Fonction et enjeux du regroupement en maternelle

Résumé

Le récit et l’analyse de cette situation ont été produits par un groupe de 3 professeurs des écoles stagiaires en 2018-2019. Ils ont été accompagnés par un formateur sur 3 séances de 2h durant lesquelles ils ont pu bénéficier de ses remarques, questionnements et conseils. La production qui suit est une deuxième version c’est à dire que les stagiaires ont effectué quelques remaniements à partir de remarques formulées par le formateur sur la première version.

1. La situation

Parmi nos trois différentes situations problématiques, nous avons préféré travailler sur celle qui nous a semblés la plus représentative de la difficulté pour un jeune PES d’entrer dans la fonction et sur laquelle nous avions certes des propositions de solutions mais sans avoir la certitude qu’elles soient efficaces. La situation se passe dans une école de la région parisienne (non REP) constituée de 7 classes de maternelle.

Lors du regroupement en moyenne section de maternelle, la situation problématique est de gérer et d’obtenir l’attention des élèves. Le comportement de certains gêne le bon déroulement des activités au sein de ce moment particulier, les rituels, la passation des consignes pour les ateliers futurs. Ainsi cela peut compromettre les apprentissages du reste de la journée. Le manque d’attention est observable sous plusieurs aspects : le bavardage, la prise de parole impromptue, sans lever le doigt, non autorisée par le professeur, le vocabulaire utilisé par les élèves, les moqueries entre eux, l’agitation, le taquinage, la posture des élèves (s’asseoir correctement par terre, être tourné vers le professeur).

Le PES a vite recours au haussement de voix, aux sanctions alors que ce « moment » est censé être convivial et durant lequel la parole a toute sa place. Dès lors, comment concilier animation de l’atelier regroupement et mise en place des règles de vie en début d’année ?

Cette situation interroge les élèves et leur environnement proche, leur rapport à l’école, la posture de l’enseignant, les conditions matérielles (l’espace, la disposition des bancs), les conditions temporelles (le jeudi et le vendredi d’une semaine de 5 jours) et les rythmes de l’enfant.

Pour le PES, ce genre de situation peut être déstabilisant car il se sent vite désemparé et peut sombrer dans un autoritarisme stérile et rendre l’entrée dans le métier difficile car elle le questionne sur sa capacité à gérer sa classe et son enseignement.

2. Les problèmes que cela pose

Cette situation soulève plusieurs questions :

Du côté de l’enseignant

Comment capter l’attention d’un maximum d’élèves lors d’un temps de regroupement ? Quel rôle remplit la posture (la gestuelle, le positionnement, la voix) de l’enseignant ? Quelle conception de l’autorité appliquée ? Comment l’enseignant peut-il affirmer son autorité ? Est-ce que l’autorité peut s’acquérir sachant qu’elle est difficile à assumer lorsque l’on débute ?

Du côté de l’élève

Qu’est-ce qu’un comportement inapproprié de la part d’un enfant de moyenne section lors du temps de regroupement ? Autrement dit, qu’est-ce que l’on attend d’un élève de cet âge lorsqu’il est en collectivité ? En effet, en maternelle, tout est à construire et notamment dans l’instauration des rituels, la socialisation, l’autonomie. Et plus précisément, le regroupement du matin est un rituel particulier : ce temps de regroupement est une transition entre la cellule familiale et le groupe classe et cette transition peut être «traumatisante » pour certains élèves. Il est donc important de trouver un équilibre entre la relation affective nécessaire à prise de confiance de l’élève dans l’environnement de la classe et la relation d’autorité entre un enseignant et un élève.

Si toutes ces questions sont légitimes et intéressantes, nous concentrerons notre réflexion sur l’organisation du temps de regroupement. Quelle place voulons-nous donner au temps de regroupement ? Quelle est sa fonction ? Quel aménagement ? Quelles sont les affichages que l’on peut proposer ? Est-il nécessaire d’attribuer aux élèves une place ?

