : quel bilan ? Carrefours de l’éducation, 2(42) 2016/2, 215-239, Éditions Armand Colin., rappellent que « l ’utilisation de l’expression « en situation de handicap » vient souligner l’importance des facteurs environnementaux ». Une personne se trouve en situation de handicap dans un contexte donné, c’est son environnement qui révèle son handicap : la personne en situation de handicap est « le produit de l’incapacité de l’environnement à traiter correctement les différences et non pas comme la conséquence d’une déficience propre à la personne ». Il revient donc à l’école inclusive de s’adapter aux besoins de A. pour lui permettre d’accéder aux apprentissages et d’être un élève engagé dans sa scolarité. En résumé, l’inclusion et l’intégration sont « deux conceptions distinctes qui engagent des orientations d’actions différentes, dans un cas davantage centrées sur les difficultés des élèves et les aides à leur apporter, et dans l’autre sur l’aménagement du fonctionnement pédagogique pour permettre les apprentissages de tous » (Plaisance, 2007, p. 161). » Or, comme nous allons l’envisager ci-dessous, les équipes éducatives ont besoin d’être formées et accompagnées. Dans leur note de synthèse, les autrices 16Chevallier-Rodrigues, E., Courtinat-Camps, A., de Léonardis, M. Dix années de politique inclusive à l’école : quel bilan ? Carrefours de l’éducation, 2(42) 2016/2, 215-239, Éditions Armand Colin. soulignent également la nécessité d’un travail coéducatif avec les familles : « Berzin et al. (2007) soulignent, pour les différents partenaires de l’inclusion (professionnels et familles), la nécessité de communiquer et d’interagir. »

La croissance de la scolarisation des enfants en situation de handicap produit des configurations de scolarisation très diversifiées qui peuvent déstabiliser et réinterroger les modalités d’accueil. Le recueil de données de Guirimand N. et Mazereau P. (2016) 17Guirimand, N. & Mazereau, P. Inclusion scolaire et professionnalités enseignantes entre attentes et contradictions. Carrefour de l’éducation, 2(42) 2016/2, 47-60, Éditions Armand Colin. rapporte que les enseignants font état de leur sentiment d’incompétence et se sentent démunis. Le mal-être des enseignants se trouve accentué par la difficulté à trouver des ressources nécessaires. Certains enseignants rapportent devoir faire face aux situations et construire des solutions provisoires en ressentant un fort sentiment d’illégitimité. Il peut également arriver que les enseignants ne différencient pas le travail proposé aux élèves par souhait de ne pas stigmatiser l’enfant, au risque de ne pas répondre à leurs besoins. Historiquement, le fonctionnement de l’enseignement spécialisé a toujours privilégié une prise en compte des élèves à besoins particuliers en dehors de la classe ordinaire. Le manque de solidarité professionnelle entre enseignants d’une même école est également relevé par les enquêtes. Rares sont les écoles qui mènent un travail collectif interpersonnel pour accueillir les élèves en situation de handicap. 

Ces éléments peuvent être rapprochés avec la situation de l’enseignante de A. qui doit possiblement se sentir isolée et manquer de soutien de la part de ses collègues enseignants. Elle rapporte se sentir démunie, ce qui renvoie aux résultats des enquêtes exposant que les enseignants ont un fort sentiment d’illégitimité. 

La présence des AESH joue ainsi un rôle de première ligne non négligeable. La revue Empan a consacré un numéro sur le thème des AESH. Dans ce numéro, la relation de travail entre les enseignants et les AESH est évoquée (Toullec-Théry M. & Granger, N., 2023) 18Toullec-Théry, M. & Granger, N. (2023). Ecole inclusive et personnes accompagnantes des élèves en situation de handicap : état des lieux de la recherche. Empan, 4(132), 26-34.. Il est expliqué que cette relation peut avoir de la peine à s’instaurer du fait du manque d’indications claires sur le statut et sur les responsabilités de chacun. Il semble y avoir de fortes attentes du corps enseignant envers les accompagnants, sans pour autant créer de collaboration entre eux. Les modalités de collaboration demeurent floues et problématiques, malgré la bonne volonté de chacun. Il est fréquent que les enseignants n’effectuent pas la planification des tâches et ne supervisent pas le travail de l’accompagnant. En effet, 26% des AESH disent ne pas échanger au moins une fois par jour sur les activités à mener en classe, et 40% rapportent ne pas avoir de temps formalisé avec l’enseignant. Les AESH peuvent alors se retrouver contraints de se débrouiller seuls, ce qui peut entraîner un risque d’épuisement professionnel. 

Dans la situation de A., l’AESH étant la majorité du temps seule avec l’enfant en dehors de la classe, il semble compliqué d’imaginer que l’enseignante puisse réellement superviser le travail de l’enfant. Il est possible que le manque de clarté sur les responsabilités de chacun vienne entraver cette collaboration. 

S’ajoute à cela que les AESH recrutés ne connaissent pas toujours les codes professionnels du milieu scolaire, ne maîtrisent pas forcément les activités scolaires et les compétences associées. Dans ce même numéro de la revue Empan, la qualité de la formation des AESH est également évoquée par Sabine Aissani (2023) 19Aissani, S. (2023). L’AESH en quête de formation. Empan, 4(132), 58-64.. Le nombre d’AESH a connu une augmentation de 35% entre 2017 et 2021. Une alerte a été lancée sur le fait que de nombreux AESH se retrouvaient en poste sans avoir eu de formation avant leur prise de poste, ni au cours du premier trimestre de l’année scolaire. Il est cependant spécifié dans le contrat de travail qu’une formation de soixante heures est obligatoire. Il a été constaté que plusieurs personnels ont été amenés à se former seuls, par leurs propres moyens. Le recrutement se faisant sous forme d’entretien auprès de candidats ayant a minima un niveau baccalauréat, les personnes recrutées n’ont que rarement de formation antérieure en lien avec l’emploi. Les besoins personnels de formation varient donc d’une personne à l’autre en fonction de leur qualification initiale. Ces soixante heures de formation sont dispensées en présentiel, sur le temps scolaire, et en distanciel. L’apprentissage par e-learning ne semble pas favoriser une dynamique collective des savoirs. Cela peut questionner sur l’appropriation des ressources par l’AESH qui se retrouve seul face à son écran. Le parcours de formation peut se limiter aux soixante heures obligatoires, les parcours de formation continue proposés ultérieurement étant optionnels. Pour les auteurs, le risque est d’envoyer sur le terrain des professionnels insuffisamment formés à répondre aux besoins des élèves, et connaissant peu les différents types de handicap. S’ajoute à cela le travail en équipe, la coopération avec les familles ou encore la gestion des conflits. La question suivante se pose alors : comment les accompagnants sont-ils armés psychologiquement pour faire face aux aléas des interactions avec les enfants ? Le lien qui s’établit avec l’élève et l’accompagnant est principalement fondé sur des qualités humaines entre deux personnes, entre deux subjectivités. L’enjeu de l’AESH de savoir se placer à la bonne distance de l’élève, ni trop distant ni trop proche, ne va pas de soi et demande une analyse continue de son positionnement afin de s’ajuster avec précision. L’acquisition des compétences relationnelles semble indispensable pour accompagner l’élève dans les meilleures conditions. La formation ne propose cependant pas d’apprentissage au développement de l’écoute, du contrôle de soi, de l’empathie etc. Ainsi, face à l’opposition de A. de travailler en classe sur un support différent de ceux des autres élèves, l’AESH ne sait peut-être pas comment agir du fait d’un manque de formation initiale. 

