Introduction
Nous avons décidé d’aborder le cas de D., un élève de CE1 âgé de 7 ans dont la situation amène une réflexion sur plusieurs points en lien avec notre métier. La situation problème présentée est issue de la classe d’une des PES constituant notre groupe.
1. La situation
a) Présentation de l’école
L’école, située dans l’Est du Val d’Oise, accueille 211 élèves répartis en 9 classes. La classe de CE1 (29 élèves) dont fait partie l’élève observé est la seule de ce niveau dans l’établissement. L’ensemble des enseignants de l’école note une difficulté d’implication dans la vie de l’établissement ainsi qu’un manque de suivi de la part des parents.
b) Prise de connaissance avec la titulaire
Au moment de l’analyse de cette situation problème, la professeure des écoles stagiaire de D. est en stage filé les lundis et mardis dans l’établissement depuis le 1er septembre 2017.
Lors de la prise de connaissance de son affectation, elle a rencontré la titulaire de la classe. À ce moment-là, un point concernant les élèves composant la classe de CE1 a été fait. La titulaire, occupant également le poste de direction, connaissait tous les élèves. Au cours de cet entretien, ont été évoqués : les PAI en place et les élèves sur lesquels un point de vigilance au niveau des apprentissages devait être mis en place. La titulaire précise que certains élèves de cette classe sont non-lecteurs et qu’ils ont des difficultés à entrer dans le rôle d’élève. De plus, elle précise que, de manière générale, cette composition de classe est particulière car il n’y aurait pas ou très peu d’élèves capables d’être autonomes.
c) Entrée dans la classe et le cas de D.
Lors des premiers contacts de la PES avec la classe, l’élève D. se fait assez rapidement remarquer. En effet, il éparpille ses affaires, ne suit pas les activités, n’est pas du tout dans une posture d’élève. De plus, il présente des difficultés pour s’intégrer dans le groupe, ne se socialise pas et, ne maîtrisant pas les codes de la vie en société, entre facilement en conflit avec les autres.
Son écriture et son niveau d’apprentissage ne sont pas toujours au même niveau. En effet, la PES constate que sa graphie est changeante.
D. est un élève bruyant qui perturbe la classe. En l’observant plus attentivement, la PES remarque que son discours n’est pas cohérent. Il se parle, allant même jusqu’à se disputer comme s’il était deux enfants différents, perturbant ainsi fortement la classe. Afin de l’apaiser, la PES l’autorise à sortir de la classe dans une pièce attenante. Suite à ce constat, un dialogue est engagé avec l’élève afin de comprendre ce qui le met dans un tel état. L’élève n’a alors pas été capable de dire ce qui l’avait énervé. Il a seulement dit : « j’ai un problème mais je ne sais pas … ».
Interpellée par cette discussion, la PES décide d’évoquer ce cas avec sa collègue. Cette dernière explique qu’il est particulier et : « certainement un peu habité ». D. est un élève en grandes difficultés dans une structure familiale instable (une maman et des papas changeant au fil du temps). Elle explique qu’il y a peu de choses à faire, la maman n’étant pas très impliquée dans la scolarité de son fils.
d) Début de mise en place d’aides et première rencontre avec la mère
Lors de la concertation RASED se déroulant au mois de novembre, le cas de cet élève est évoqué. L’ensemble de l’équipe décide alors de l’intégrer dans un groupe avec le maître G et de le faire observer par la psychologue scolaire.
Suite à cette concertation, une première demande de rencontre est faite auprès de la mère. Cette demande, notifiée dans le cahier de liaison de l’élève, reste sans réponse. À plusieurs reprises, la PES demande à l’élève de bien montrer son cahier à la maison. Toutefois, le mot reste toujours sans réponse. L’élève rentrant seul à son domicile après l’école, il n’est pas possible de croiser sa mère. Aussi, le choix est fait de téléphoner à la mère pour lui indiquer qu’une demande de rendez-vous est en attente dans le cahier de liaison. Cette dernière, ayant pris rendez-vous, se présente la semaine suivante à l’école.