3. Dimension réglementaire

Il faut savoir que la notion de gestion de classe n’apparait pas en tant que telle dans les textes officiels puisque le choix pédagogique est du ressort de l’enseignant. Mais on peut en repérer qui en font référence implicitement.

D’après le référentiel des compétences des métiers du professorat et de l’éducation, les objectifs de l’enseignant que l’on pourrait lier à la gestion du groupe sont d’«organiser et [d’]assurer un mode de fonctionnement du groupe favorisant l’apprentissage et la scolarisation des élève », de « prendre en compte la diversité des élèves » et de « connaître le processus d’apprentissage des élèves ». Il est important de gérer et d’aménager les espaces pour qu’ils soient propices à l’apprentissage mais aussi d’avoir conscience que chaque enfant est différent et n’ont pas les mêmes besoins.

D’un point de vue historique, dans la circulaire du 30 janvier 19861http://www.formapex.com/telechargementpublic/textesofficiels/1986_1.pdf dite « circulaire Chevènement », qui prône pour la première fois la socialisation comme enjeu de l’école maternelle, il est fait mention de cet espace regroupement dans l’organisation matérielle de l’école et de la classe comme dispositif le plus adapté :

« Une aire de regroupement, des zones d’activités différenciées et évolutives semblent constituer le dispositif le plus approprié aux classes maternelles. Dans les salles où sont réunis de très jeunes enfants, il est souhaitable que le mobilier comporte des coins de repos mis à la disposition des enfants qui éprouvent un besoin de répit. Il convient aussi d’adapter le mobilier pour obtenir de larges espaces de circulation, propices aux jeux de déambulation qu’affectionnent les petits.»

Dans le programme de la maternelle2Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement, de l’enseignement supérieur et de la recherche, les rythmes scolaires, le programme de l’école maternelle, BO 2015 [http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=86940], le développement de l’enfant constitue l’un des points fondamentaux: « Au sein d’une même classe, l‘enseignant prend en compte dans la perspective d’un objectif commun les différences entre enfants qui peuvent se manifester avec une importance particulière dans les premières années de leur vie. L’équipe pédagogique aménage l’école (les salles de classe, les salles spécialisées, les espaces extérieurs…) afin d’offrir aux enfants un univers qui stimule leur curiosité, répond à leurs besoins […]. C’est-à-dire qu’il faut prendre en compte les rythmes des enfants et aménager le temps et les espaces en fonction des élèves que l’on a. En maternelle, les élèves en sont au stade pré-opératoire décrit par Jean Piaget c’est à dire qu’ils passent d’une perception du monde principalement autocentrée à une perception de plus en plus socialisée . L’enjeu de la scolarisation est ainsi d’offrir des situations qui vont permettre le décentrement et la socialisation : percevoir et accepter le temps et l’espace de l’autre.

L’objectif de la maternelle est d’apprendre aux enfants à devenir élève. Dans les programme, elle se raccroche en cela au vivre ensemble et apprendre ensemble. Autrement dit, en maternelle les élèves apprennent progressivement à se socialiser, à apprendre avec les autres, être autonome : « Les enfants apprennent à repérer les rôles des différents adultes, la fonction des différents espaces dans la classe, dans l’école et les règles qui s’y rattachent. »3Ibid. L’école maternelle est un temps de transition durant lequel les enfants découvrent les attendus scolaires.

Et c’est dans ce sens là qu’il est important de prendre en compte le rythme des élèves dans leur transition pour devenir élève : « Penser le temps des enfants, c’est aussi reconsidérer les espaces de la classe et de l’école pour rendre possible la prise en compte des rythmes de chacun, en offrant des endroits de repli, des espaces moteurs, des espaces d’apprentissage, des coins de manipulations… C’est aussi sécuriser chacun au sein du groupe.»4Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement, de l’enseignement supérieur et de la recherche, les rythmes scolaires, septembre 2015, [http://cache.media.eduscol.education.fr/file/maternelle/49/9/2015_rythmes_maternelle_docmaternelle_458499.pdf]

