Les difficultés scolaires d’un enfant placé

Résumé

Le récit et l’analyse de cette situation ont été produits par un groupe de 3 professeur.e.s-stagiaires en 2018-2019. Ils/elles ont été accompagné.e.s par une formatrice et un formateur durant 3 séances de 2h durant lesquelles ils ont pu bénéficier de leurs remarques, questionnements et conseils. La production qui suit est une première version c’est à dire que les stagiaires n’ont pas pris en compte certaines remarques formulées par la formatrice ou le formateur.

1. La situation

Contexte

Nous avons choisi de travailler sur une situation survenue dans une classe de CE1, de 28 élèves, composée de 15 filles et de 13 garçons en période 1. Elle est composée désormais de 27 élèves en période 2. La classe se trouve dans une école élémentaire de la région parisienne, accueillant 17 classes et comportant environ 450 élèves. L’école se situe au coeur d’un quartier récent composé de catégories sociales mixtes, parfaitement représentées dans les différentes salles de classes. Il s’agit d’une école accueillante dans laquelle l’équipe éducative est très impliquée. L’équipe des professeurs y est très importante. Il y a par exemple 3 autres classes de CE1, dont une étant un double niveau CP-CE1.

L’ambiance y est semble-t-il idéale en tant que débutant. En effet, des conseils pratiques sont très facilement transmis par la plupart du corps enseignant et tout le monde semble prêt à collaborer et à mettre en place des projets. Cette bienveillance semble de façon globale se transmettre aux élèves, notamment dans la récréation. Même si les incidents ponctuels (violences, accidents et moqueries) ne sont évidemment pas à exclure, ils ne semblent pas assez récurrents à l’échelle de l’école pour les considérer comme problématiques vis-à-vis de son climat

La situation

Le dernier vendredi d’avant les vacances d’automne, le PES propose une séquence d’EPS sur des jeux collectifs : L’horloge et l’épervier-déménageur. La séance se passe à l’extérieur, dans un city- stade en libre-service à l’école. Cette séance, d’une heure, se fait juste avant la récréation. Les élèves sont globalement plus agités que les autres jours, certainement dû à l’approche des vacances. Le PES a beaucoup de difficultés à les cadrer du fait d’une voix fortement fragilisée. À la fin de la séance, comme prévu, il les regroupe pour les faire réfléchir sur les compétences travaillées. Plusieurs élèves dont un, Max, continuent à parler mais le PES les reprend. Ces mêmes élèves n’ont pas respecté les consignes pendant les activités. Ils décident ensuite de se lever et d’aller jouer avec le ballon posé à côté du groupe, sans en avoir eu l’autorisation pendant le temps collectif. Le PES les reprend quasi-immédiatement et seul Max ne s’exécute pas. Il se met en position de refus de l’autorité, il se bloque, garde le ballon et commence à s’énerver. La sonnerie retentit et le PES demande aux deux responsables du matériel sportif de rassembler les balles et notamment le ballon, que Max ne veut pas redonner.

Pendant ce temps le PES s’occupe de finir de ramasser une partie du matériel rassemblé, et le conflit monte entre Max et Camille, une des responsables du matériel. Le PES veut intervenir mais Max, énervé, parvient entre-temps à frapper Camille à la poitrine et tente de s’enfuir en récréation. Le PES décide alors de faire sortir le reste de la classe et de s’occuper du conflit. Pour cela il essaye de retenir Max pour tenter de lui parler de ce qui vient de se passer. Camille pleure de douleur pendant que je tente de retenir Max, survolté, pour tenter de lui parler de ce qui vient de se passer. Cet excès de violence, en plus de celui décrit ici, s’est déjà reproduit au moins trois fois en dehors du contexte de la classe. En récréation ou dans le couloir, Max a déjà blessé ou heurté des élèves en leur faisant des « prises de judo ». La première réponse violente de Max s’est produite dès le premier mois de pratique.