Lors de cet entretien, la maman de l’élève est en plein déni : elle explique que le comportement de son enfant est lié au fait qu’il joue le bébé et qu’il n’a pas de souci. Selon elle, il ferait du cinéma. L’entretien est difficile car la mère ne veut pas admettre que son fils a un problème. Toutefois, elle finit par accepter de prendre un rendez-vous avec la psychologue scolaire. La PES en charge de la classe ressort de cet entretien avec un avis assez mitigé. En effet, la mère a accepté le rendez-vous avec la psychologue scolaire mais il est clair qu’elle se soucie peu de son enfant.
Finalement, le rendez-vous avec la psychologue scolaire est annulé par la mère, confirmant l’impression de la PES que la mère ne se souciait que peu de son enfant. En effet, cette dernière avait un empêchement le jour J et a décidé de reporter, sans préciser de nouvelles disponibilités. Aussi, ce rendez-vous n’a malheureusement pas eu lieu.
e) Nouvelles rencontres avec la mère
Lors de la remise des livrets, une deuxième rencontre avec la mère est programmée. Cette dernière écoute nos préoccupations. La PES lui donne alors quelques exemples de ce qui se passe pour D. lors du temps scolaire. Suite à cela, la mère tient un discours très négatif en ce qui concerne son enfant. En effet, elle tient des propos très rabaissants envers ce dernier. Elle dit que l’équipe perd son temps avec son fils, que ce dernier est « bête » et que personne ne peut rien pour lui. Elle va jusqu’à dire que c’est un «idiot », et soutient le fait qu’il n’y a rien à espérer de lui. L’échange est peu constructif et ne donne lieu qu’à un accord de la maman pour un PPRE afin que D. soit pris en charge de manière ponctuelle par le maître E du RASED.
Toutefois, la situation de cet élève continue à être préoccupante, les crises de ce dernier sont récurrentes. Cependant, lors de courts moments, il arrive à s’intéresser à ce qui se passe en classe et à suivre de courtes activités. Au-delà de son comportement, la PES remarque que ses affaires sont constamment en désordre, qu’il lui arrive de porter les mêmes vêtements (parfois sales) sur plusieurs jours. Lors d’une séance de piscine, l’état de saleté de D. a amené la PES à lui demander de se doucher avant de rentrer en bassin. De plus, il lui arrive de manquer l’école. En effet, lors du retour des vacances de Noël, D. est absent le lundi. Il arrive le mardi et précise qu’il n’est pas venu la veille car sa mère ne l’a pas réveillé en partant, et qu’il ne se souvenait plus qu’il reprenait l’école ce jour-là.
La PES fait part de tout cela à sa collègue. La décision est prise de contacter la mère afin de la rencontrer à nouveau. Cette dernière accepte de les rencontrer la semaine suivante. Lors de la préparation de l’entretien, la titulaire précise que si la mère refuse les aides proposées, il n’y aura malheureusement rien à faire de plus.
L’entretien avec la maman ne se déroule pas aisément. Cette dernière s’est emportée, indiquant que les PE n’étaient pas à sa place. Elle reconnaît enfin que son fils n’est pas comme les autres mais pense que cela ne regarde pas l’école. De plus, elle fait savoir que c’est à elle de prendre les décisions concernant son fils. Les PE ont alors décidé de lui faire savoir que la manière dont elle s’occupe de son enfant (enfant sale, non changé d’un jour à l’autre, laissé seul à la maison…) pouvait faire penser à de la négligence. La mère indique qu’elle a des soucis avec sa jeune fille (âgée de 2 ans) et que le lundi en question, elle avait dû l’accompagner à l’hôpital. Elle précise qu’elle a fait appel à la tante pour prendre le relais dans la journée auprès de son fils. Elle a indiqué que D. était âgé de 7 ans et bien assez grand pour se débrouiller lui-même dans les tâches du quotidien (prendre sa douche, changer ses vêtements, …). Elle estime ne pas avoir à le materner éternellement. Les PE lui rappellent alors ses responsabilités en tant que mère et responsable de l’enfant. Elle en prend note et, d’un ton sec, indique qu’elle va être plus vigilante. Toutefois, elle précise qu’elle nous renvoie devant notre devoir d’enseignantes qui est de faire la classe et non de regarder la manière dont elle s’occupe ou non de son enfant.