Au-delà de l’aménagement de l’espace, il faut aussi prendre en considération le temps de concentration des élèves de 4/5 ans : « Les apprentissages exigeants sollicitant attention et concentration sont proposés sur les temps de plus grande vigilance. Plus les enfants sont jeunes, plus il est important de varier les phases au cours d’une même séance et d’alterner les modalités de travail (collectif/ individuel, oral/écrit, découverte/entraînement…) en tenant compte d’une capacité moyenne d’attention continue variant de 5/10 minutes pour les plus jeunes à 20/30 minutes pour les plus âgés. »

4. Ce qu’en disent des collègues

Nous avions construit un questionnaire en ligne sur Google sheets, afin de solliciter nos collègues et disposer d’éléments comparables pour les analyser. Cependant, cette formule n’a pas rencontré de succès dans la mesure où il s’est avéré nécessaire de relancer les collègues au risque de ne pas obtenir de réponse. Nous avons préféré l’entretien au cours des moments partagés quotidiens. Comme l’entretien se déroulait au moment du repas du midi, cela a permis à toutes les personnes présentes d’échanger sur la pratique du regroupement.

Les personnes interrogées sont des titulaires de maternelle depuis une quinzaine d’années pour la plupart. Elles exercent sur les trois niveaux de maternelle.

Les questions posées :

– En quoi la pratique du regroupement vous semble-t-elle utile pour les élèves ?

Toutes les réponses sont unanimes pour situer le regroupement comme un moment ritualisé pour se repérer dans la journée de classe. Il permet de mobiliser les élèves, capter leur attention et d’assurer l’entrée effective dans la journée de classe. En terme de gestion, c’est un moment où les individualités sont censées se mettre en retrait au profit du groupe classe. La disposition en demi-cercle favorise cette cohésion.

Une collègue s’interrogeait néanmoins sur la pertinence du dispositif pour des enfants qu’elle percevait moins attentifs au fil des ans. Elle n’avait pas d’alternative à proposer pour les rituels en groupe classe mais avouait passer beaucoup plus de temps à réguler les comportements qu’auparavant et écourtait de plus en plus les regroupements pour des activités en petits groupes ou en autonomie.

– Éprouvez-vous des difficultés à animer le regroupement du matin ? En quoi consistent ces difficultés ?

Les difficultés rencontrées concernent 3 points :

  1. Les déplacements des élèves, la tenue sur les bancs ou au sol, voire les querelles de places. Les collègues ont déploré le manque de bancs ou de places pour que les élèves soient correctement assis.
  2. La prise de parole : les interventions collégiales, l’interruption du camarade qui parle. Le recours au bâton de parole est une solution qui a été avancée pour que celui qui a le tour de parole soit visuellement repéré. L’aspect ludique du stratagème mobilise les élèves et apaise les frustrations.
  3. L’inattention ou plutôt l’attention détournée, le désintérêt : les collègues ont avoué dans ce cas que cet aspect est le plus difficile à contrecarrer. Dans ce cas, plusieurs possibilités : persévérer quitte à permettre le moment d’inattention passagère d’un ou deux élèves, conclure et proposer une activité remobilisatrice (comptine, jeu de doigts etc.). Vers les fins de périodes, les élèves sont plus fatigués et l’attention et la motivation sont souvent plus difficiles à capter.

– Concernant la disposition spatiale de votre coin regroupement, comment l’avez-vous choisie ? En fonction des contraintes imposées par la configuration de la pièce ? En fonction d’un choix pédagogique ou de confort délibéré ?

Concernant ce dernier point, nous avons complété les entretiens par la visite des classes pour cerner la configuration. Nous avons pu retrouver dans les différentes dispositions, une homogénéité des dispositifs hormis quelques aménagements dus aux contraintes spatiales (salles en L, en couloir, rectangulaires, murs vitrés) : le regroupement était alors contre un mur sous le tableau. L’emplacement malgré tout central permettait une répartition des ateliers et des coins cuisine, bibliothèque. Sur les murs, les affichages variaient selon les choix pédagogiques des enseignantes, mais là encore nous trouvions des éléments communs : les calendriers, les anniversaires, les services et responsabilités, l’inscription aux ateliers. Les bancs disposés en demi-rectangle autour du tableau accueillent les élèves. Selon le choix des enseignants, 4-5 élèves sont autorisés à s’asseoir au sol en tailleur et ne doivent pas bouger. Dans une classe, les élèves avaient leur place réservée sur le banc. La PE nous a expliqué que cela faisait gagner du temps dans les phases de transition vers la mise en regroupement et que les élèves appréciaient de retrouver leur place. Elle avait choisi les emplacements, en fonction des affinités ou des proximités incompatibles des uns et des autres.

