Le dispositif ULIS et son intégration dans le quotidien des classes

Résumé

L’école est un lieu de rencontre, de création de liens et de savoirs. C’est aussi un lieu dans lequel les inégalités se confrontent. En effet, chaque enfant, lorsqu’il débute sa scolarité, arrive avec son propre parcours de vie et ses propres compétences. Il a évolué, depuis sa naissance, dans un contexte social et familial qui influence déjà ses chances de réussite. Et malgré une école dite « inclusive » qui, selon le ministère de l’Éducation Nationale a pour objectif de donner à tous les élèves une scolarisation de qualité visant l’égalité des chances et de réussite grâce à une prise en charge prenant en compte les besoins et singularités de chacun, les élèves rencontrent des difficultés qui ne leur permettent pas toujours d’être accompagnés en fonction de leur besoin.

1. La situation

Nous prenons l’exemple d’une école qui fera fonction d’idéal-type des établissements scolaires rencontrant cette problématique. Nous sommes dans une classe de CM2. Il y a 28 élèves dont 5 sont concernés par une prise en charge particulière. En effet, ces élèves sont considérés « à besoins particuliers ». Ils rencontrent des troubles de l’apprentissage. 2 élèves disposent d’une AESH au sein de la classe qui est présente quelques heures par semaine, et les 3 autres ont intégré le dispositif ULIS présent dans l’école. Celui-ci est mis en place pour les élèves ayant une reconnaissance de handicap par la MDPH (maison départementale des personnes handicapées). Il permet aux élèves de bénéficier d’une prise en charge et d’une adaptation des enseignements en fonction de leurs besoins.
Les élèves relevant de ce dispositif sont inclus dans leur classe de référence, qui correspond généralement à leur classe d’âge, et partagent aussi leur emploi du temps avec la classe ULIS. L’enseignant de la classe de référence n’est pas particulièrement formé aux besoins spécifiques de l’enfant alors que la classe ULIS bénéficie d’un enseignant référent spécialisé et d’un(e) AESH à plein temps pour la classe. L’élève partage donc des temps de classe avec ses camarades qui n’ont pas forcément de besoins spécifiques et des temps d’apprentissage avec d’autres pairs rencontrant des troubles divers, similaires ou différents des siens, en sein de la classe ULIS.

L’enseignant référent, coordonnateur du dispositif ULIS, met donc en place un emploi du temps synchronisé avec celui des élèves concernés : les leçons de mathématiques et français s’effectuent lorsque les élèves sont dans la classe ULIS. Le reste des matières à étudier est programmé pour que ces élèves soient présents pour la leçon dans leur classe de référence avec leurs autres camarades.

Premier cas concret : désynchronisation des dispositifs

Nous sommes le lundi 16 janvier. K, A et N sont présents dans la classe d’inclusion avec leurs camarades. Comme tous les lundis matin, nous commençons la journée par un rituel concernant le domaine de la culture littéraire et artistique. Il est 8h45 quand cette activité se termine. Il est maintenant l’heure pour les trois élèves de rejoindre la classe ULIS avec l’enseignante coordonnatrice. Pendant que K, A et N travaillent avec cette enseignante en Français et Mathématiques dans une autre classe, nous démarrons également (dans la classe de référence), un atelier de Français. 45 minutes plus tard, les trois élèves rejoignent de nouveau leur classe de référence comme l’indique leurs emplois du temps respectifs. Malheureusement, avec leurs camarades, nous sommes toujours sur le Français car la leçon a pris plus de temps à copier pour les élèves et il reste des exercices d’application/entrainement à réaliser pour que la leçon puisse prendre sens pour les enfants. N, A et K devront patienter avec une activité autonome différente de celle leur camarade (malheureusement plutôt occupationnelle car l’enseignante est avec les 25 autres élèves de CM2), afin d’attendre que la leçon de géographie puisse commencer avec l’ensemble de la classe.

Deuxième cas de désajustement des emplois du temps

Le mardi 17 janvier, N, A et K sont dans la classe Ulis pour travailler la compréhension écrite, alors que dans la classe de référence, nous travaillons la production écrite. Il est maintenant 14h30, l’atelier de production écrite est terminé. Nous devons commencer une nouvelle leçon en sciences. Les 3 élèves du dispositif ont beaucoup de difficultés en compréhension écrite. Ils ne redescendront dans la classe de référence que pour la récréation de 15h. Ils ont manqué toute la phase de découverte de la nouvelle notion de sciences et la première trace écrite. Après la récréation, nous partons en EPS avec l’ensemble de la classe. Cette situation se présentera à nouveau la semaine suivante et de ce fait, nos 3 élèves du dispositif Ulis, n’assisteront qu’à la conclusion de cette leçon de sciences. Pourtant, les emplois du temps des élèves ont été programmés, en début d’année, pour qu’ils puissent assister à toutes les séquences en sciences, à ces horaires-là.

En effet, le dispositif ULIS permet aux élèves d’avoir un emploi du temps aménagé qui donne la possibilité d’adapter les apprentissages aux besoins spécifiques de chacun. Les élèves dont nous parlons ont donc plusieurs heures de classe sur le dispositif, leur donnant accès à une remédiation et une adaptation pédagogique en Mathématiques et en Français, proposée par l’enseignante référente dans sa salle de classe. L’objectif principal étant de proposer un apprentissage adapté aux besoins et au rythme de l’élève. Cette adaptation est actuellement entièrement gérée et mise en place par l’enseignante spécialisée dans la classe ULIS.

En parallèle, les deux enseignants (référent titulaire de la classe d’inclusion et spécialisé) mettent en place, en début d’année, un emploi du temps adapté que chacun essayera de respecter au mieux. Ainsi, normalement, les élèves de la classe d’inclusion avec les enfants du dispositif ULIS peuvent assister ensemble aux enseignements en Sciences, EPS, Géographie, Histoire, Histoires des arts, Art visuels, et EMC.