Situation familiale de Max

Max est un enfant de 7 ans, redoublant (deuxième année de ce1) et qui est en grande difficulté familiale. En effet, Il est placé dans une famille d’accueil, sa mère biologique n’ayant pas le droit de garde. Des visites encadrées sont cependant organisées pendant lesquelles il a l’occasion de revoir sa mère. Cependant, il est arrivé régulièrement qu’elle ne se présente pas aux rendez-vous pour des raisons inconnues. Au 18 décembre 2018, il n’aura pas vu sa mère depuis le mois de juin.

La mère d’accueil est atteinte de surdité (mais lisant sur les lèvres) et a une fille biologique handicapée. Il est possible que du point de vue de Max, ces détails lui soulignent encore plus la particularité de son contexte familial par rapport aux familles de ses camarades. Cependant, cette mère d’accueil, met tout en place pour l’aider du mieux qu’elle peut. Max ne semble pas se sentir mal dans cette famille et avoir une bonne relation avec sa mère d’accueil. Néanmoins, son comportement est globalement difficilement prévisible. En plus d’être l’un des meneurs dans les moqueries et le non-respect des règles de classe, il est souvent responsable de comportements violents dans les couloirs, dans les autres classes (prises de judos sur des camarades de CP) ou encore dans la cour de récréation. Ces crises sont à chaque fois déclenchées par un propos où comportement d’un autre camarade qu’il considère blessant.

Une fois en classe, il a souvent des difficultés à entrer dans les apprentissages et a des problèmes de concentration. Il a parfois des crises de comportements, bien qu’elles ne soient pas tout le temps explosives. Pendant celles-ci, il est extrêmement susceptible et un gros effort doit être fait pour le mettre au travail. Elles pourraient être liées, sans que cela soit tout le temps évident, aux rencontres prévues avec sa mère biologique. Le PES a observé ces comportements chez Max lorsqu’elles sont imminentes mais que la mère ne s’est pas présentée ou que la rencontre s’est mal passée.

2. Les questions que pose la situation 

Les questions que se pose le PES

Cette situation est difficile dans le sens où nous ne pouvons, en tant que PES, que nous placer dans la résolution des conséquences que joue le contexte familial de Max sur sa vie scolaire et celles de ces pairs. L’une des plus graves conséquences est la sensibilité ou susceptibilité que cette situation engendre sur lui. Quelques éléments déclencheurs, tels qu’une simple remarque d’un camarade ou du PES, sont à l’origine de la violence envers ses pairs et des blocages qu’il peut avoir au niveau des apprentissages. Dans ce dernier cas, il est difficile de se concentrer sur l’avancement de la classe en son ensemble plutôt que de le motiver de manière individuelle. Ainsi, nous nous interrogeons sur les résolutions à donner quant à ses actions en classe. Lui faudrait- il des aménagements individuels plus conséquents, comme la présence d’un auxiliaire de vie scolaire pour une motivation constante pendant les moments d’apprentissage? Du fait de son contexte familial difficile, peut-être n’a-t-il pas assez d’attention et qu’un besoin d’écoute n’est pas assez comblé. Il est possible également qu’il ne sente pas en sécurité et que l’école ne soit pas encore parvenue à lui redonner ce sentiment. Ainsi n’aurait-il pas confiance en l’école ? Douterait-il de sa légitimité même à y être en se comparant aux autres enfants aux familles biparentales ?

En se concentrant uniquement sur l’amélioration directe de son bien-être et de son apaisement en classe, nous nous demandons quel en sera l’effet sur son comportement et son influence sur celui de la classe. Que peut-on alors mettre en place, jusqu’à aller puiser dans les méthodes “pratico-pratiques”, pour augmenter son bien-être et son sentiment de sécurité?

Les enjeux

Il y a d’une part les enjeux individuels, liés à Max, d’autre part les enjeux collectifs liés à la classe et enfin les enjeux généraux.