Les collègues ont tenu tout de même à nous rassurer sur notre problématique. En maternelle, les rituels se mettent en place. Il est donc tout à fait normal pour les enseignants débutants d’être déroutés au début parce que nous n’avons pas encore une vision globale des progressions sur l’année. Au fil du temps, à force de répétition des rituels, les comportements des élèves évoluent de manière générale vers plus d’apaisement.

5. Des ressources universitaires

Le corpus documentaire

Bien que le dispositif de regroupement soit pratiqué de manière quasi systématique dans les écoles maternelles, on trouve difficilement de la littérature scientifique sur ce sujet. Celui-ci semble faire consensus autour de sa pertinence. Aussi, trouvons-nous essentiellement des guides pédagogiques autour des rituels en école maternelle. Le jeune enseignant reproduira ainsi ce moment de la journée qu’il aura vu dans ses stages d’observation, ce moment évoqué dans les instructions officielles sans forcément commencer par la pertinence pédagogique. Le regroupement est à la fois un rituel pour les élèves et un rite pour l’enseignant. (cf vidéo Néopass : Commentaire de François Carraud sur le rituel de la date)

« Ces questions relatives à l’espace, et celles de maintien de l’attention d’un groupe de petits (tout en faisant réaliser une tâche par l’un d’entre eux), constituent de véritables problèmes de métier, et pas seulement des difficultés de débutants. En effet, on retrouve ici des manières de faire relativement habituelles, que l’on peut observer dans un très grand nombre de classes de maternelle, et qui ne semblent plus toujours relever de choix pédagogiques explicites ou intentionnels alors même qu’elles contraignent fortement l’activité des enfants et celle de l’enseignant. »5Site Neopass : « Page Consigne 2 : faire expliquer une situation réussie » Onglet Analyse http://neo.enslyon.fr/neopass/index.php?themes=4&activites=33&lang=fra

Les sites institutionnels ont acté le dispositif par exemple dans le document publié sur le site Eduscol : Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions. Partie 1 – L’oral – Ressources pour aménager le coin regroupement.6Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions. Partie 1 – L’oral – Ressources pour aménager le coin regroupement :http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Langage/87/0/Ress_c1_langage_oral_coin_457870.pdf

Ainsi, il semblerait que le dispositif précède l’intention pédagogique. Comme il existe le coin regroupement, l’institution fournit des ressources pour l’exploiter. Dès lors que l’on souhaite interroger comment et quand ce dispositif est arrivé dans les classes, quelles étaient les intentions au moment du choix de ce dispositif, nous éprouvons des difficultés.

Cependant, en exercice, nous voyons souvent malgré les efforts des enseignants, des enfants passifs, agités ou assis sur les bancs de façon bien souvent inconfortable, souvent inattentifs aux propos du professeur, se focalisant sur les affichages au tableau. Nous faisons le constat que l’enseignant, est constamment en train de rappeler aux élèves de s’asseoir, d’écouter, de ne pas prendre la parole en même temps entre deux notions abordées. De plus, le dispositif est mis à mal face à des comportements inappropriés de certains élèves turbulents. Dès lors, on peut se poser la question de la pertinence d’un tel dispositif pour les élèves et pour l’enseignant. Nous interrogerons par nos lectures les objectifs du regroupement, sa fonction en considérant le regroupement du matin comme un moment dans la journée mais aussi un espace caractéristique.