À la suite de cet entretien, la PES et la titulaire ont échangé sur la conduite à tenir par la suite pour cet élève. La titulaire refuse de mettre en place une équipe pédagogique et de faire un signalement. Elle rappelle qu’elle est la titulaire de la classe ainsi que la directrice de l’école et que si une action doit avoir lieu, c’est elle qui s’en chargera. De son point de vue, il existe au sein de l’école des cas bien plus urgents que celui de D., aussi elle préfère consacrer les moyens dont elle dispose pour des familles dans lesquelles il y aura beaucoup plus d’implication.
Cette situation amène de nombreux questionnements : comment gérer au quotidien cet élève pour lequel un problème psychologique est soupçonné ? Et surtout, comment venir en aide à un enfant livré à lui-même ?
2. Les questions que pose la situation
La situation exposée ci-dessus pose un problème principal : la gestion d’un élève à problèmes psychologiques supposés, mais également une arborescence de questionnements qui s’imbriquent les uns dans les autres.
a) Suspicion d’un trouble de la personnalité : un problème psychologique non pris en charge et pour lequel aucun diagnostic n’a été fait.
Dans la situation évoquée, nous pouvons parler d’un trouble observé pour lequel aucun diagnostique n’a été posé. Le constat est celui d’un enfant pour lequel un soupçon de « double-personnalité » pourrait être évoqué.
En effet, l’élève D., lors de ses discussions avec lui-même, parle de lui en évoquant un autre prénom. Dans les échanges avec ce dernier, la PE comprend qu’il parle bien de lui-même. Il s’agit d’un élève qui présente des difficultés psychologiques importantes et une réelle souffrance psychique. Il traduit ce mal-être par des comportements et des conduites qui perturbent gravement sa socialisation et son accès aux apprentissages. En effet, cet élève ne comprenant pas ce qui se passe en lui à ce moment-là, il est difficile pour lui de se canaliser.
Par ailleurs, en tant qu’enseignants, nous ne sommes pas qualifiés dans le domaine de la psychologie. En effet, nous ne sommes pas des professionnels de santé et n’avons pas les compétences permettant de poser un diagnostic. Aussi, il y a un réel manque de légitimité face à une situation comme celle de cet élève. Le rôle de l’enseignant est d’informer le parent et de l’alerter, en lui proposant ensuite d’aller consulter un personnel de santé.
Dans le cas étudié, le refus de la mère de prendre en considération le problème de son enfant pose le problème de la limite d’intervention de l’enseignant. Comment aider cet enfant quand la structure parentale fait un déni de la situation ?
b) Une organisation de classe qui se prête peu au bon apport d’une aide pour cet élève
La composition de la classe est de 29 élèves avec un niveau très hétérogène. En effet, nous avons quelques bons éléments qui sont tout à fait rentrés dans leur rôle d’élèves. Ces éléments travaillent vite et arrivent à se mettre au travail en autonomie. Toutefois, ils ne sont pas nombreux et n’ont pas encore acquis le fait de devenir tuteur d’un groupe ou d’un autre élève. Nous avons dans cette classe des élèves avec un faible niveau qui sont arrivés en CE1 en étant non-lecteurs, et qui ont des besoins spécifiques. Aussi, la différenciation mise en place dans cette classe se fait sur plusieurs niveaux, ce qui laisse malheureusement peu de place à l’individualisation.
La classe présente en plus de l’élève décrit, un élève avec un TDAH reconnu, un enfant précoce, 2 PAI et un élève avec des troubles du comportement.
Aussi devons-nous prioriser la gestion de ces élèves à besoins particuliers ou la différenciation au sein de toute la classe ?