  • Les enjeux individuels

Nous pensons qu’une réflexion et des discussions avec d’autres acteurs indépendants de l’environnement de Max pourront l’aider à améliorer son bien-être à l’école. Les idées que nous trouvons, les situations résolues dont nous pouvons nous inspirer, pourraient faire de la classe ou même de l’école a fortiori un endroit stable et accueillant pour Max. Ce serait un moyen pour lui de s’apaiser, ce qui serait bénéfique pour son développement. C’est aussi comme cela qu’il réussirait à rentrer dans les apprentissages, se mettre en situation de réussite et de retrouver la confiance en soi. Cela peut sembler utopiste, et ça ne se fera certainement pas en une seule année, mais une bonne estime de soi et de ses capacités est un premier pas vers une résilience, qui est tout ce que l’on peut souhaiter pour le futur d’un enfant vivant dans un tel contexte familial.

  • Les enjeux collectifs

Les quelques comportements violents qu’il peut avoir envers les autres élèves, certes ponctuels, réduisent la sécurité de chacun d’entre eux dans l’enceinte de l’école ainsi que dans la classe. L’enjeu prioritaire serait donc de rétablir une sécurité maximale pour la classe vis-à-vis des excès de violence de Max. En effet, dans la classe, l’ensemble des élèves a le droit à la sécurité. Tous les élèves ont également le droit aux apprentissages. Lorsqu’il n’a pas envie de se mettre en activité, les comportements très passifs de Max mobilisent le PES et emmènent parfois d’autres élèves à le suivre. Résoudre cette situation autant que possible mettrait le plus possible d’élèves de la classe en apprentissage sans éléments perturbateurs des activités.

  • Les enjeux généraux

En France, en 2010, seuls deux enfants sur trois déclarent aimer l’école11Sarah Saurenon, « Favoriser le bien-être des élèves, condition de la réussite éducative », La note d’analyse, n°313, janvier 2013, 12 p. Disponible en ligne : http://archives.strategie.gouv.fr/cas/system/files/2013-01-10- bienetredeseleves-na313- ok.pdf. Consulté le 17/12/2018. Plusieurs études montrent que le bien-être de l’enfant est fortement corrélé à ses capacités d’apprentissages ainsi qu’au développement de ses compétences sociales, part essentielle de la vie citoyenne. Or, en 1989 une loi est votée en France pour placer l’enfant au centre du système éducatif ; « l’éducation doit permettre à chacun de développer sa personnalité, de s’insérer dans la vie scolaire, d’exercer sa citoyenneté ». Il est donc important de mobiliser tous acteurs autour de cette problématique. On définit le bien-être des élèves comme leur appréciation subjective de l’expérience de l’école. D’après la « Health Behaviour in School-aged Children » (HBSC), une enquête internationale portant sur des enfants entre 11 et 15 ans de plus de quarante pays, 45% des élèves ne jugent pas leur camarades gentils et coopératifs, et 12% d’entre eux déclarent avoir été agressés à au moins 2 reprises de manière physique ou verbale. Il est possible d’agir sur ces deux paramètres en encourageant la pédagogie par projet, où chaque élève contribue à la réussite selon ses capacités et en luttant contre les violences à l’école.

3. Dimension réglementaire

Cette situation fait écho à plusieurs textes réglementaires concernant non seulement le rôle de l’institution, du PE ou de l’élève face à la violence scolaire.

Le rôle de l’institution et de l’École

L’institution scolaire assume la responsabilité des élèves qui lui sont confiés. Elle doit veiller à ce que les élèves ne soient pas exposés à subir des dommages et n’en causent pas à autrui. Ainsi, la surveillance et la sécurité des élèves doivent être assurés pendant la totalité du temps scolaire, c’està- dire pendant toute la durée au cours de laquelle l’élève est confié à l’établissement (temps de classe, cour, entrées/sorties, activités sportives etc.)22MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Surveillance et sécurité des élèves dans les écoles maternelles et élémentaires publiques : Circulaire no 97-178 du 18 septembre 1997 [en ligne]. Disponible sur : http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2009/04/cir_1508.pdf. Consulté le 17/12/2018 La circulaire n. 2006-125 du 16-8-200633MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Prévention et lutte contre la violence en milieu scolaire : circulaire N°2006-125 du 16-8-2006 [en ligne]. Disponible sur : http://www.education.gouv.fr/bo/2006/31/MENE0601694C.htm. Consulté le 17/12/2018 indique que la lutte contre la violence scolaire est désormais une priorité de l’État, compte tenu de l’accroissement des faits des violences relevés dans les établissements scolaires. Parmi les actions à mener, le texte incite à s’appuyer sur le règlement intérieur de l’établissement qui doit être un « véritable outil de référence pour l’action éducative ». En préambule du règlement de l’école est indiqué « En aucune circonstance, l’usage de la violence physique comme verbale ne saurait être toléré ». Il rappelle que « chaque élève a obligation de n’user d’aucune violence et de respecter les règles de comportement et de civilité à savoir qu’il est strictement interdit à un élève de frapper ou d’insulter un camarade »44Règlement intérieur 2018/2019. Document communiqué par l’école. Des sanctions graduées sont prévues pour tout manquement au règlement.