Troisième cas : désynchronisation des apprentissages

Cette fois-ci, « E » élève de CE2, arrive après la récréation dans sa classe d’inclusion, à 15h30. Une séance dans le domaine « questionner le monde » est programmée dans laquelle les prérequis sont : connaitre la relation entre certaines unités de longueur (km, m). L’ensemble des élèves de la classe d’inclusion maitrise la notion, or ce n’est pas encore le cas pour E, qui n’a pas abordé dans ses apprentissages les centaines et les milliers contrairement aux autres élèves de sa classe de référence. Pourtant, que ce soit pour E, N, A ou K, ils seront évalués au même titre que les autres élèves de la classe référente, sur les sciences par exemple. Comme les autres élèves, les enfants du dispositif peuvent bénéficier de différenciation durant les séances lorsqu’ils sont dans leur classe de référence, mais ils seront évalués de la même manière que les autres élèves sur les matières en dehors du Français et des Mathématiques, conformément au programme et aux directives d’Eduscol.

2. Les questions que pose la situation 

Le premier obstacle rencontré, comme nous l’avons expliqué, est donc la gestion de ce double emploi du temps des élèves du dispositif ULIS. En effet, l’enseignante spécialisée ou l’enseignante référente de la classe d’inclusion, rencontrent régulièrement des perturbations au niveau de la gestion du temps. L’emploi du temps des élèves (et donc des enseignants) est chamboulé et cela entraîne un décalage au niveau des apprentissages. Les élèves arrivent donc très régulièrement au cours d’une leçon dans leur classe de référence et inversement avec la classe Ulis. Malgré des séances d’apprentissage mise en place spécifiquement pour eux, grâce aux aménagements proposés par l’enseignante spécialisée dans la classe Ulis, ces contraintes temporelles ont un impact négatif sur les apprentissages de l’élève car elles engendrent une certaine discontinuité des apprentissages sur toutes les matières autres que le Français et les Mathématiques alors que le dispositif a été pensé pour les améliorer.
De ce fait, comment gérer la flexibilité nécessaire à la gestion de l’emploi du temps d’une classe dite classique et l’inflexibilité d’un double emploi du temps programmé à l’année pour ces élèves ?  Comment aider les élèves du dispositif lorsque l’emploi du temps est constamment bouleversé et que les élèves manquent des leçons communes ? Ces difficultés-là, entrainent également une autre problématique liée à l’inclusion elle-même et impacte aussi l’acquisition des objectifs d’apprentissages.

Comment inclure ces élèves dans les apprentissages effectués au sein de la classe référente lorsque le degré de compréhension est déficient ? Effectivement pour intégrer le dispositif ULIS, rappelons-le, il faut que les élèves aient été diagnostiqués et qu’ils relèvent du champ du handicap. Comme le précise Eduscol, ces élèves « présentent des troubles des fonctions cognitives ou mentales, des troubles spécifiques du langage et des apprentissages, et/ou des troubles envahissants du développement« . Cela peut freiner lourdement les élèves dans leurs apprentissages. C’est pourquoi les attendus de fin d’année et de fin de cycle peuvent être en décalage avec les potentialités des élèves relevant du dispositif. Il peut être difficile aussi, avec les particularités de chacun, d’avoir des progressions communes avec le reste des élèves de la classe de référence.  Tout ceci met en exergue d’autres problématiques encore.

En effet, comme c’est l’enseignante spécialisée qui est en charge des enseignements spécifiques des fondamentaux pour les élèves du dispositif, l’enseignant de la classe de référence peut se sentir moins impliqué dans le parcours de ces élèves pour la simple et bonne raison que les responsabilités sont partagées et que le parcours de l’élève est organisé entièrement par le coordonnateur. De plus, à l’inverse de l’enseignante spécialisée, l’enseignant référent n’a pas de formation spécifique ce qui complexifie une prise en charge plus efficace des élèves à besoins spécifiques. Le manque de moyens humains et techniques accroit ces difficultés, tout comme le nombre d’élèves dans la classe de référence. Tout cela est un frein à une réelle adaptation des profils de chacun. C’est pourquoi, les enseignants sans spécialité rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre et l’adaptation des leçons, des activités pour les élèves comme E, A, N ou K. Et ce sont ces derniers qui pâtissent alors une fois de plus des difficultés qu’ils rencontrent dans leur quotidien déjà alourdi par leur situation de handicap.
Alors, le fonctionnement même du dispositif peut être questionné.  


Sommes-nous vraiment dans l’inclusion de ces élèves ou est-ce que le dispositif a simplement permis d’améliorer l’intégration des élèves en situation de handicap ? Si pour les enseignants, et notamment l’enseignant de la classe d’inclusion, la question se pose pour les raisons et problématiques déjà abordées, qu’en est-il également du point de vue des élèves ? On observe au quotidien, en tant que professionnels, des réactions et des comportements de la part des élèves qui traduisent la perfectibilité des choses. On ressent dans son âme d’enseignant que l’on aimerait faire autrement pour ces élèves. Par exemple K et A demanderont régulièrement ce qu’ils peuvent faire en attendant que la leçon de science débute. Même si l’enseignant prend le temps d’expliciter avec eux ce que la classe est en train de terminer, en essayant de les inclure dans l’activité, N préfère chahuter avec son voisin de table, K ne se sent pas vraiment concernée tout comme A qui demande déjà quand elle pourra retourner dans la classe Ulis. Ils sentent ce qu’on ne voudrait pas qu’ils ressentent. Même si les équipes sont très favorables au principe d’inlusion, nous nous somme déjà dit que lorsque E, N, K ou A rejoignent la classe, alors que l’on n’a pas terminé avec les autres élèves, ils arrivent un peu comme « un cheveu sur la soupe », même si on prend le temps de venir les voir individuellement, de leur expliquer l’exercice ou de leur proposer une autre activité en attendant.  On se dit également que l’intérêt de suivre le programme Eduscol est discutable quand on voit leurs yeux divaguer pendant la leçon de géographie parce que ce que nous racontons est tellement éloigné dans leur perception et de leur centre d’intérêt.