La loi du 11 février 2005 indique que c’est à l’école de donner les moyens nécessaires à l’inclusion d’un élève en situation de handicap. Il en va de même pour les élèves à besoins particuliers. Toutefois, l’inclusion de ces élèves ne peut être réussie que si l’école déploie des moyens importants d’encadrement et d’adaptation. Il est évident que certaines écoles vont être favorisées car elles disposent de moyens plus importants. Nous pouvons alors penser que l’accueil des élèves à besoins particuliers n’est pas le même dans toutes les écoles. Cette constatation pose le problème de l’égalité des chances des élèves. En effet, chaque élève, lorsqu’il arrive à l’école, doit pouvoir travailler dans les mêmes conditions, quelle que soit sa catégorie sociale. Or, il est facile d’observer que ce n’est pas le cas.
c) La relation parents/école
Dans cette situation, les relations établies entre la mère et l’école (notamment les deux enseignantes intervenant en binôme sur la classe) restent complexes et limitées.
La mère de D. est venue aux 3 rendez-vous auxquels elle a été conviée. Cependant, son discours reste très négatif au sujet de son enfant. Elle reste sur ses positions en refusant les propositions faites : une rencontre avec la psychologue scolaire ou une prise de rendez-vous au CMPP. Dans son discours, elle n’espère pas d’évolution de son enfant.
Les échanges menés avec la mère de l’élève nous amènent à nous poser des questions. En effet, lorsqu’un parent ne semble pas croire qu’il y a un avenir pour son fils, ne lui propose pas de structure stable et ne s’implique pas dans son éducation, comment l’école peut-elle lui venir en aide ? Une fois que les prises de rendez-vous avec les personnels médicaux compétents ont été proposées à la mère, que pouvons-nous mettre en place à notre niveau ?
d) Une socialisation avec les autres quasi inexistante
Cet élève, considéré comme dérangeant par ses pairs, a beaucoup de difficultés à s’intégrer aux autres. En effet, son attitude et ses actes lors de ses tentatives pour entrer en relation avec ses camarades ne sont pas toujours compris par ceux-ci. Aussi, le rapport entre enfants est très compliqué par D. Régulièrement, lors des récréations, les autres élèves se plaignent de son comportement.
Le climat de classe est pesant pour tous les élèves. En effet, D. étant agité et désordonné, il dérange les autres élèves qui ont besoin de calme pour travailler. Il a été placé à côté de nombreux élèves qui se sont tous plaints d’être dérangés dans leur travail. De plus, D. détériorait leur matériel scolaire. Il a donc été placé seul à une table.
Toutefois, cette situation augmente le problème d’isolement de D. L’école est censée être un lieu de socialisation. Comment aider cet élève à s’intégrer aux autres ? Quelles activités mettre en place afin de l’aider ?
Il est évident que l’intégration de cet élève se fera progressivement. Il faut lui permettre de comprendre les règles pour entrer en contact dans la société. De plus, des petits jeux peuvent être mis en place lors des séances d’EPS afin de faire coopérer les élèves. Ces activités devraient permettre à D. de commencer à s’intégrer à la classe.
e) Au-delà de la relation parents/école, la question de l’enfant livré à lui-même.
Le fait que cet enfant soit livré à lui-même crée un réel problème, notamment lorsque ce dernier n’a pas son matériel ou est en retard.
Il est difficile d’expliquer et de faire comprendre au parent qu’un enfant de sept ans n’est pas apte à gérer son quotidien. En effet, la mère a un tout autre discours. Elle explique que c’est pour le bien de son fils qu’elle le laisse aussi autonome. Elle estime qu’il n’y a pas de négligence mais qu’elle éduque son fils afin qu’il soit autonome. Elle pense qu’à sept ans ce type d’éducation est nécessaire. D’après la mère, D. est capable de savoir à quelle heure se coucher, à quel moment prendre sa douche, quand changer ses affaires, faire ses devoirs et de manière générale de gérer seul son quotidien.
Lors du rendez-vous, un rappel des obligations d’un parent envers son enfant a été fait à la mère. Toutefois, une fois ce rappel fait, nous nous interrogeons sur la limite de notre rôle d’enseignant. Qu’est-ce qui permet de légitimer la remise en question du rôle d’un parent auprès de son enfant ? Comment intervenir ou même alerter sans être dans le jugement et l’accusation ?