6. Pistes de résolution de la situation

Comme il est indiqué dans la circulaire de rentrée depuis maintenant deux ans, l’accueil personnalisé de chaque élève porteur de handicap et de sa famille est nécessaire. Bien veiller à cela permet aux parents de se sentir accueillis, écoutés et pris en compte, et le lien ainsi noué peut accompagner un changement de positionnement. En effet, les parents n’auraient plus un sentiment de « subir » en découvrant les aménagements mis en place pour leur enfant, mais pourraient au contraire se sentir concernés, et même force de proposition. La mère vit au quotidien avec son fils : elle connaît ses fragilités et a certainement identifié des éléments facilitateurs. Si certains d’entre eux étaient transposables à la spécificité de l’école, ce serait l’occasion d’une coopération école-famille afin d’instaurer une responsabilité partagée autour des nécessaires aménagements à un accueil plus serein de A. Cet accueil coconstruit contribuerait à la reconnaissance mutuelle de la légitimité de chacun. Par ailleurs, ce pourrait être l’occasion d’entendre la nécessité de faire du lien avec les autres partenaires. Si le rôle de chacun des partenaires est clairement identifié, si les droits et les devoirs réciproques sont connus et reconnus, alors un climat de confiance partagée peut s’instaurer. Accueillir, informer, dialoguer, impliquer, constituent le canevas d’une mise en confiance mutuelle. Cette confiance instaurée amènerait peut-être les parents à autoriser les liens nécessaires avec les partenaires extérieurs.  A. se sentirait également reconnu dans sa différence, grâce à un temps d’explicitation de ce qui est mis en place pour qu’il réussisse au mieux.

Renouer le dialogue avec les parents de A. permettrait d’envisager aborder à nouveau l’orientation de l’enfant. Cette mère méfiante doit se sentir accompagnée, et l’école a besoin de renouer avec le père. Le lien privilégié avec la psychologue de l’Éducation nationale pourrait être l’occasion de faire évoluer les représentations erronées que la mère entretient face au dispositif ULIS. En effet, actuellement, l’orientation proposée n’est pas perçue comme une aide mais comme une stigmatisation, un frein aux progrès de son fils. Un travail d’explicitation de l’accueil en ULIS est primordial, car la mère a besoin d’être aidée dans sa prise de conscience. Si une ULIS peut correspondre aux besoins de son enfant à ce moment de sa scolarité, comme le préconise l’hôpital Debré suite à des bilans neurologiques, cela n’entérine pas tout un cursus scolaire : les aménagements au plus près des besoins  de l’enfant l’aideront à être plus autonome, et les modalités de scolarisation pourront en être modifiées si nécessaire. De plus, l’orientation en ULIS ne signifie pas une scolarisation dans cette unité à temps plein. Cette proposition d’inclusion est au contraire une inscription dans une classe ordinaire avec des aménagements et des regroupements en classe ULIS pour des besoins plus spécifiques. Là encore, rien n’est figé, et des changements peuvent s’opérer durant l’année. La mère de A. peut en être informée par la psychologue, mais une rencontre avec le coordonnateur ULIS et une visite d’un des dispositifs peuvent être plus profitables, comme le suggère la représentante de parents d’élèves et éducatrice spécialisée (annexe 3). Une rencontre avec des parents d’élèves scolarisés en dispositif ULIS peut également être proposée (annexe 3). Parallèlement, il est important d’insister sur le lien école-hôpital nécessaire pour accompagner au mieux son enfant. Enfin, ces entretiens peuvent aussi être l’occasion de reparler du CMP. 

Au quotidien, les journées de A. sont rythmées par des temps scolaires et périscolaires. Qu’en est-il de ces derniers ? Comment A. ressent ces temps de vie collective ? Prend-il part aux activités collectives ou préfère-t-il jouer seul ? A-t-il des camarades de jeux ? Sont-ils dans sa classe ? S’interroger sur ces temps périscolaires pourrait enrichir la connaissance que l’école a de l’enfant. Échanger autour de ce qu’il est ailleurs que devant des apprentissages qui le mettent en difficulté, pourrait apporter un regard positif sur l’élève. Ce temps de rencontre peut être à l’initiative de chacun des acteurs, et pas uniquement de l’école, contrairement à ce que la directrice du centre de loisirs sous-entend (annexe 1).   Cela pourrait être l’occasion d’une rencontre entre les animateurs du périscolaire et l’enseignante, voire de l’ensemble des enseignants des classes de CE1, pour élaborer un emploi du temps aménagé. Cet emploi du temps pourrait être proposé aux parents lors d’une deuxième rencontre avec les parents, le directeur du centre, l’enseignante et la psychologue de l’Éducation nationale. La psychologue représentant le lien fragile mais réel entre l’école et la famille, son rôle serait de valoriser les propositions de l’école auprès de la mère. Concrètement, s’il se révèle bon en sport, pourquoi ne pas proposer qu’il participe aux séances de sport de toutes les classes de CE1 ? Cela pourrait être l’occasion d’être plus en relation avec ses pairs. Si ce sont les arts visuels qui le motivent, lui permettre d’assister à ces séances dans d’autres classes de même niveau. Cette organisation s’apparente au fonctionnement des classes ULIS, précision importante pour la mère dans sa compréhension de cette unité d’accueil. S’il est en relation avec des camarades de classe dans des activités de jeu, peut-il apporter ce jeu dans la classe ? Communiquer avec le périscolaire permettrait de considérer A. dans sa globalité d’écolier. Par cette démarche, la place de l’enseignante est par ailleurs valorisée. En effet, la connaissance qu’elle a de son élève, ses observations et ses constats, mêlés à ceux du périscolaire, la conforterait dans sa légitimité d’enseignante chargée de la progression de chaque élève de sa classe. Le but serait de lui permettre de réinvestir cet élève qui semble la mettre en difficulté mais qui a besoin d’elle pour évoluer. Ce regard pluriel posé sur lui permettrait en effet à la mère d’envisager plus positivement l’école, école comme lieu de vie où l’on prend tous les aspects du quotidien en compte pour que l’enfant s’épanouisse. Les parents, méfiants vis-à-vis de l’école, pourraient ainsi renouer avec une vision plus positive. Ces temps d’échange et d’organisation pourraient aboutir à une invitation du périscolaire aux ESS à venir. A la demande de l’enseignante ou de la direction, l’enseignant référent se chargerait d’inviter le responsable du périscolaire.