Au-delà du programme à suivre, des objectifs d’apprentissage, il peut sembler aussi qu’il y ait un impact social sur l’inclusion avec le dispositif ULIS. En effet, le fait de changer de classe pour les élèves du dispositif, marque déjà une différence. Et concrètement, les élèves ont moins de contact avec leurs camarades, le lien créé et les moments partagés avec ces derniers sont moins nombreux et donc moins forts. De plus, l’élève peut sembler être partout et nulle part à la fois. Nous pensons que cet aspect est d’autant plus accentué si l’enseignant référent de la classe d’inclusion est lui aussi à mi-temps dans la classe. Toute cela, hélas, se ressent en récréation, car les élèves du dispositifs Ulis vont avoir tendance à jouer ensemble plutôt qu’avec leurs camarades de la classe d’inclusion. Pourtant, il n’y a aucun rejet de la part de ces mêmes camarades qui par exemple choisiront aussi bien N ou A qu’un autre élève lors de la constitution d’une équipe de relais en EPS. On notera aussi une certaine solidarité dans la classe puisqu’indépendamment du caractère de chacun, N, K et A se voient régulièrement proposer de l’aide de la part de leurs camarades pour finir soit de copier une leçon car N écrit très lentement, ou bien d’aider A à retrouver une leçon perdue dans la désorganisation de sa case, ou bien encore d’aider K à faire son exercice car ses difficultés de compréhension sont un frein récurrent.

Cette exposition du cas pratique et l’analyse que nous en faisons, permettent de nous poser les questions suivantes :
 Est-ce que la mise en place d’un emploi du temps annuel, partagé entre la classe d’inclusion et la classe Ulis répond aux besoins des élèves relevant du dispositif ? Est-ce que le fonctionnement de la classe ULIS permet une réelle inclusion des élèves et un accompagnement optimum dans leurs apprentissages ?

3. Dimension réglementaire

Le handicap et les différents troubles (dys…) touchant les élèves sont de plus en plus reconnus. Des textes officiels sont disponibles de manière à accompagner les différents acteurs gravitant autour d’eux pour accéder à un enseignement plus adapté et plus efficace.

Depuis le début des années 2000, un certain nombre de textes ont exposé la mise en place de dispositifs nécessaires à l’accompagnement des élèves à besoins particuliers. Ils nous permettent de comprendre et de prendre conscience de l’évolution considérable et rapide du regard sur l’inclusion dans notre société. En tant que stagiaire, faire une lecture de ces textes nous permet de prendre conscience du fait qu’énormément de changements ont été mis en place en quelques décennies. Cela nous aide à comprendre pourquoi certaines données sont encore à ajuster.

Tout d’abord, par la loi 2005-102 datant du 11 février 2005 1https://www.education.gouv.fr/la-scolarisation-des-eleves-en-situation-de-handicap-1022, le ministère de l’Éducation Nationale met en place une prise en charge adaptée des élèves en situation de handicap et troubles dys afin de permettre à tous d’avoir accès à une égalité des droits et des chances. Cette loi permet une prise de conscience de la situation actuelle des élèves atteints de ces troubles et un accompagnement plus adapté est instauré. Cependant, elle a aussi ses limites. Tous les élèves n’ont pas les mêmes chances de réussites en raison d’un manque de dispositifs nécessaires à leur bien-être.

En 2009, une loi apparaît de nouveau, plus accès sur la scolarisation des élèves en situation de handicap et permet d’ouvrir des classes CLIS (ancêtre des ULIS), ce qui permet de cibler davantage les besoins des élèves pour y répondre. Ce type de dispositif n’existe donc que depuis une quinzaine d’années, c’est à la fois très long et très court quand on expérimente un nouveau dispositif. Les réajustements nécessaires sont forcément encore nombreux, d’autant qu’à cette époque on ne parle pas encore d’inclusion mais seulement d’intégration.              

 En effet, c’est la loi 2013-595 « d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République » datant du 8 juillet 2013 qui introduit le terme d’école inclusive. Selon le ministère de l’éducation nationale, « l’école inclusive vise à assurer une scolarisation de qualité pour tous les élèves de la maternelle au lycée par la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs particuliers ». Il s’agit donc d’une école accueillant l’ensemble des élèves, qu’importent leurs différences, et les accompagnant en s’adaptant à leurs particularités et besoins spécifiques et en y répondant. Il s’agit de développer le travail d’équipe des différents acteurs entourant les enfants à besoins particuliers pour qu’ils soient accompagnés efficacement tout au long de leur scolarité. Le travail d’équipe est donc considérablement mis en avant pour assurer une inclusion efficace. C’est ce même travail d’équipe qui a posé problème dans certaines de nos situations vécues.

Les CLIS sont donc nommées ULIS à partir de 2015. Ce nouveau dispositif de prise en charge des élèves à besoins particuliers leur permet d’avoir un accompagnement et une adaptation pédagogiques mais aussi d’être intégrés dans une classe « classique » et de s’inclure dans un groupe en tant qu’être singulier et à part entière, se définissant par ses différences mais aussi par ses ressemblances.

Nous allons nous concentrer sur ce dispositif et présenter les textes légaux en vigueur.

Le dispositif ULIS fait partie des dispositifs clés de l’école inclusive, c’est à dire une école qui inclut tous les élèves, quelles que soient leurs différences ou besoins particuliers, une école qui s’adapte. Cette notion d’inclusion a remplacé la notion d’intégration. En effet, auparavant c’était à l’élève de s’adapter à l’école. Sur le papier, il ne s’agit que de changer d’appellation en passant d’« intégration » à « inclusion », mais dans la réalité c’est un changement total du regard que doivent avoir les enseignants sur leurs méthodes et sur leurs façons de  travailler avec ces élèves. Comme tous changements même positifs, cela peut être difficile à mettre en place dans la réalité.