Le regroupement comme un moment particulier

Dans les guides pédagogiques consultés, le regroupement du matin se situe à la suite de l’accueil des élèves. Lors de l’accueil, les premiers arrivés s’attellent à des activités diverses permettant ainsi de décharger l’enseignant pour l’accueil individualisé des autres élèves. Le regroupement permet à l’enfant de s’inscrire dans un rituel. Par la répétition quotidienne, l’objectif général du rituel est la conquête de l’autonomie et la stabilisation des repères temporels où l’élève anticipe ce qui va se passer et rendre la séparation du matin plus facile et l’entrée dans les apprentissages.

De plus, ces moments de regroupement mettent au cœur du dispositif la socialisation pour l’enfant. Plus particulièrement, appartenir au groupe classe en vivant un instant partagé en commun, oser prendre la parole au sein du groupe lors des activités langagières, échanger avec les pairs, argumenter, écouter. Ce moment du regroupement est un temps d’apprentissage notamment dans les domaines suivants :

  • Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions : il offre des situations de langage et l’acquisition d’un lexique nouveau, de structures temporelles du récit lorsque l’élève raconte un événement (par exemple via le quoi de neuf).
  • Les premiers outils pour structurer sa pensée : Le travail sur la date est un moment privilégié pour travailler sur les différents aspects du nombre ordinal (énième jour du mois) et cardinal (nombre d’absents/ de présents).

Le regroupement comme espace

Outre l’aspect temporel permettant d’inscrire les élèves dans le temps via les rituels, le regroupement est aussi un espace bien identifié dans la classe par son emplacement et les éléments alentours : le regroupement est l’endroit de constitution du groupe classe, c’est-à-dire l’endroit où tous les élèves sont ensemble au même endroit.

Selon les configurations et les contraintes de classe, l’espace regroupement existe bien souvent dans un coin de la pièce car il est en concurrence avec le mobilier de rangement des fournitures, les tables des ateliers situées au centre de la pièce, le coin bibliothèque, le coin cuisine. Il est aussi présent autour du mur ou est fixé le tableau permettant d’exploiter les affichages déjà présents. Ainsi, il semblerait que cet espace ne soit défini que par les contraintes imposées par les autres éléments de la classe.

Les affichages sont utilisés dans le cadre des différents rituels du dispositif (date, calendriers, tableau de présence, emploi du temps, responsabilités). D’autres affichages servent de supports pour des activités plus transversales: frise numérique, alphabet dans les différentes écritures. Le tableau lui-même est un support pour les élèves mais aussi pour l’enseignant lors des affectations dans les ateliers par groupes de couleurs.

Les bancs sont aménagés soit en U lorsque l’on est face à un mur ou en L si on est dans un coin. L’aménagement en U ne permet pas une vision correcte pour les élèves situés sur les extrémités latérales. L’aménagement en L ne permet généralement pas de placer tous les élèves et certains s’assoient au sol. Ainsi l’aménagement du coin regroupement est un espace rempli de contraintes généralement imposées par la configuration des locaux, de l’aménagement et des supports utilisés. En dernier, les élèves doivent y trouver leur place.

Ainsi, il y a une dichotomie entre l’espace regroupement et le temps du regroupement : le temps du regroupement est central : construction des rituels, consignes pour les activités du matin, constitution du groupe classe. L’espace lui est relégué dans un coin, contre un mur et doit se positionner par rapport aux autres de la classe. C’est ce que constate Vincent Paré, maître IUFM, dans un document publié sur le site de l’académie de Grenoble « Des espaces pour mieux apprendre : comment penser un aménagement de classe maternelle favorisant les apprentissages du cycle 1 »7http://www.ac-grenoble.fr/ien.g4/IMG/pdf/Des_espaces_classe_maternelle_pour_apprendre_1_.pdf. Il propose ainsi de placer l’espace regroupement au centre de la classe et disposant les autres espaces autour.