Par ailleurs, l’enseignant accueillant un enfant en situation de handicap ne doit pas être seul face aux besoins particuliers de l’élève. Ce sont des situations d’école qui nécessitent l’attention et l’expérience de tous. Envisager un emploi du temps personnalisé sollicite la collaboration de toute une équipe. Le RASED a toute légitimité pour penser des aménagements : emploi du temps aménagé en conciliant des temps en collectif, seul, avec l’AESH, en petit groupe avec l’enseignant, la différenciation pédagogique, etc. La conseillère pédagogique école inclusive de la circonscription peut également être sollicitée. En croisant les regards professionnels, des réponses plurielles peuvent émergées. En invitant les parents à prendre connaissance des aménagements proposés, l’école se veut attentive et préoccupée, mais également mobilisée pour aider au mieux A. 

Plus globalement, pour un meilleur accompagnement des enfants porteurs de handicap, il est souhaitable que les professionnels soient formés. C’est aux supérieurs hiérarchiques, aux référents des différents professionnels de l’école d’être à l’affût de formations aidantes, les AESH en premier lieu mais également les enseignants. Afin de travailler à la réussite des élèves en grande difficulté, il serait souhaitable de savoir coopérer en reconnaissant les compétences de chacun. Travailler en binôme ne s’improvise pas, et pour que cela ne se réduise pas à une transmission de documents, des temps de formation en commun sont nécessaires.

Malgré la liste d’attente conséquente pour la mise en place de soins par le SESSAD, il est important, par l’intermédiaire du médecin scolaire, de relancer cette demande tout au long de l’année, d’autant  plus que la maman de A. est en accord avec cette proposition. Tout lien doit être entretenu et rappelé comme un point d’appui, d’accord avec la famille.

Une piste sur le long terme serait la proposition d’une Aide Éducative à Domicile (AED) : c’est en ce sens que plusieurs enquêtés ont évoqué la rédaction d’une Information Préoccupante (annexes 2, 4, 5), mais cette proposition reste fragile. Dans quelle mesure les parents seraient réceptifs à une aide éducative par l’Aide Sociale à l’Enfance ? Les professionnels de l’école pensent que les parents ont besoin d’une AED, mais cette préoccupation n’est pas partagée par la mère. Elle considère cette aide non pas comme un accompagnement mais comme un soutien à un manquement : cela sous-tend donc une défaillance de sa part. Alors que les propositions relevant des compétences de l’école ne sont pas acceptées, comment peut-elle autoriser une telle intrusion dans l’éducation de ses enfants ?

Enfin, à long terme, le groupe scolaire pourrait se questionner sur l’ouverture de l’école aux parents. Quelle connaissance les familles ont-elles de l’école et de son fonctionnement ? Comment les familles sont-elles en lien entre elles ? Les parents sont-ils acteurs de cette école ? L’équipe enseignante, et plus largement la communauté éducative, pourrait s’interroger sur le terme de coéducation. Comment, chacun à sa place, faire évoluer les relations école-famille et penser l’école comme lieu d’apprentissages, de socialisation et de réflexion pour la réussite de tous ? Ce questionnement répond aux exigences de la circulaire d’octobre 2013 20Ministère de l’Éducation nationale. (2017). Circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017. : « renforcer la coopération entre les parents et l’école dans les territoires » pourrait déboucher sur une réflexion d’équipe autour de la responsabilité éducative à l’école. Cela peut par exemple passer par une réflexion autour de la réunion de rentrée :  qu’attendent les enseignants de cette réunion inaugurale ? Quelles sont les attentes des parents ? S’ensuit une proposition de réunion en trois temps : informations générales synthétiques sur le fonctionnement de la classe, temps en petits groupes mettant les parents en situation active d’échange entre eux, afin de s’interroger sur ce qui est le plus important pour eux ; puis de nouveau un temps collectif de questions/réponses. L’enseignant permet la circulation de la parole entre les parents qui pourront s’identifier, se reconnaitre et s’entraider. Dans la situation qui nous occupe, la mère de A. pourrait tisser des liens avec d’autres parents, échanger à propos des ressentis divers durant l’année. L’enseignant clarifie également les attentes de chacun dans le respect et la reconnaissance des rôles des uns et des autres. Une autre piste de réflexion se situe autour de moments conviviaux de l’école , comme les fêtes de fin d’année ou encore des petits-déjeuners : le but serait que les parents viennent dans le lieu école non plus seulement pour la restitution des résultats ou pour des rendez-vous afin de les alerter sur les difficultés de leurs enfants. Cela créerait du lien, faciliterait le dialogue. Les parents contribueraient au climat de confiance partagée de l’école et ne seraient pas cantonnés à un rôle attentiste de réussite scolaire. Les enseignants eux, montreraient une école « ouverte sur la société » et non une école « sanctuaire du savoir ». Dans ce même but, une « semaine des parents », où chaque parent serait accueilli dans la classe de son enfant pendant un temps limité, pourrait être organisée. Le parent, en tant qu’observateur, fait l’expérience d’un temps de vie en classe, l’enfant pouvant avoir une certaine fierté à faire découvrir son monde d’écolier, et l’enseignant désacralisant le temps de classe tout en en restant maître. Pour des parents éloignés de la culture scolaire ou au contraire consommateurs d’une école seulement garante des apprentissages, cette dernière proposition peut être bénéfique. Nous pensons ici à la mère de A. qui pourrait être confrontée à la réalité de la classe pour son fils et prendre la mesure des aménagements nécessaires au quotidien, comme le préconise la directrice d’école maternelle lors de l’entretien (annexe 6). Enfin, en s’appuyant sur les parents élus, des cafés des parents pourraient être organisés autour de thèmes divers (le sommeil, les écrans, les devoirs…). Cependant, si ce dispositif est assez conséquent à mettre en place puisqu’il nécessite temps, motivation et engagement de part et d’autre des partenaires, il peut surtout engager les uns et les autres dans une démarche de coéducation.

7. Prendre parti

Ces quelques pistes de résolution étant exposées, nous faisons le choix de prioriser le travail en équipe autour des aménagements pédagogiques possibles avec les différents acteurs de l’école. Il est important d’associer la mère de A. lors de ces réflexions et d’y inviter son père. A court terme, cela nous semble essentiel de faire revenir A. dans sa classe et d’organiser ses temps scolaires et périscolaires afin que ses relations avec ses camarades lui permettent de s’identifier à son groupe de pairs. Une réflexion en conseil des maîtres pourra avoir lieu pour organiser son emploi du temps. Un entretien entre les parents, le périscolaire, l’AESH et l’enseignante permettra d’une part d’expliciter les propositions de l’école pour faire progresser leur enfant, et d’autre part d’entretenir un lien, fragile certes mais qui se veut constructif.