Pour bien comprendre en quoi le dispositif ULIS est pertinent, il faut prendre conscience qu’il découle du mouvement instauré par la loi de 2005 sur le handicap qui redéfinit la notion de handicap : « constitue handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société, en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques ». Cette loi permet une égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Elle permet notamment le droit à la compensation, l’école inclusive, l’accessibilité à l’emploi, l’accessibilité des bâtiments, la création des Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH). Au-delà de l’école, c’est la société toute entière qui redéfinie clairement la notion de handicap et met en avant la notion de compensation. Le dispositif ULIS est en parfaite adéquation avec cette loi car il ne vise pas qu’à inclure l’élève à besoin particulier dans un environnement normal mais également à inclure le reste de la société dans cette démarche : les autres élèves, futurs citoyens, ainsi que tous les acteurs éducatifs.

C’est lorsque l’on s’intéresse plus précisément aux conditions d’acceptation des élèves dans ce dispositif que l’on se rend compte de sa complexité. En effet, depuis la circulaire n°2015-129 du 21-08-2015, les élèves qui bénéficient du dispositif ULIS sont déterminés par les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), au sein des MDPH, qui ont pour mission de définir le parcours de formation de l’élève dans le cadre de son projet de vie. La CDAPH se prononce sur les mesures propres à assurer la formation de l’élève en situation de handicap, aux vues de son projet personnalisé de scolarisation (PPS). Elle peut notamment orienter un élève vers une Ulis qui offre aux élèves la possibilité de poursuivre en inclusion des apprentissages adaptés à leurs potentialités et à leurs besoins et d’acquérir des compétences sociales et scolaires, même lorsque leurs acquis sont très réduits. Ces conditions sous entendent donc une grande pluralité des profils d’élèves inclus au sein des ULIS et demandent donc une adaptation accrue des acteurs éducatifs concernant les choix pédagogiques et didactiques à mener avec ces élèves, tout en gardant à l’esprit pour l’enseignant de la classe de rattachement que l’objectif reste l’inclusion de l’élève dans une classe « normale » pendant les séances ou l’élève s’y trouve.

L’énoncé de nos situations de référence nous mène à nous interroger enfin sur le rôle précis du coordonnateur ULIS au sein des écoles. Depuis cette même circulaire, le rôle et la place du coordonnateur de l’Ulis sont redéfinis : il est un spécialiste de l’enseignement auprès d’élèves en situation de handicap, donc de l’adaptation des situations d’apprentissage aux situations de handicap. Son expertise lui permet d’analyser l’impact que la situation de handicap sur les processus d’apprentissage déployés par les élèves. Tous les élèves de l’Ulis reçoivent un enseignement adapté de la part du coordonnateur, pas nécessairement au même moment, que cet enseignement ait lieu en situation de regroupement ou dans la classe de référence.

En outre, le coordonnateur organise le travail des élèves en situation de handicap dont il a la responsabilité en fonction des indications portées par les PPS et en lien avec l’équipe de suivi de la scolarisation (ESS). Enfin, s’il n’a pas prioritairement vocation à apporter un soutien professionnel aux enseignants non spécialisés, il est cependant, dans l’établissement, une personne ressource indispensable, en particulier pour les enseignants des classes où sont scolarisés les élèves bénéficiant de l’Ulis, afin de les aider à mettre en place les aménagements et adaptations nécessaires.

Ce rôle de coordonnateur est donc complexe surtout quand celui-ci est expérimenté, ce qui est le cas dans l’une des deux situations que nous avons exposées. En effet, certains coordonnateurs se retrouvent à devoir soutenir des enseignants non spécialisés alors qu’ils ne le sont pas eux-mêmes. De plus, la tâche reste difficile même pour un enseignant expérimenté, en effet s’il y a 12 élèves à profils ULIS, cela signifie donc qu’il y a 12 PPS à respecter dans une même classe. Parfois plusieurs élèves sont rattachés dans la même classe d’inclusion ce qui signifie plusieurs PPS à prendre en compte pour l’enseignant non spécialisé. Enfin, si les 12 élèves sont rattachés à plusieurs classes d’inclusion, ce qui est toujours le cas, cela signifie que le coordonnateur doit être la personne ressource de plusieurs enseignants différents ce qui augmente la complexité, que ce soit en termes de communication, de progressions communes, etc. Cela nous prouve à quel point cette tâche peut être difficile voire impossible si elle n’est pas correctement organisée et si le travail en équipe n’est pas assez présent. C’est pourquoi, le projet d’école ou d’établissement doit prendre en compte et favorise le fonctionnement inclusif de l’Ulis. Le coordonnateur élabore le projet pédagogique de l’Ulis en formalisant les actions concrètes et les adaptations des contenus d’apprentissage qu’il souhaite mettre en place. Ce sont certaines de ces actions qui nous ont prouvées leurs limites lors de notre première expérience et que nous avons relatées lors de l’énonce de nos situations.

4. Ce qu’en disent des collègues

En premier lieu, sur l’école A, du point de vue des enseignants non spécialisés, ils ont d’abord pensé que le problème venait exclusivement du fonctionnement ULIS et qu’ils devaient s’adapter à la situation. C’est à dire qu’une fois que l’emploi du temps a été fixé pour l’année, chacun devait s’y habituer et jongler avec son organisation afin de permettre aux élèves du dispositif de naviguer entre classe de référence et classe ULIS.