Ci-dessous quelques photos d’aménagements dans cette configuration :

             disposition classe   disposition classe1

Nous avons également trouvé des aménagements issus du monde anglo-saxon autour du concept de « flexing seating ». Cependant cela nécessite des investissements dans le mobilier important comme des tables hautes, des sièges-ballons, des tapis, coussins, canapés, poufs, fauteuils hors de portée de la plupart des budgets des écoles. Cet aménagement relève d’un projet éducatif inscrit sur le long terme peu applicable sur une année en mi-temps. L’idée générale est d’adapter les aménagements aux besoins de mobilité des enfants (bouger, changer de position), de confort (s’allonger pour dessiner) et de diminuer les contraintes pour favoriser les apprentissages. Ce concept s’appuie sur les études montrant l’inefficacité de la station immobile et assise pour l’attention des élèves.8https://flexibleseatinginclassrooms.wordpress.com/tag/flexible-seating-research/

Le regroupement du matin face aux élèves dits perturbateurs

Un des principes de l’école maternelle est d’assurer la construction du « devenir élève ». Le Devenir élève s’articule autour de 3 domaines selon Viviane Bouysse , inspectrice générale9https://www.ac-orleans-tours.fr/fileadmin/user_upload/maternelle37/publi-anterieures/devenir-eleve/formation_devenir_eleve.pdf :

  • Le vivre ensemble : c’est savoir apprendre avec les autres, intégrer les règles communes, les principes moraux et de civilité élémentaires
  • L’autonomie dans les apprentissages : se construire une attitude d’élève, développer une autonomie relationnelle et affective, acquérir une autonomie d’un point de vue organisationnel et cognitif.
  • Apprendre à apprendre : être actif dans la recherche de procédures, pratiquer la métacognition, s’auto-évaluer.

Le “devenir élève” touche aussi bien un “savoir être” vis à vis de l’environnement scolaire, de la microsociété de la classe qu’une attitude à acquérir par rapport aux apprentissages. Viviane Bouysse met en avant que les enfants ne deviennent pas des élèves juste en venant à l’école, c’est durant le temps scolaire que les élèves apprennent et deviennent élèves. Nous sommes donc dans l’acquisition des prérequis. Il s’agit donc de s’inscrire dans le temps pour construire des compétences sociales d’écoute, de partage, de respect, d’attention. Lors du regroupement les élèves doivent apprendre à se décentrer d’eux-mêmes et piloter leur attention, c’est-à-dire se discipliner dans le groupe en écoutant, en prenant en compte le tour de parole et en respectant les règles de la classe.

Qu’est-ce qu’un élève perturbateur ?

Dans l’article issu de la revue Cerveau et Psycho d’octobre 2010, Jean-Claude Richoz identifie trois profils d’élèves dits « difficiles » » : le perturbateurs, l’agité et l’opposant10http://www.ac-besancon.fr/download.php?pdf=IMG/pdf/classe_difficile_cerveau_et_psycho.pdf. Au sein du dispositif du regroupement, ces trois profils pourront ainsi s’exprimer :

Le perturbateurL’agitéL’opposant
Bavardage, dérange le dispositif
par la prise de parole inopinée de
façon récurrente, ne respecte
pas les règles du dispositif
Ne tient pas en place sur la
chaise, change de place, ne tient
pas en place  
Exprime son désintérêt, conteste l’enseignant.


Lors d’un regroupement, on peut retrouver ses différents comportements qui empêchent les élèves de se concentrer : bavardage, les élèves ont tendance à prendre la parole sans lever le doigt, ils ne tiennent pas en place. On peut s’interroger sur la pertinence de cette classification pour des élèves de Moyenne Section de Maternelle. Un perturbateur en maternelle n’est-il pas un enfant au comportement insuffisamment décentré ? Un élève désintéressé à l’activité n’est-il pas focalisé sur autre chose ? L’élève agité n’est-il pas soumis à un besoin de mobilité tout à fait normal à cet âge? Ne s’agirait-il pas d’un problème de synchronisation entre l’état cognitif de l’enfant et le dispositif qu’il doit assimiler ?