3. Dimension réglementaire
a) Le référentiel de compétences des métiers du professorat et de l’éducation
Ce référentiel est considéré comme la feuille de route des enseignants. Il permet de mettre en œuvre les valeurs de la mixité, qu’il s’agisse du respect mutuel ou de l’égalité entre tous les élèves. Nous devons différencier notre enseignement en fonction des besoins et des facultés de nos élèves afin de les aider à progresser. Nous devons prendre en compte les différents rythmes d’apprentissage et accompagner chaque élève, y compris ceux à besoins particuliers. Nous savons faire appel aux partenaires de l’école si le besoin se fait sentir. Nous connaissons les mécanismes des apprentissages dont la connaissance a été récemment renouvelée, notamment par les apports de la psychologie cognitive. Nous amenons chaque élève à porter un regard positif sur l’autre et sur les différences dans le respect des valeurs et des règles communes républicaines.
Pour notre situation, nous avons relevé les compétences suivantes :
- Connaître les élèves et les processus d’apprentissage
- Prendre en compte la diversité des élèves
- Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques
- Coopérer au sein d’une équipe
- Coopérer avec les parents d’élèves
- Construire, mettre en œuvre et animer des situations d’enseignement et d’apprentissage prenant en compte la diversité des élèves
- Organiser et assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la socialisation des élèves
Il apparaît difficile, dans notre situation, de créer un parcours spécifique pour cet élève qui n’est pas diagnostiqué. Pour lui, il est nécessaire de réussir à créer un réel dialogue avec sa mère afin qu’une issue favorable soit trouvée. Dans un premier temps, il faut peut-être faire établir une reconnaissance du trouble par une personne agréée. Dans un second temps, afin que la famille et surtout l’enfant puisse bénéficier d’une aide spécialisée, un dossier MDPH peut être monté.
b) La législation
Devant une telle situation, une question vis-à-vis de la législation se pose. À quel moment une intervention devient-elle nécessaire ?
Dans « les obligations et les droits des fonctionnaires de l’Éducation nationale », il est spécifié que les fonctionnaires ont une obligation de signalement. Cette obligation se définit de la manière suivante : tout fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit doit en aviser sans délai son supérieur hiérarchique.
Dans la situation problème évoquée, les entretiens avec la mère représentent, de la part de cette dernière, un premier pas vers l’école. Même si le retour de cette dernière n’est pas idéal, elle s’est présentée et a entendu ce que les enseignants voulaient lui faire comprendre. En effet, suite à ces entretiens et depuis deux semaines, une évolution a été constatée dans la tenue de l’élève et ses affaires scolaires ont été remises en ordre.
Il semblerait qu’une prise de conscience ait été amorcée par la mère de l’élève. Toutefois, une attention particulière et une vigilance doivent rester de rigueur en ce qui concerne cet élève afin de réaliser un éventuel signalement si la situation persiste et s’il est à nouveau livré à lui-même.
4. Ce qu’en disent des collègues
a) Les enseignants ayant déjà eu cet élève dans leur classe
Après plusieurs discussions au sujet de l’élève, les enseignants l’ayant déjà eu dans leur classe attestent avoir remarqué des difficultés d’adaptation ainsi que des difficultés scolaires.
Concernant son année de CP, il a été mis en évidence que ses difficultés dans les apprentissages étaient principalement dues à un manque de suivi à la maison. Un maintien avait été évoqué mais la mère s’y était fortement opposée.
D. est connu pour être un élève remuant, ayant des problèmes de concentration et des difficultés à entrer dans une activité et la suivre jusqu’au bout. Il posait déjà des problèmes lors des récréations (bagarres car il ne respecte pas les règles des jeux par exemple).
b) La direction de l’école / la collègue titulaire de la classe
Comme évoqué précédemment, la titulaire de la classe est également à la direction de l’établissement. Elle est consciente que l’élève D. est dans une situation particulière qui demande à rester vigilant. Elle n’envisage pas pour le moment une mise en place d’équipe éducative ou de signalement. Cependant, la mère ayant donné son accord, une prise en charge par le maître G du RASED a été mise en place. De plus, cette dernière a accepté de signer un PPRE.
En classe, une routine a été mise en place afin de l’aider à mieux se repérer dans le temps et dans l’espace. Parallèlement, les deux PE se sont mises d’accord pour continuer à aller vers la mère et tenter de créer un lien entre elle et l’école afin d’obtenir, avec son accord, une rencontre avec la psychologue scolaire.