A moyen terme, toujours dans un souci de mise en confiance de la famille, la psychologue de l’Éducation nationale pourra proposer de rencontrer les parents pour faire le point avant les instances plus solennelles comme les ESS qui peuvent inquiéter ou intimider les parents. Ces entretiens seront l’occasion, en temps voulu, de reparler du CMP, de la communication avec l’hôpital, puis de l’orientation ULIS. La psychologue aura également la possibilité de mettre en relation les parents avec des associations de parents d’enfants présentant un handicap similaire à celui de A., ou encore de transmettre les coordonnées de parents ayant leur enfant en ULIS, afin qu’un échange rassurant puisse avoir lieu. Mais ces pistes de réflexion seront vaines, ou difficiles à mettre en oeuvre, si nous considérons le point de vue du médecin scolaire quand il alerte sur l’état psychiatrique de la maman (annexe 2). Si nous adoptons son point de vue, la possibilité de la rédaction d’une Information Préoccupante devient une piste de résolution à envisager.

Enfin, sur le long terme, solliciter une réflexion de l’équipe pédagogique autour de la coéducation nous parait important. Quelle vision de l’école proposent-ils aux parents ? Qu’attendent-ils de l’engagement des parents ? Comment coopérer pour une école plus accueillante et plus inclusive ? Comment coopérer pour mieux se connaitre et ne pas se craindre ? Que cela passe par une réunion de rentrée interactive, par des moments de convivialité ou une semaine des parents à l’école, c’est un long travail de réflexion qui pourrait aboutir à une meilleure connaissance des uns et des autres pour se reconnaitre légitime, chacun à sa place.

BARATHIEU Pauline, LARMIGNAT Elise et LIZE-FLAUX Sophie, DU Cootopia 2023-24

Annexes

Annexe 1 : entretien directrice du centre de loisirs et animatrice référente de A.

Directrice : « Ça s’est beaucoup amélioré depuis le CP. Au début il a fallu qu’on mette un adulte supplémentaire pour l’accompagner parce qu’il sortait tout le temps des salles. Il partait en courant et il fallait lui courir après. Et après dès son second CP il n’a plus eu besoin de l’accompagnant, il respectait plus les règles. Aujourd’hui ça va mieux. Par contre quand on l’appelle dans le groupe il répond pas, il faut toujours le rappeler une deuxième fois. »

Animatrice : « Quand on fait des sorties c’est encore compliqué parce que parfois il va traverser la route sans regarder. Quand on est en bus il détache sa ceinture. Il faut toujours le surveiller. Si on va au centre commercial il peut s’échapper du groupe. Des fois il comprend très bien les consignes mais il veut pas les respecter. Après ça va, c’est gérable, faut juste faire attention à lui. » 

Directrice : « Moi je suis pas sûre qu’il comprenne les choses qu’on lui dit en fait »

Animatrice : « Je pense qu’il comprend très bien les choses mais juste qu’il ne veut pas respecter les règles. Par contre quand on fait un atelier il ne comprend vraiment pas… Il n’arrive pas du tout à faire comme les autres enfants. Je lui dit de colorier, il dépasse, je lui dis de mettre une gommette à un endroit, il la met à un autre… Il y a vraiment un décalage avec les enfants de son âge je trouve. Même colorier il ne peut pas colorier à l’intérieur. Les règles dans le jeu c’est pareil. La consigne de ne pas parler aux inconnus lors des sorties dans la rue c’est compliqué aussi. A la cantine je lui dis de pas prendre deux desserts, il va prendre deux desserts. »

Directrice : « Quand je lui dis de ne pas prendre deux desserts, il va retourner à sa place, mais dès qu’il me voit partir, là par contre il va le prendre. Donc il a compris qu’il ne fallait pas le prendre parce que sinon il l’aurait pris devant moi. C’est mitigé, il a des choses qu’il arrive à assimiler et à comprendre mais des choses non. Et avec les autres enfants, quand il est arrivé, tout le monde le prenait, le portait, lui donnait la main, et je pense qu’il en a marre. »

Animatrice : « Moi je trouve que c’est dommage de l’avoir mis en CE2. Ça ne l’aide pas parce qu’il se laisse encore plus être un bébé. Il était avec les CE2 de base et on ne voulait pas le choquer donc il l’a laissé avec les CE2 quand il a redoublé son CP. » 

Animatrice : « Avec les autres enfants ça se passe bien. Il est resté avec le groupe des CE2, même s’il a redoublé. Mais je ne suis pas sûre que c’était une bonne idée parce que les CE2 s’occupent de lui, ils font les choses pour lui, et ça ne l’aide pas dans son autonomie je trouve. »

Directrice : « Déjà à l’école il a perdu une classe et si au centre de loisirs aussi il perdait une classe ça l’aurait choqué, donc on ne voulait pas le frustrer. Avec la maman on a quelques échanges mais je pense que la maman n’accepterait pas qu’on lui dise que l’année prochaine il va aller vers les enfants de sa classe. La maman défend énormément son fils, c’est compliqué. » 

Animatrice : « Nous on sait pas comment ça se passe en classe mais je pense qu’à l’école c’est compliqué. La maîtresse en CE1 elle le mettait sur ses genoux pour faire classe. »

Directrice : « On n’a pas de retour de l’école. Quand on nous appelle, on assiste aux réunions. On aimerait y assister, bien sûr, comme ça on aurait plus de suivi. 

Animatrice : « Moi j’aimerais être en réunion pour savoir ce qu’il a et pour savoir ce qu’on peut faire avec lui, si on doit le prendre à cette sortie et est-ce qu’il va comprendre…  En plus je trouve quand même qu’il a un sacré retard parce qu’il est en CE1 et même son prénom il n’arrive pas à l’écrire, des trucs tout simples il n’y arrive pas. »

Annexe 2 : entretien médecin scolaire du secteur de A.

Information préoccupante :

L’école a ses limites. Il faut qu’on accepte nos limites. Chacun son destin. Je ne suis pas sauveuse du monde. On ne peut pas obliger la mère a faire les démarches. Si elle refuse l’ULIS c’est son choix. L’information préoccupante ne servira à rien. On ne peut pas prendre la mère par la main pour aller chez l’orthophoniste. Si les services sociaux étaient plus performants ça serait différent, mais là on sait ce que ça donne. Si la famille ne répond pas favorablement, ils ne peuvent pas les obliger, l’enfant n’est pas en danger physique. Il a un suivi régulier à l’hôpital donc on ne peut pas dire qu’il soit en danger. Et l’hôpital n’a pas le temps de travailler les projets de scolarisation avec les parents. Ils recommandent l’ULIS puis si la famille refuse ce n’est plus leur problème. Ils auraient pu eux aussi faire une information préoccupante mais ils ne l’ont pas faite. 