Ensuite, face au constat des difficultés liés aux emplois du temps, certains enseignants ont reproché à l’enseignante ULIS de ne pas tenir compte des emplois du temps de chaque classe mais surtout de ne pas les informer de la progression réalisée dans cette classe. De ce fait, les professeurs ne savaient pas comment adapter leurs enseignements aux enfant scolarisés en classe ULIS ; quand ils devaient être dans la classe de référence ou non ; et comment faire pour les faire travailler de manière plus adaptée à leurs besoins.

Les réponses apportées par l’enseignante ULIS sont très vagues car les temps apportés aux discussions n’étaient pas correctement cadrés et définis. De plus, le sujet a été abordé de nombreuses fois en salle des maîtres, car les enseignants se trouvent dans une confusion qui engendre soit des tensions soit un détachement de certains enseignants qui lâchent prise et qui de fait s’investissent moins pour ces élèves.

Face à cette confusion, un emploi du temps a été donné à chaque enseignant afin de cadrer les horaires des élèves relevant du dispositif ULIS, les enseignants ne savent pas ce que les élèves travaillent en classe ULIS et donc ce qu’ils doivent enseigner aux élèves quand ils sont en inclusion.

De plus, malgré la mise en place de ces emplois du temps, il apparaît très difficile pour les enseignants de les respecter à la lettre et donc de passer à une séance adaptée lors de l’arrivée des élèves ULIS dans la classe.

Que pourraient dire des enseignants issus d’autres établissements sur la situation ? Est-ce que cela concerne tous les établissements ? Les enjeux sont-ils identiques ? Que diraient des enseignants de classe ULIS ?

Par ailleurs, est-ce que les enseignants des classes de référence ne pourraient pas anticiper, avec l’enseignante spécialisée, ces arrivées plus tardives que prévues dans l’emploi du temps, pour ajuster leur différenciation ? Si oui comment ? Dans quel sens ? Dans l’école B, même s’il n’existe pas cette fois-ci de tension dans l’équipe entre la coordonnatrice et les enseignants non spécialisés, la question de l’emploi du temps partagé reste tout aussi problématique que dans l’école A, pour les mêmes raisons. Il reste difficile d’organiser et de tenir ces emplois du temps mixtes. D’ailleurs, la coordonnatrice exprimera elle aussi ses difficultés liées aux plannings. En effet, ayant 13 élèves relevant du dispositif Ulis, elle a 13 emplois du temps à gérer et à mettre en place, tout en tenant compte des 10 emplois du temps des 10 classes d’inclusion, organisés par les 10 enseignants sans spécialité. Elle précisera aussi que ce fonctionnement fait que dans sa classe, toute la journée, les élèves se succèdent. C’est un flot d’allers-retours de plus en plus difficile à gérer au quotidien pour elle. Les directives, qu’elle souhaite appliquer, sont d’inclure au maximum les élèves du dispositif dans leurs classes de référence, c’est pourquoi depuis qu’elle enseigne dans le spécialisé (8 ans), les élèves sont passés de 75% de leur temps scolaire au sein de la classe Ulis à 40%. Ce changement, plutôt positif sur le papier pour l’inclusion, entraine cependant des aspects plus négatifs comme nous l’avons déjà vu. On notera aussi que ces allers retours permanents des élèves, prennent du temps sur les moments d’apprentissage et que ces mouvements d’élèves accentuent cette impression pour les enseignants des classes de référence d’avoir des élèves sans vraiment qu’ils soient là. L’enseignante spécialisée précisera aussi que ce fonctionnement l’empêche de répondre à une de ses missions, qui lui tient pourtant à cœur, celle de la co-intervention dans les classes d’inclusion. Elle ajoutera qu’elle pouvait en faire encore un peu il y a quelques années mais que cela n’est plus possible aujourd’hui car elle a toujours des élèves dans sa classe. Elle regrettera également de ne proposer aux élèves du dispositif que des adaptations, remédiations en Mathématiques et Français. Elle soulignera également que les profils des élèves a beaucoup changé depuis le début de son exercice dans l’enseignement spécialisé.


5. Les ressources universitaires

La loi de 2005 est la preuve d’une évolution des mentalités. L’inclusion représente une avancée considérable pour les enfants en situation de handicap. En effet, elle leur permet d’être inclus à un groupe-classe et de suivre une scolarité avec les autres enfants de leur âge. Cependant, dans la pratique, cela apparait être bien plus compliqué.

Pour Adeline Michel et Fabienne Ramond, Adeline Michel et Fabienne Ramond, Enseigner en ULIS-école. Les clés de l’école inclusive, Paris, Eyrolles, 2020. enseignantes spécialisées, la clef de l’inclusion repose sur le projet personnalisé de scolarisation. Tout repose sur cette personnalisation afin d’adapter l’emploi du temps de l’élève à ses besoins. Une communication positive autour de la classe ULIS par l’enseignant coordonnateur permet à l’enseignant de la classe de référence de se sentir plus impliqué et que l’inclusion ne soit pas considérée comme imposée, forcée. Car bien souvent c’est la méconnaissance des troubles du handicap de l’enfant qui crée cette réticence.

La plupart des enseignants sont favorables à l’inclusion, ils souhaitent aider ces élèves en situation de handicap et sont très impliqués mais se sentent souvent démunis et dépassés par la situation et par l’hétérogénéité de la classe induite par l’inclusion d’enfants « différents », d’une part parce qu’ils ne sont pas formés à accueillir ces enfants « différents », d’autre part par manque de temps à leur consacrer. Les enseignants se retrouvent frustrés de ne pas pouvoir accompagner leurs élèves en situation de handicap comme ils le souhaiteraient, ce qui peut provoquer une souffrance chez eux. Comme l’explique Nicole Galasso-Chaudet et Bertrand Bergier 2Nicole Galasso-Chaudet et Bertrand Bergier, « La prise en compte des élèves à « besoins éducatifs particuliers » au prisme des récits de pratiques enseignantes : les logiques en jeu en contexte d’école inclusive », Recherches en éducation [En ligne], 24 | 2016, mis en ligne le 01 janvier 2016, consulté le 16 juin 2021. cette souffrance des enseignants pourrait se faire ressentir par les élèves et risquerait d’« induire de la souffrance pour l’enfant à inclure ». Ainsi, d’après eux, « l’inclusion s’apparenterait pour certains des élèves porteurs de handicap (spécifiques, retards mentaux, troubles aigus du comportement) à un forçage, les obligeant aussi à se comparer à l’aulne d’une normalité pourtant inaccessible, les amenant à se référer constamment à leur irréductible différence, tandis que le discours social, dans un déni de réalité, prétendrait le contraire ». Il reste donc encore beaucoup à faire pour améliorer la situation et la scolarisation des enfants en situation de handicap.