5. Les ressources universitaires
Devant cette situation problème, nous avons dû chercher plusieurs ressources afin de nous aider dans notre réflexion. Nous avons pu trouver des articles publiés par les inspections académiques sur la prise en charge des enfants ayant des troubles du comportement en classe et sur la manière dont un signalement peut se mettre en place.
Plusieurs livres traitent de ce sujet. Cela nous a permis de trouver des pistes afin de résoudre la situation de cet élève, notamment au niveau de la compréhension des troubles du comportement mais aussi de la gestion du trouble dans une classe par un enseignant :
- Gérer les comportements difficiles chez l’enfant, Collectif, Érasme
- 100 idées pour gérer les troubles du comportement, R.HOWARD
Parallèlement, de nombreux sites internet permettent de lire des extraits de recherches mais aussi de trouver quelques pistes de réflexions concernant notre situation problème :
- https://www.pediact.com/les-troubles-du-comportement-chez-les-jeunes-enfants/
- http://www.ecoute-psy.com/troubles-du-comportement/troubles-du-comportement-chez-l-enfant-prise-en-charge/
- http://www4.ac-nancy-metz.fr/ien57yutz/IMG/pdf/Metz_TCpt_E_Ado_2014.pdf
Ces lectures nous ont permis de comprendre le comportement de D. (agressivité, manque de concentration, etc.) et de cibler ses besoins afin de mettre en place la différenciation et les dispositifs nécessaires. De plus, elles nous ont permis d’aiguiller la mère vers les bons spécialistes.
6. Pistes de résolution de la situation
a) Faire un carnet de suivi de la situation pour les enseignants
Afin d’établir au mieux la situation et de pouvoir avoir des exemples précis de ce qui se passe avec cet élève, nous avons créé un carnet de suivi afin de consigner par écrit les divers événements qui nous interpellent.
Ce carnet devra consigner aussi bien les problèmes comportementaux journaliers rencontrés que les constats faisant penser que l’enfant est livré à lui-même. Il sera également important d’ajouter dans ce carnet un compte-rendu des rencontres avec la mère de l’enfant, ainsi qu’une copie des diverses actions mises en place.
b) Le cahier de réussite pour l’élève
Un cahier de réussite a été mis en place avec l’élève, fixant des objectifs de réussite à atteindre. Les objectifs peuvent aussi bien être au niveau de son travail qu’au niveau de son rôle d’élève. L’élève dispose d’un tableau dans lequel il doit renseigner sa réussite. Dans un premier temps, il devra compléter son bilan grâce à un code couleur puis, quand il se sera approprié l’outil, il écrira de courtes phrases reflétant son ressenti. En fin de semaine, un bilan sera effectué avec l’enseignant. Si l’objectif est atteint, un nouvel objectif lui sera proposé. Au bout de trois objectifs atteints, l’enfant pourra disposer d’une carte joker qui lui donnera un avantage dans sa classe (s’asseoir au bureau de la maitresse ou présenter un objet qui lui plaît à la classe). Si toutefois la durée ne convient pas, cette dernière pourra être modifiée.
c) Les dispositifs mis en place dans la classe
D. a été déplacé pour être au plus près de la PE sans toutefois être mis à l’écart du groupe. Cela permettra à la PE d’avoir un regard vigilant et de pouvoir lui apporter son aide sans le stigmatiser. De plus, D. n’étant pas capable d’organiser son espace de travail, une photo de sa table organisée (emplacements de la trousse, des cahiers) a été agrandie et plastifiée au format A3. Au cours de l’année, le format de la photo sera réduit jusqu’à ce qu’il n’en ait plus besoin. Afin que ses cahiers soient bien présentés, des points seront placés pour le guider. Un tuteur sera là pour l’aider dans son organisation (case et cartable).