Inclusion scolaire :

Je ne savais pas que l’AESH le sortait souvent de la classe. S’ils le font c’est qu’ils ne doivent pas pouvoir faire autrement. Je pense qu’il faut rassurer les professionnels de l’école sur le fait que chacun fait bien son travail. On n’est pas orthophoniste, on ne peut pas faire de rééducation. Il faut que l’enseignant et l’AESH continuent ce qu’ils font déjà : de l’encourager, d’être bienveillant, de proposer des exercices adaptés… Il faut leur rappeler qu’on ne pourra pas l’amener au même niveau que les enfants de son âge. Il faut se mettre à son niveau de compétence. Ça consiste en ça le métier d’enseignant. Ce n’est pas le niveau qui est le plus important, c’est que l’enfant soit épanoui. Il peut apprendre à être content d’être là, de communiquer avec les autres.

Co-éducation famille : 

Je ne connais pas le père, mais la mère est psychiatrique, elle est paranoïaque. Dans son fonctionnement psychique, plus il y a de monde, plus il y a de possibilité à péter les plombs. Je pense que c’est bien qu’on ne soit pas trop nombreux en ESS. Je ne pense pas que le centre de loisirs doive venir. Il faut rabâcher, refaire des ESS, c’est comme ça qu’on travaille avec la mère. Est-ce que l’IP changerait quelque chose ? Je ne sais pas… La mère existe à travers son comportement de victimisation. Il n’y a rien à faire. Je pense pas que l’intervention de l’IEN change quelque chose, ni les services sociaux. Il faudrait que la mère soit suivie. 

Annexe 3 : entretien représentant de parents d’élèves élue au CA et éducatrice spécialisée 

La situation est vraiment complexe. 

D’un point de vue professionnel il faudrait un truc visuel pour l’aider à se concentrer sur ce qu’il a à faire. Il faudrait un emploi du temps visuel, un planning et un timer associé pour le structurer et le sécuriser. Un enfant qui part dans tous les sens et qui a besoin de sortir n’a pas conscience du temps. Il a besoin de savoir quand l’exercice sera terminé pour avoir envie de s’y mettre. Il faut un planning avec des images de sa vraie vie. Parfois les parents sont d’accord pour faire les images. Il faut des images des adultes de l’école et de la cantine et des animateurs du périscolaire. Peut-être qu’à la cantine c’est aussi problématique et dans ce cas les après-midis seront difficiles en classe. Il faut une cohérence de toutes les parties, quel que soit son trouble. Il a besoin de cohérence qu’il soit TSA ou autre chose. Les parents peuvent mettre en place un planning visuel au domicile et à l’école il faudrait qu’il soit fait aussi. L’idéal c’est quand les images s’enlèvent au fur et à mesure que les activités sont faites pour voir ce qu’il reste à faire. Il faut se repérer dans le temps avec le timer. Il faut une certaine rigueur surtout au début. Il faut qu’il arrête l’activité quand ça sonne même s’il n’a pas fini. Au début ça doit être adaptatif, il faut évaluer son temps de concentration. Si c’est 5 minutes, il faut mettre le timer à 4 minutes pour qu’il ait une marge de progression et que ça ne soit pas trop dur.

On peut aussi utiliser des renforçateurs, par exemple sociaux « bravo, super, je suis fier de toi … », ou aller faire du trampoline, jouer avec une voiture etc… On peut demander aux parents ce qu’il aime faire. Il faut faire une échelle des renforçateurs (ce qu’il aime beaucoup, ce qu’il aime moins). On peut avoir des renforçateurs alimentaires pendant le repas seulement. On peut aussi utiliser des thèmes qu’il aime bien dans les activités. Par exemple s’il est fan de PatPatrouille on fait des exercices de math et de français avec PatPatrouille. Mais si la mère refuse l’ULIS et pour éviter l’épuisement de l’enseignante et de l’AESH il faut trouver des stratégies. Il faut trouver du sens et des choses motivantes pour l’enfant. S’il a besoin de 5 tours de cour en courant il faut mettre le timer. Les temps de pause doivent être timés. Il faut réguler les comportements problématiques. 

En ce qui concerne l’AESH, il faut identifier quand il y a une crise ou un refus ce qui a pu le causer. On peut voir s’il y a une hypersensibilité sensorielle : un « clic clic » de style, des voitures si l’école est près d’une route. On peut mettre un casque et voir si ça va mieux. Il faut tester les pistes sensorielles, les odeurs, les lumières. Il faut trouver un espace dans lequel il se sent bien et en sécurité. 

En tant que maman d’un enfant ordinaire dans la même classe, je me demanderais « est-ce que la maitresse arrive à s’occuper des autres enfants ». Les autres parents ont-ils connaissance de la situation ?

La maman agit en se sentant agressée. C’est hyper compliqué de voir le handicap de son enfant. Il y a vraiment un déni. Il faut coopérer et lâcher du lest sur les demandes. Il faut lui dire qu’on a entendu qu’elle ne voulait pas de l’ULIS et qu’on va proposer des stratégies dans la classe et lui présenter. La maman va se dire « ça y est ils m’ont entendue ». Il faudrait que la maman utilise les mêmes stratégies (outils) à la maison. 

Les AESH manquent de formation et d’information. Il y a des sites gratuits avec beaucoup d’informations pour aider. Les AESH se sentent démunis. Est-elle d’accord pour s’informer ? La maman dit que l’école est maltraitante car on ne répond pas aux besoins de son enfant mais surtout aux besoins de la maman qui veut que son enfant soit scolarisé en classe ordinaire.

Moi qui vis des équipes éducatives au côté des parents, les parents ressentent qu’on ne les écoute pas. Il faut lui dire « on vous a entendu, on va faire le maximum pour vous aider. ». Il faut lui donner la parole et lui demander ce qui ne lui convient pas dans la classe ULIS. Il faut comprendre ce qui fait que au-delà du handicap elle ne veut pas une autre école ou une autre classe. Pour la rassurer (ça m’est arrivé plusieurs fois car les parents avaient une mauvaise image et ça marche), elle peut rencontrer d’autres parents de la classe ULIS, l’enseignant spécialisé. 

Il faut être avec la maman et pas contre elle. Tout est fait en force donc elle répond par une autre force et tout est bloqué, ça ne peut pas avancer. Il faut aller dans son sens pendant un certain temps, aller dans la coopération, s’en faire une alliée plutôt qu’elle ait l’impression que tout le monde est contre elle. Il faut découdre la situation qui est difficile depuis la Petite Section, ça va être long. Il faut faire un pas en arrière pour mieux avancer. 

Le problème c’est que sans connaitre le diagnostic c’est difficile d’agir. On ne travaille pas pareil s’il est TSA ou autre chose. Mais je comprends le secret médical. 