Lorsque les années d’école élémentaires sont terminées pour l’élève plusieurs options sont possibles : l’élève peut soit poursuivre sa scolarité au sein d’une classe ULIS en collège, en classe avec les autres collégiens avec des aménagements spécifiques selon le PPS. Ils peuvent être dirigés vers l’enseignement général et professionnel adapté via une section d’enseignement général et professionnel adapté (segpa) ou en Erea (établissement régional d’enseignement adapté), si l’élève présente des difficultés scolaires importantes et persistantes auxquelles les actions, d’aide et de soutien n’ont pu remédier. S’il a besoin d’un accompagnement nécessitant une prise en charge médicale renforcée il sera orienté vers un établissement médico-social adapté à son handicap.

6. Pistes de résolution de la situation

Comme nous l’avons vu dans les témoignages des acteurs éducatifs et dans l’analyse du cas pratique, trois obstacles font principalement barrage à l’inclusion des élèves relevant du dispositif ULIS.

Nous le rappelons, le premier obstacle concerne la mise en œuvre d’un emploi du temps adapté pour les élèves du dispositif, qui puisse réellement cohabiter au sein de deux classes, deux fonctionnements et deux enseignants distincts, sans nuire à la flexibilité nécessaire au bon fonctionnement d’une classe. Le second, concerne la continuité des apprentissages, leurs suivis et les adaptations mis en place pour ces élèves, au sein de leur classe de référence. Enfin, le dernier point questionne ni plus ni moins la réelle inclusion de l’élève aux besoins éducatifs particuliers au sein de sa classe de référence et dans son établissement scolaire, avec le dispositif ULIS.

S’il nous apparait que l’inclusion de chaque élève, quelques soient ses difficultés, n’est pas négociable, nous constatons cependant, dans notre quotidien d’enseignants, qu’elle reste compliquée à mettre en œuvre. Et c’est parce que nous souhaitons qu’elle reste une priorité pour l’école, que nous pensons qu’elle est encore perfectible.
Rappelons qu’au départ, avant la loi de 2005, nous ne parlions pas encore d’inclusion mais d’intégration. D’énormes progrès d’ adaptation de l’école ont été effectués pour atteindre cet objectif. Cependant comme nous le rapportent les témoignages de certains enseignants confrontés au dispositif ULIS, l’organisation actuelle de celui-ci, comme détaillée précédemment, ne permet pas encore à tous les enseignants sans spécialité, une pleine implication dans le parcours de leurs élèves à besoins particuliers. Cela peut créer de la frustration chez l’élève et le corps enseignant qui vise une pleine inclusion pour chacun.

La première constatation est qu’effectivement d’une équipe à l’autre, d’un professionnel à l’autre, avec le fonctionnement du dispositif ULIS, il peut encore sembler que les apprentissages des élèves à besoins particuliers soient cloisonnés. L’enseignant coordonnateur serait référent des apprentissages en Français et en Mathématiques, alors que l’enseignant de la classe d’inclusion serait garant des autres matières d’enseignement sans pour autant pouvoir forcément harmoniser ses programmations/progressions entre les élèves du son cycle et ceux du dispositif Ulis. En effet, rappelons-le, les potentialités de chaque élève du dispositif Ulis varient, alors que chaque élève, quel qu’il soit, dépend des programmes dictés par Eduscol. Or, plus encore dans le cadre de l’inclusion d’un élève relevant du dispositif Ulis à besoins particuliers, il semble indispensable de travailler en équipe sur l’ensemble des progressions/programmations que l’équipe peut proposer dans le cadre d’un parcours d’élève. De ce fait, nous pensons que les équipes devraient se positionner comme garantes du parcours de l’élève relevant du dispositif Ulis, tout au long de son parcours dans le premier degré déjà, qu’il soit ou non dans sa classe de référence. Ceci permettrait à chaque professionnel de pouvoir garantir la continuité des apprentissages des élèves relevant du dispositif Ulis et de s’en emparer.

De plus, en réfléchissant au parcours de l’élève en équipe et avec les partenaires sociaux lorsqu’il y en a, on permettrait à chacun de s’impliquer dans le parcours de cet élève et d’en avoir une responsabilité exprimée, active et plus seulement partagée, et donc divisée. L’équipe réussit ou échoue avec l’élève, sur son parcours d’élève, sur son inclusion et ses apprentissages.