6. Pistes de résolution de la situation

L’aménagement du coin regroupement

Nous proposons de réfléchir sur la disposition du coin regroupement pour qu’il soit propice aux apprentissages. Le coin regroupement est fait pour regrouper. Il représente l’espace de début d’activités, le lieu de transition des rituels, et le coin qui institutionnalise la fin de journée. Or le coin regroupement est souvent placé dans un coin, devant le tableau blanc, en U formé par trois bancs. Une piste serait de mettre l’espace au centre de la classe avec comme mobilier un tableau mobile. La taille du tableau réduite, oblige alors l’enseignant à réfléchir et sélectionner les affichages que l’on veut montrer aux élèves. En effet, l’affichage est important et ce qu’il montre doit concerner les activités du regroupement seulement, afin de ne pas surcharger l’attention des élèves sur une autre activité. Par exemple, les présences des élèves, la frise de la journée, la date et ses différents outils seuls peuvent être présents sur le tableau lors du regroupement. Lorsque celui-ci est fini alors la présentation des ateliers qui suivent peut commencer par leur affichage et l’explicitation des consignes.

L’aménagement du coin regroupement pose aussi la question des mobiles que l’on doit utiliser pour que les élèves soient concentrés au maximum. Lors des observations pratiques, les enfants sont assis soit sur les bancs ou soit par terre par manque de place. L’inconvénient de cette situation est que les enfants sont vites déconcentrés, les élèves assis au sol se retournent. Une piste que l’on propose serait d’enlever les bancs pour que tous les élèves soient assis par terre autour d’une ellipse marquée au sol. Selon l’objectif du coin regroupement les élèves peuvent être assis soit à l’extérieur de l’ellipse soit à l’intérieur.

Contenu de ce moment

Il est essentiel pendant ce temps de regroupement de capter l’attention des élèves. D’une part, trouver des accroches par exemple par le biais de comptines ou de jeux de doigts ou encore une histoire ou un jeu ritualisé. Il n’est pas nécessaire de commencer directement avec les rituels. D’autre part, il faut aussi faire attention au rythme des enchaînements. En effet, il faut éviter les temps morts qui sont des occasions pour les élèves de se dissiper mais aussi les faire verbaliser. Le regroupement est aussi un temps d’échange et d’apprentissage, l’enseignante ne doit pas être la seule personne qui prenne la parole. Enfin, il faut trouver une cohérence pour enchaîner les différents moments de ce temps de regroupement et éviter l’impression de zapping sans logique d’apprentissage.

7. Prendre parti

Il faut savoir que l’aménagement des espaces dépend des élèves que l’on a et l’aménagement pourrait être modifié au cours de l’année. Dans cette situation-là, l’aménagement du coin regroupement est plutôt classique : dans un coin de la classe avec trois bancs et des enfants assis par terre. Néanmoins, nous pensons qu’il serait intéressant de placer l’espace regroupement dans une position plus centrale : en retirant les bancs et en asseyant les élèves au sol en tailleur, pour plus de confort dans un espace délimité marqué au sol (de type ruban vinyle de marquage au sol) ou sur un tapis. L’absence de banc permet de gagner un espace qui peut être remobilisé lors des ateliers de type jeux de construction.

Les règles de comportement doivent être claire sur la posture autorisée, les déplacements, la prise de parole (le recours au bâton de parole nous semble pertinent).

En réduisant l’affichage sur un tableau mobile, aux points abordés spécifiquement. Le recours au paperboard rend possible le retour vers des séances abordées précédemment. Le tableau mural, quant à lui, peut être utilisé pour les essais d’écriture ou des ateliers plus magistro-centré.

En termes de contenus, la régularité des rituels est indispensable pour inscrire les élèves dans le temps scolaire, pour les aider à se décentrer, mettre de côté les frustrations, prendre en compte la parole de l’autre.

Cependant, les rituels doivent être agrémentés de variations dans les situations pour ne pas sombrer dans une routine préjudiciable à l’attention des élèves.

Si les élèves n’ont pas acquis ces compétences en début d’année scolaire, ceci ne doit pas déstabiliser le professeur débutant. En maternelle, les enfants sont des élèves en devenir. Nous pensons donc qu’il est nécessaire de ne pas oublier que les élèves sont dans la construction de cette facette et que l’enseignant doit inscrire sa démarche dans le temps. 

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