Il faudrait que la maman se fasse suivre mais pour maintenir la coopération on ne peut pas lui dire ça. Il faudrait une tierce personne qui aille dans le sens de l’école mais aussi dans le sien et qui ait sa confiance. Un orthophoniste, une assistante sociale, un éducateur ? J’ai réussi avec des familles même en disant la même chose que l’école mais je suis un autre interlocuteur. Si un tiers peut amener des propositions et l’école dirait « oui on est d’accord ». Il faut aussi faire attention aux moyens financiers pour les soins en libéral, la maman ne veut plus travailler avec le CMP donc les autres prises en charge seront payantes. 

L’enquêteur : « et que pensez-vous de la place du papa ? »

C’est tellement courant le papa qui n’est pas présent ou pas partenaire. En plus c’est conflictuel entre les parents. Il faut garder le lien avec le père. Il faut toujours lui envoyer les informations et les documents, ou même un rapide entretien par téléphone. Ça serait intéressant d’avoir son avis sur le diagnostic. Est-ce que l’hôpital et la mère lui ont transmis le diagnostic ? Qu’est-ce qu’il en pense ? Il serait peut-être d’accord pour nous le partager et il a le droit. Il faut l’impliquer, toujours l’informer même si pour l’instant il ne coopère pas. Il peut dire « je suis d’accord avec l’ULIS », il a l’autorité parentale. Mais c’est difficile pour les professionnels, quand on est médiateur on ne doit pas prendre parti, c’est compliqué de rester neutre, aussi quand on est une femme, maman, mais il ne faut pas oublier le papa. Il faut rester dans le cadre de la loi donc le papa a son mot à dire. Il faut tout envoyer au père par mail ou par courrier. S’il ne répond pas ce n’est pas grave, vous aurez fait le job. 

Pour moi le plus important c’est la coopération avec les parents. On peut leur dire qu’on ne sait pas tout, on leur demande s’ils ont des pistes pour nous aider. Il faut leur demander ce que leur enfant aime faire et remettre de la coopération.

Annexe 4 : entretien enseignant référent 

Ça m’a rappelé une situation très récente. Ce qui est compliqué c’est qu’on est face à une famille dans le déni mais qui accepte quand même certaines choses.

La situation familiale n’aide pas car le papa est inexistant. La maman a l’air d’avoir peur de l’intrusion dans sa vie privée. 

Elle refuse l’ULIS car elle a une mauvaise représentation de ce que c’est. Il a fallu à la maman un certain temps pour accepter la situation de son fils.

La mésentente entre les parents et le conflit dès la maternelle ont rompu le partenariat. La maman était déjà méfiante donc la confiance a été rompue

La maman est méfiante pour l’ULIS du fait de son emploi. Elle voit peut-être des choses difficiles pour elle. C’est difficile pour elle d’avoir une représentation de son enfant en réussite en ULIS, elle n’y arrive pas.

Les bilans ont montré une déficience, c’est difficile à accepter pour des parents. Elle doit faire le deuil. A chaque fois qu’un partenaire montre une difficulté, c’est difficile pour elle d’accepter. 

Je pense que le conflit avec la maîtresse de maternelle a été douloureux.  L’emploi du temps imposé en Petite Section était très maladroit.  A ma connaissance, si le texte de 2019 était déjà passé (obligation scolaire dès 3 ans), un allègement d’emploi du temps ne peut être fait que dans deux cas :

  • Le médecin scolaire décide suite à compte rendus médicaux ;
  • L’IEN aménage si l’enfant est dangereux pour lui-même ou pour les autres.

C’est très maladroit d’imposer cet emploi du temps d’autant plus du fait que les parents sont séparés. Ça revenait donc à imposer à la maman un mode de garde qui l’a peut-être mise en difficulté professionnellement et économiquement. Je comprends qu’elle soit frileuse.

Il y a beaucoup de déni de la part de la maman et l’absence du papa n’aide pas. Elle fait des bilans mais elle ne veut pas qu’ils soient transmis, c’est un signe qu’elle ne fait plus confiance à l’école. Elle accepte seulement l’AESH car le reste est trop douloureux pour elle pour le moment. A. bénéficie de beaucoup plus de temps d’accompagnement AESH que ce qui est notifié, c’est presque une AESH individualisée. Il faut le dire à la maman, c’est une chance. 

L’école met en place des choses car l’élève est en difficulté, c’est positif. Mais l’AESH n’est pas enseignante, elle sort beaucoup avec l’élève. D’un point de vue sécurité ce n’est pas possible. Et où est la maman dans cette décision de faire sortir A. de la classe ? Si réellement ça se passe comme ça, c’est inquiétant. Il aurait fallu restaurer le lien de confiance. 

L’enseignant référent doit faire une ou deux équipes de suivi pour restaurer le partenariat avec beaucoup de bienveillance. La maman est prise en traître par l’école – elle ne participe pas aux décisions mais se retrouve au pied du mur -, mais elle ne met pas en place les soins. L’hôpital Debré a préconisé une aide éducative et un suivi psy, mais la maman semble en avoir peur. Elle redoute qu’on dise qu’il y a une carence éducative. Dans les faits il y en a une car le papa n’est pas présent du tout et les préconisations ne sont pas toutes suivies. 

Vous auriez pu mettre dans le titre « lien rompu » plutôt que « dégradé ».

Le problème de la Petite Section a cassé la relation. Je pense que la maman n’a pas été bien accompagnée pour aider son enfant sur le plan scolaire et psychique. Il y a du partenariat entre les équipes de professionnels mais on impose tout à la maman quand elle vient en rendez-vous. Il faut la remettre dans la boucle des décisions. On lui impose l’orientation ULIS même si c’est nécessaire. C’est maladroit de dire « l’enfant ira dans cette école et pas ailleurs », car on lui impose encore. La procédure d’affectation me questionne. Mais j’entends que ce petit garçon semble ne pas avoir sa place en scolarité ordinaire. On arrive aux limites de ce qu’on peut faire car c’est la famille qui est décisionnaire. Tout le monde est en souffrance. 

Le SESSAD c’est bien, ça va peut-être permettre de renouer le lien entre l’école et la famille. Est-ce que ça ne relève pas de l’IME ? La maman a toutes les cartes en main mais elle ne prend pas celle de l’ULIS. 

C’est un travail de longue haleine pour réussir à lui faire prendre conscience que c’est nécessaire et renouer le lien.

J’ai deux ou trois familles comme ça mais tu ne peux pas forcer. Tout le monde est en souffrance. C’est dommage car dès la Petite Section ça n’a pas marché. 

Le RASED c’est bien, il faut continuer.