La première piste, pour aller dans ce sens, qui nous semblait donc intéressante d’exploiter, c’est l’organisation de réunions spécifiques, telles que sont organisées les Ess par exemple. Il s’agirait de mettre en place de vraies réunions de travail sur le temps scolaire (puisque l’inclusion est affaire de tous), afin de permettre aux équipes d’établir un livret de scolarité et de suivi du parcours de l’élève objectivé, pour chacun des élèves relevant du dispositif ULIS. Celui-ci se rapprocherait plus spécifiquement du livret des apprentissages mis en place pour le cycle 1 par exemple et s’éloignerait du LSU actuel proposé au cycle 2 et 3. Selon nous, le LSU ne permet pas de valoriser à sa juste valeur les progrès de l’élève qui relève du dispositif. En effet, évaluer les élèves du dispositif Ulis sur les mêmes objectifs de fin de cycle qu’un élève dit « ordinaire » est un non-sens et nie complétement l’élève dans ce qu’il est, sur son parcours, et sur ces potentialités. En tant qu’enseignants non spécialisés, nous ne voyons pas l’intérêt d’agrémenter leur LSU par des « non acquis » sur des compétences qui ne répondent pas aux besoins de ces élèves, sachant que ces non-acquisitions affectent certains profils d’élève. Je pourrais vous décrire le visage de la petite A à chaque évaluation rendue malgré tous les mots réconfortants que je peux lui adresser personnellement pour qu’elle ne s’arrête pas à ces 2 lettres cochées sur ses copies « NA ». On se demande aussi quel est le sens de notre mission sur le travail de l’estime de soi de nos élèves dans ces moments-là. Affubler les LSU de nos élèves avec des « non acquis » n’est pas une vocation personnelle par exemple.
Pour en revenir à ce nouveau livret que l’on imaginait, nous pensions qu’il comprendrait les aménagements spécifiques pensés par l’équipe mais établirait aussi les programmations et progressions de l’année (voir du cursus dans le 1er degré) pour l’élève et dans toutes les matières. Celui-ci serait modifiable, adaptable tout au long de l’année en fonction des progrès et des difficultés de l’élève et surtout, il serait un outil précieux pour chacun tout au long du parcours de l’élève. Le coordonnateur ULIS ne serait plus forcément en charge que du Français et des Mathématiques, et l’équipe ainsi que l’élève définiront les modalités d’accompagnement et d’apprentissage tout spécialement adaptées au profil de l’élève et à ses besoins dans tous les domaines.
Ce fonctionnement permettrait de réfléchir à un réel parcours pour l’élève à besoins particuliers, proposerait de réelles progressions tout en continuant à aménager les apprentissages en fonction des besoins et potentialités de l’enfant. Cela apporterait une réelle cohésion et une réelle inclusion de l’élève. De plus, ce livret de parcours permettrait de ne plus rompre dans les apprentissages de l’élève lorsqu’il change de classe, puisqu’il offrirait la continuité des apprentissages que l’enfant soit dans sa classe de référence ou dans la classe ULIS. Chaque enseignant y serait impliqué.  


D’autre part, une deuxième piste de réflexion a émergé concernant le temps de l’élève hors classe d’inclusion. Comme nous le disions précédemment, les allers retours permanents entre les deux classes se révélaient être un frein à une réelle inclusion puisque ceux-ci marquaient une différence entre les élèves du dispositif et leurs camarades de la classe de référence. Ils engendraient aussi d’autres problématiques comme déjà évoquées : l’impression que ces élèves soient partout et nulle part à la fois, moins d’expérience de vie avec leurs camarades, une classe Ulis plus adaptée aux besoins qui empêchent certains de se sentir vraiment concernés par ce qui se passe dans la classe de référence, un sentiment d’appartenance plus fort pour certains de ces élèves avec le groupe classe de l’Ulis plutôt qu’avec leurs camarade de la classe d’inclusion, du temps de déplacement qui empiète sur le temps d’apprentissage…     
C’est pourquoi, il nous a semblé également intéressant de réfléchir en équipe, en amont, à de nouveaux fonctionnements au sein même des écoles.  

En effet, nous observons de plus en plus d’écoles qui pratiquent le décloisonnement. Ce sont des temps définis dans l’emploi du temps des écoles, souvent en début d’après-midi, où les élèves ne sont plus forcément dans leur classe de référence avec leur enseignant. Ces enseignements s’adaptent aux besoins de tous les élèves, aux projets d’école également et permettent de mélanger les classes.
Ce temps particulier dans l’école permet lui aussi d’apporter une cohésion dans les apprentissages et dans les équipes pour tous les élèves.

Concernant les élèves du dispositif Ulis, nous avons trouvé deux pistes que nous estimons intéressantes.
La première piste serait que ce temps de décloisonnement soit un temps favorable pour que les élèves du dispositif ULIS aillent avec le coordonnateur ULIS pour des apprentissages spécifiques. Ils ne seraient plus les seuls à quitter leur classe de référence puisque tous les élèves seraient répartis différemment le temps du décloisonnement. La deuxième piste serait que sur ce temps de décloisonnement, tous les élèves de l’école, y compris ceux du dispositif Ulis, puissent participer en groupe de besoin à des ateliers différenciés proposés par le corps enseignant. Ces ateliers seraient pensés en équipe, modifiés en fonction des besoins à chaque période ou selon les décisions d’équipe. Quoi qu’il en soit, ces deux pistes permettent, selon nous, de ne plus stigmatiser les élèves du dispositif ULIS, puisqu’à ce moment de la journée tous les élèves sont répartis différemment. Cette nouvelle organisation nous semble bénéfique pour l’ensemble du corps enseignant et tous les élèves, peu importe leur profil. Dans une organisation semblable nous pensons alors que l’équipe éducative travaille vraiment autour d’une inclusion plutôt qu’une amélioration de l’intégration pour ces élèves.  
Enfin, la dernière piste explorée serait moins ambitieuse mais permettrait tout de même de lever certains freins. Elle pourrait servir de transition, et permettrait d’amener petit à petit certaines équipes à revoir leur fonctionnement, sans pour autant heurter la sensibilité de certains professionnels en souffrance et où la question de l’inclusion des élèves du dispositif Ulis crée des tensions comme nous l’avons vu avec l’école A.