Au-delà de ces aménagements, une différenciation concernant les activités est réalisée afin de le solliciter dès qu’il est accessible pour entrer dans les apprentissages. Même si cela ne se fait que sur de courtes durées au début, le temps d’activité sera augmenté au fur et à mesure. Dans la différenciation, la PE a commencé par des exercices de dictée à l’adulte. Quand la maitresse le sent disponible pour travailler seul, D. travaille sur des textes à trous, car lorsqu’il est disponible il est capable de travailler en autonomie. Pour les exercices de mathématiques, de la manipulation a été mise en place pour les élèves en difficulté. Au début de l’année, D. collait la poésie, mais il copie de plus en plus de vers désormais. Grâce à tous ces dispositifs, D. commence à avoir une attitude d’élève. Ayant observé de nombreux soucis entre les élèves, un conseil de classe a été mis en place. Ce dispositif a permis de gérer des conflits, dont certains concernant D. Cela a permis au groupe classe de comprendre que D. agissait comme cela à cause de leur comportement envers lui.
d) Continuer les prises en charge ponctuelles avec le maître G du RASED
Un PPRE a été mis en place pour cet élève. Il permet une prise en charge d’une heure par semaine avec le maître G.
Pour le moment, l’élève a beaucoup de mal à comprendre le principe de cette prise en charge. Il ne s’investit que très peu dans le travail que lui demande le maître G. Il est nécessaire de lui faire comprendre l’importance de cette prise en charge afin qu’elle soit le plus bénéfique possible pour lui. Cette action est indispensable car c’est la seule action acceptée par la mère. Ce premier pas montre qu’elle accepte à son rythme le fait que son enfant ait besoin d’aide.
Il serait intéressant de pouvoir faire un point régulier afin de voir si cet élève arrive à voir le côté positif de cette aide et de pouvoir voir s’il y a une évolution dans son comportement.
e) Insister pour que cet élève soit vu par la psychologue scolaire
Il est important de continuer à œuvrer pour que la mère accepte et se présente à une rencontre avec la psychologue scolaire. En effet, un bilan doit être fait pour cet élève afin de mettre des mots précis sur sa situation. Cela sera nécessaire afin de réaliser un dossier MDPH. Ce dossier lui permettra de l’aider dans son quotidien scolaire et peut-être même personnel.
Si la mère persiste à refuser une rencontre avec la psychologue scolaire, il sera de notre devoir de réaliser un signalement auprès du médecin scolaire.
f) Laisser des traces écrites de la situation de cet élève
Depuis le début de sa scolarité, cet élève a été vu comme un élève ayant un souci mais aucun dossier ou aucune remontée à l’inspection n’a été fait. Il est important que des traces écrites de la situation soient faites afin que son dossier contienne des constats de ses difficultés.
Ces écrits peuvent prendre la forme d’un carnet de suivi comme cela a été indiqué précédemment mais également la forme d’emails à la directrice.
g) Faire un signalement
S’il est constaté à nouveau que l’enfant est livré à lui-même ou simplement s’il y a des doutes sur sa situation, l’obligation de signalement prendra tout son sens. Un appel ou une fiche de signalement sera remplie et envoyée au Conseil Général ou au procureur de la République s’il présente un caractère urgent.
7. Prendre parti
Beaucoup de questionnements se sont présentés au fur et à mesure de la réalisation de ce dossier. La situation problème de départ a pointé un certain nombre de limites dans les possibilités d’actions d’un enseignant, et plus particulièrement dans les possibilités d’actions d’un professeur des écoles stagiaire.
Il est difficile pour nous PES d’intervenir quand on a le sentiment d’être seule face à une situation. Est-ce le fait de débuter notre carrière qui nous fait prendre les choses tellement à cœur et nous pousse à vouloir aider tous nos élèves ?
En effet, il est difficile d’accepter le manque d’action dont a fait preuve l’équipe enseignante depuis le début de la scolarité de D. Il est nécessaire de continuer les actions engagées et de laisser des traces de ces dernières. Ainsi, le dossier de l’élève pourra faire part des problèmes rencontrés et ne pas être, comme ça a été le cas jusqu’alors, un dossier cachant les problèmes de celui-ci.
Cette étude montre également les limites d’intervention laissées aux enseignants lorsque la relation parents/école n’est pas solidement établie. Aussi, les champs d’actions restent restreints, ce qui provoque une certaine frustration de l’enseignant qui ne peut réellement agir sans l’accord des parents.