Le diagnostic est assez flou. Si le bilan est correct, il a tout ce dont il a besoin qui lui est accordé et proposé. La carte qu’il reste à jouer est celle de l’IP si les soins ne sont pas mis en place, mais c’est très maladroit. Il faudrait faire comprendre à la maman que c’est pour l’aider et ne pas lui mettre les assistantes sociales chez elle. Vu l’histoire, je pense que ce n’est pas pertinent.

Il faut faire entendre à la maman qu’il a trop d’AESH (3 fois plus) et que ça ne sera pas forcément pérenne, qu’il faut donc autre chose. Il va falloir le formuler correctement. Il faut aussi insister sur l’aspect socialisation qui va décrocher car il n’est pas avec les autres de sa classe la journée. C’est un petit garçon qui va être en souffrance sur tous les plans.

Il faut insister en disant à la maman que pour elle aussi ça doit être très dur et lourd car le papa n’est pas présent. Elle a besoin de personnes ressources, il faut l’aider. Il faut renouer le lien.

Annexe 5 : entretien coordonateur ULIS

Le dossier MDPH aurait pu être constitué avant, parler le plus tôt possible de handicap, mot qui fait peur mais permet de concevoir que ce n’est pas une situation figée.

« Il n’est pas comme ça à la maison » : la mère recherche le même côté affectif à l’école mais est déçue et donc accuse l’école de ne pas le voir comme elle.

Ne pas sortir les élèves avec leur AESH :

Intérêt d’être dans un groupe même s’il ne participe pas : il prend de la situation. Définir ce que l’on regarde : les compétences scolaires ou sociales. Pourquoi est-il sorti de la classe ? Gêne-t-il la classe ? L’enseignante ? L’AESH gêne-t-elle l’enseignante ?

Un dialogue semble nécessaire entre l’AESH et l’enseignante afin de questionner son attitude envahissante ou pas, de proposer un étayage du travail de l’enseignant. Entraîne vers du mieux, constate au plus vite ses progrès.

C’est un devoir d’accueillir tous les élèves et un droit d’avoir des contacts avec les autres.

Dans la présentation, les relations entre adultes prennent beaucoup de place. L’enseignante veut une classe sécure, la mère et l’enseignante ne veulent pas d’un élève différent. La différence fait peur. Il faut remettre l’enfant au centre de chaque interrogation.

Face aux enseignants, le coordonnateur d’ULIS a un rôle de personne ressource d’explicitation, aide aux aménagements. Est-ce que le coordonnateur du PIAL peut être sollicité ?

Par rapport à l’ULIS : 

Quand bien même son enfant est différent des autres, l’ULIS s’adapte à tout type et degré de handicap et toute variété de besoins éducatifs. En ULIS, l’enfant a un autre statut, ses compétences prennent une autre dimension. Les rôles s’échangent, ses réussites sont mises en valeur par rapport aux autres, il peut devenir moteur. De plus, c’est un dispositif, il y est accueilli seulement quand il en a besoin. Ce n’est pas sa classe.

Possibilité de faire une IP pour recentrer sur les besoins de l’enfant et non essayer de garder le lien avec la maman. Son refus nuit au bon développement de l’enfant, est-elle de bonne foi sur la mise en place des soins ? Le dialogue est toutefois à privilégier.

Importance du lien mère – psychologue de l’Éducation nationale – enseignante – enseignant référent ,en dehors des ESS.

Plus globalement, travail de présentation des ressources dans l’équipe pédagogique. La plateforme CAP école inclusive à destination des enseignants est une mine d’informations. 

Se questionner sur l’école inclusive. Pourquoi et comment accueillir tous les élèves ? Comment mettre en place des aménagements ? C’est au directeur d’initier ces conseils des maîtres. C’est plus difficile à organiser quand il n’y a pas d’ULIS. On est loin de l’école inclusive, changer de paradigme ça prend du temps et on n’a pas de moyens. 

Il faut palier aux besoins particuliers mais pour cela, pas besoin de connaître en détail la situation de handicap de l’enfant. Le handicap va orienter les propositions d’apprentissage mais ne détermine pas tout. La question n’est pas tant la pluralité des situations de handicap que la façon dont l’environnement s’adapte, afin que chacun ait les moyens de s’exprimer et de comprendre les messages émis par l’autre, de faire valoir ses choix, de se déplacer en autonomie et en sécurité, d’apprendre et de vivre avec ses pairs.

L’enseignant doit se mettre en lien avec la psychologue de l’Éducation nationale et le médecin scolaire.

Dans la classe, lui permettre d’en prendre le maximum même s’il faut aller le chercher. Penser à sa place dans la classe : en identifiant les camarades appréciés, déterminer un profil d’élève (plus calme, débrouillard…) avec qui le placer.

Les partenaires dans l’école sont sous-estimés : direction, ATSEM, animateurs, AESH…

Annexe 6 : entretien directrice école maternelle

Cet enfant cumule les problèmes. C’est long de poser un diagnostic. 

Pourquoi n’y a-t-il pas de suivi RASED en élémentaire ?

ULIS

Proposition d’une visite d’ULIS à la maman, le coordonnateur pourrait être invité à une ESS pour expliquer son fonctionnement.

AESH dans la classe 

Pourquoi est-il hors la classe ? Il gêne la classe ? L’AESH gêne l’enseignante ? Est-ce que l’enseignante a pensé à aménager un coin pour lui dans la classe ? Comment apprend cet enfant ? Quels sont les aménagements qui fonctionnent ? 

En Petite Section, il s’échappait de la classe, aujourd’hui on l’en sort ! C’est un comble. Il désinvestit la classe et les apprentissages : « ça c’est pas pour moi », il se sent différent, stigmatisé, il a toujours besoin d’aide, il ne peut pas faire comme les autres. En visitant une ULIS, il verrait qu’il n’est pas tout seul dans cette situation.

École inclusive

Besoin de parler de la différence avec le groupe-classe, d’une sensibilisation au handicap. L’équipe enseignante doit réfléchir à la question du handicap à l’école. Ça manque de réflexion et de formation sur l’école inclusive. Dans la formation initiale, il n’y a pas de temps spécifique pour en parler. Ce n’est pas son cas à elle, toute l’école est concernée. Est-ce que le projet d’école parle d’inclusion ? Le directeur pourrait venir dans la classe et prendre un petit groupe avec cet élève. L’IEN doit soutenir cette collègue en proposant des formations, en faisant appel à un CPC école inclusive. 

L’école doit s’adapter à l’enfant. Il faut être ambitieux selon ses compétences. Il fait des petites avancées, il a des micro-succès. L’AESH le connait bien. Ne pas oublier les compétences du vivre ensemble. 

Coéducation 

L’école n’est pas que le lieu de l’élève. Certains enseignants n’ont pas évolué sur la nécessité d’accueillir les parents.

Inviter la maman dans la classe pour observer, pour se rendre compte de ses besoins ou organiser des ateliers jeux de société avec d’autres parents. 