Cette dernière piste consisterait à travailler sur des outils de travail communs entre le coordonnateur Ulis et les enseignants des classes d’inclusion. Il s’agirait donc de permettre une collaboration entre les deux professionnels qui travailleraient avec l’élève sur des outils, des objectifs, des programmations et des progressions dans tous les domaines en commun. Ces outils pourraient être améliorés, modifiés tout au long de l’année, par période (ou non) en fonction de l’élève et de ses besoins. L’enfant aurait la contrainte de transporter son ou ses cahiers à chaque changement de classe mais cela permettrait aux deux enseignants, à la fois de se passer le relais/les informations sereinement, et de ne pas rompre dans les apprentissages de l’élève. Ainsi, la discontinuité des apprentissages que nous observons au quotidien dans nos classes serait levée, même si l’élève arrive en cours de leçon. En effet, si l’élève arrive en cours de leçon, le coordonnateur ou l’enseignant de la classe de référence a les moyens et les outils pour reprendre avec l’élève ce qu’il a fait dans l’autre classe et poursuivre là où il se serait arrêté. Chacun serait impliqué dans le travail de l’élève et on aurait une « co-intervention » interposée permanente entre les deux collègues. Il pourrait y avoir aussi un cahier de liaison, comme cela peut se faire entre deux enseignants qui se partagent une même classe à mi-temps, afin de faciliter la communication et la rapidité de l’accès à l’information dans ce parcours d’élève.
Cette piste de réflexion améliore la gestion des doubles plannings, elle améliore aussi le travail avec le coordonnateur mais elle ne permet pas d’améliorer la question de l’inclusion des élèves relevant du dispositif Ulis.

7. Prendre parti

L’inclusion des élèves en situation de handicap est un sujet au cœur des problématiques éducatives depuis de nombreuses années. Tout au long de son histoire, les élèves en situation de handicap ont été mis à l’écart. Les pédagogues, sociologues et politiques ont alors décidé de les intégrer au sein d’écoles non spécialisées. Mais ce dispositif manquait de profondeur et d’efficacité. Des dispositifs pour rendre l’école inclusive sont donc créés comme celui de l’ULIS.

Ces dernières sont une avancée majeure dans l’éducation de nos enfants, cependant elles comprennent des limites qui impactent particulièrement les élèves pris en charge par le dispositif ULIS, mais aussi les autres élèves ainsi que le corps enseignant, ce pour des raisons organisationnelles mais aussi éducatives.

Malgré des lois et textes institutionnels instaurés ainsi que des témoignages et textes scientifiques et pédagogiques diffusés auprès des acteurs éducatifs, les difficultés rencontrées au quotidien sont toujours présentes.

Pour essayer de palier à ces obstacles quotidiens, nous les avons analysés et avons tenté de trouver des solutions.

Tout d’abord, le premier obstacle rencontré est organisationnel : il y a un manque de communication entre les différents acteurs éducatifs intervenant auprès des élèves à besoins spécifiques. Cela impacte les apprentissages de l’ensemble des élèves puisque les emplois du temps ne sont pas respectés et les apprentissages perturbés.

Le second obstacle est le manque de suivi des élèves sur une année mais aussi sur l’ensemble de la scolarité de l’élève, qui est en lien avec la carence concernant la communication entre pairs.

Le dernier obstacle évoqué concerne les outils utilisés, qui ne sont parfois pas adaptés aux besoins de chacun.

Pour cela nous pensons qu’il serait nécessaire de mettre en place un protocole particulier à suivre mais qui reste à vérifier.

 Dans un premier temps, il est primordial que l’équipe retrouve une communication explicite nécessaire au bon fonctionnement de l’équipe éducative dans son travail préparatoire et en classe mais surtout dans l’accompagnement des élèves à besoins particuliers. La communication est la source, la base de notre métier. Si nous arrivons à rétablir un dialogue entre tous les acteurs éducatifs (ainsi qu’avec les acteurs extérieurs à l’école : différents acteurs médico-éducatifs, familles…), nous pourrons alors instaurer un véritable suivi de chaque élève prenant en compte ses progrès et ses besoins. Pour accompagner ce retour aux échanges, il est nécessaire aussi de créer un livret personnel relatant les progrès de chacun afin de favoriser le bien-être et l’épanouissement des élèves du dispositif ULIS pour qui l’évaluation classique n’est pas bénéfique car non cohérente avec leurs besoins.

Dans un second temps, le réaménagement des emplois du temps, notamment par le biais de temps d’ateliers plus nombreux en dispositif ULIS et sous forme de groupes de niveaux mais aussi le décloisonnement permettrait d’avoir un emploi du temps fixe, ne laissant pas la possibilité de le modifier. Cela permettrait aussi à l’ensemble des élèves, et plus particulièrement aux élèves à besoins particuliers, de s’inclure dans l’ensemble du groupe classe et des classes en général. Les compétences seraient travaillées par les différents enseignants de manière adaptée pour chacun.

Enfin, les outils doivent être choisis méticuleusement afin que les élèves puissent progresser. Il est donc nécessaire de réadapter les outils en fonction de chacun afin de leur permettre d’accéder aux apprentissages avec davantage d’aisance.

Les élèves à besoins particuliers ne sont donc pas oubliés. Mais des aménagements des dispositifs mis en place sont nécessaires afin d’expliciter les apprentissages et de rendre ses derniers plus accessibles et donc le dispositif inclusif plus efficaces. L’ensemble des acteurs éducatifs continuent de chercher et de tester différentes techniques sur le terrain afin de trouver la méthode la plus adaptée pour leurs élèves. Cependant, comment rendre un dispositif, une méthode adaptée à tous alors que chaque élève est un être singulier nécessitant des besoins particuliers ?

  • 1
    https://www.education.gouv.fr/la-scolarisation-des-eleves-en-situation-de-handicap-1022,
  • 2
    Nicole Galasso-Chaudet et Bertrand Bergier, « La prise en compte des élèves à « besoins éducatifs particuliers » au prisme des récits de pratiques enseignantes : les logiques en jeu en contexte d’école inclusive », Recherches en éducation [En ligne], 24 | 2016, mis en ligne le 01 janvier 2016, consulté le 16 juin 2021.
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