Question de l’accueil des parents dans cette école : café des parents, moments conviviaux sans enjeux.

Il faut travailler avec le périscolaire avec qui il peut évoluer, lui permettre de prendre des initiatives.

Annexe 7 : entretien AESH référente 

Où sont les diagnostics complets de l’hôpital ? Est-ce qu’on les a ? 

Le gros problème c’est que la mère est dans le déni complet. Ça ressemble à un TSA qui est en train d’évoluer car il a acquis des choses. Il commence à participer au regroupement alors qu’avant il se sauvait, il y a une amélioration.

Il n’y a pas beaucoup de suivis extérieurs non plus ça ne l’aide pas. La maman refuse l’ULIS alors que c’est tout ce qu’il lui faudrait : moins d’enfants, plus calme, du travail adapté. Il n’y a pas de prises en charge, il est en attente du SESSAD, elle a arrêté le CMP, donc il n’a rien. Quels documents a-t-elle donné à la MDPH pour avoir une AESH mutualisée seulement ? Ça semble léger. Je pense qu’elle n’a pas tout donné car elle est en plein déni. 

Le papa on n’en parle pas trop donc la situation familiale n’est pas top. La maman a l’air dépassée. L’emploi du temps aménagé par exemple, elle pense d’abord à elle quand elle dit que ce n’est pas possible, mais en même temps c’est compréhensible. C’est une mère débordée avec deux enfants, un travail et un enfant en difficulté. 

Enquêtrice : comment retrouver le lien avec la maman ?

Ça va être compliqué. Quand une maman perd confiance dans l’équipe c’est dur. Elle ne perd pas confiance que dans la maîtresse et la directrice mais aussi avec l’inspectrice et le CMP. Tout ce qui va lui montrer qu’il y a une différence, elle va le nier, elle ne veut pas voir. Elle ne garde le lien qu’avec la psychologue du RASED, ça ne fait pas beaucoup. 

Est-ce que l’Éducation nationale a le droit de se mettre en relation avec l’hôpital ? Ça serait bénéfique pour la maman et pour l’enfant. La mère a l’air d’avoir confiance en l’hôpital. Ça pourrait être le lien, une médiation. On pourrait faire quelque chose avec l’hôpital sans la mettre au courant, se mettre d’accord et lui présenter les choses ensemble. C’est pas gagné. 

Enquêtrice : et sur la place de l’AESH dans cette situation ?

Elle est mutualisée il a besoin de plus ; mais si la maman n’a pas tout donné à la MDPH ils notifient le minimum. J’ai l’impression que la mère transmet à son fils ses inquiétudes sur la différence. Il accepte de travailler différemment seulement quand il est isolé avec son AESH et qu’il n’est pas dans le groupe-classe devant tout le monde, mais sûrement sans s’en rendre compte. 

L’AESH n’a pas le droit de sortir de la classe car ils sont sous la responsabilité de l’enseignante, mais si c’est le seul moyen pour qu’il travaille un peu, on finit par faire des choses qu’on n’a pas le droit de faire. Je pense qu’on pourrait trouver un entre deux, lui aménager un coin au fond de la classe par exemple. Il faut que l’enseignante ait un œil sur lui. 

Enquêtrice : et sur la non-participation de A. aux temps collectifs ?

Pour moi c’est un TSA ou alors il sait qu’il est différent et il a une appréhension de se retrouver avec des élèves ordinaires. 

Il a quand même un niveau Grande Section et il n’y a pas de soins, il ne peut pas avancer comme ça. L’AESH ne va pas lui apprendre tout ce qu’il a raté depuis 5 ans. Pour moi les soins sont prioritaires. 

  • 1
    Organisation des Nations Unies. (1989). Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée et ouverte à la signature, ratification et adhésion par l’Assemblée générale (résolution 44/25 du 20 novembre 1989). Entrée en vigueur le 2 septembre 1990, conformément à l’article 49.
  • 2
    Ministère de l’Éducation nationale. (2013). Circulaire n° 2013-142 du 15 octobre 2013. RED – DGESCO B3-3 et B3-1.
  • 3
    Ministère de l’Éducation nationale. (2021). Circulaire de rentrée 2021 du 23 juin 2021.
  • 4
    Anesm. (2011). Recommandations de bonnes pratiques professionnelles : L’accompagnement des jeunes en situation de handicap par les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad). Février 2011.
  • 5
    Ministère de l’Éducation nationale. (2017). Circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017. 
  • 6
    République française. (2013). Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
  • 7
    Ministère de l’Éducation nationale. (2019). Circulaire de rentrée 2019 – École inclusive (Circulaire n° 2019-088 du 5 juin 2019).
  • 8
    Ministère de l’Éducation nationale. (2014). Circulaire n° 2014-107 du 18 août 2014 sur le fonctionnement des Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED) et les missions des personnels qui y exercent.
  • 9
    Peille, F. Accompagnement des familles dont un membre présente une situation de handicap, Empan 2016/4 (n°104), 89-96, Éditions Érès.
  • 10
    Fenêtre sur Cours. (2023). Spécial inclusion : Faire vivre l’école inclusive (n°493). Octobre 2023.
  • 11
    Fenêtre sur Cours. (2023). Spécial inclusion : Faire vivre l’école inclusive (n°493). Octobre 2023.
  • 12
    Fenêtre sur Cours. (2023). Spécial inclusion : Faire vivre l’école inclusive (n°493). Octobre 2023.
  • 13
    Fenêtre sur Cours. (2023). Spécial inclusion : Faire vivre l’école inclusive (n°493). Octobre 2023.
  • 14
    Peille, F. Accompagnement des familles dont un membre présente une situation de handicap, Empan 2016/4 (n°104), 89-96, Éditions Érès.
  • 15
    Chevallier-Rodrigues, E., Courtinat-Camps, A., de Léonardis, M. Dix années de politique inclusive à l’école : quel bilan ? Carrefours de l’éducation, 2(42) 2016/2, 215-239, Éditions Armand Colin.
  • 16
    Chevallier-Rodrigues, E., Courtinat-Camps, A., de Léonardis, M. Dix années de politique inclusive à l’école : quel bilan ? Carrefours de l’éducation, 2(42) 2016/2, 215-239, Éditions Armand Colin.
  • 17
    Guirimand, N. & Mazereau, P. Inclusion scolaire et professionnalités enseignantes entre attentes et contradictions. Carrefour de l’éducation, 2(42) 2016/2, 47-60, Éditions Armand Colin.
  • 18
    Toullec-Théry, M. & Granger, N. (2023). Ecole inclusive et personnes accompagnantes des élèves en situation de handicap : état des lieux de la recherche. Empan, 4(132), 26-34.
  • 19
    Aissani, S. (2023). L’AESH en quête de formation. Empan, 4(132), 58-64.
  • 20
    Ministère de l’Éducation nationale. (2017). Circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017.
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