Le rôle de l’enseignant

Le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation est paru au journal officiel du 18 juillet 2013. Ce texte précise les connaissances et compétences nécessaires au PE dont certains points méritent d’être soulignés au regard de la situation présentée :

  • « prendre en compte la diversité des élèves »;
  • « accompagner les élèves dans leur parcours de formation »;
  • « agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques » et “Contribuer à assurer le bien-être, la sécurité et la sûreté des élèves, à prévenir et à gérer les violences scolaires, à identifier toute forme d’exclusion ou de discrimination ainsi que tout signe pouvant traduire des situations de grande difficulté sociale ou de maltraitance ».

Ainsi, le PE doit-il non seulement prendre en compte la diversité de cet élève et l’accompagner au mieux dans son parcours de formation mais doit également assurer la sécurité et le bien-être de tous les élèves et donc agir contre les excès de violence dont Max fait preuve. Le ministère de l’éducation nationale a publié et mis en ligne un ensemble de guides et de ressources destinés à accompagner les équipes éducatives dans la gestion et le dépistage de la violence en milieu scolaire, et notamment pour y réagir55MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Réagir face aux violences scolaires : guide pratique [en ligne]. Disponible sur :http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Action_sanitaire_et_sociale/27/9/guide_reagir_115279.pdf. Consulté le 17/12/2018 Le guide indique que l’enseignant doit :

  • intervenir en toute circonstance ;
  • rassurer l’élève victime et lui apporter un soutien ;
  • alerter le chef d’établissement ;
  • éloigner de sa classe l’élève auteur de l’agression s’il existe un risque immédiat de renouvellement des menaces ou de passage à l’acte ;
  • lui faire prendre conscience de la gravité de son acte, lui rappeler la loi et les suites éventuelles.

Le rôle de l’élève

Outre le règlement intérieur de l’école que l’élève s’engage à respecter, l’élève doit acquérir un ensemble de compétences qui doit lui permettre de construire un avenir personnel et professionnel et se préparer à l’exercice de la citoyenneté.

Publié au B.O. EN du 23 avril 2015, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture66MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Décret n° 2015-372 du 31 mars 2015 relatif au socle commun de connaissances, de compétences et de culture [en ligne]. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2015/3/31/MENE1506516D/jo. Consulté le 17/12/2018 présente ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire. Le domaine 3, relatif à la formation de la personne et du citoyen indique : « L’élève apprend à résoudre les conflits sans agressivité, à éviter le recours à la violence grâce à sa maîtrise de moyens d’expression, de communication et d’argumentation. […] Il est capable aussi de faire preuve d’empathie et de bienveillance. »

Il donc nécessaire pour le PE de l’accompagner dans son parcours de formation et de mettre en oeuvre des dispositifs pour l’acquisition de ces compétences.

4. Ce qu’en disent des collègues

Au sein de l’école

Max entame sa deuxième année de CE1 à l’école Louis Moreau. Mme L. et Mme S. l’ont déjà eu respectivement en CE1 et en CP les années précédentes. Ces collègues connaissaient directement le contexte familial de Max et nous ont donné quelques pistes pour tenter d’améliorer sa scolarité. Selon ces deux enseignantes, la relation avec la mère de famille d’accueil est primordiale. Un bilan hebdomadaire de la vie scolaire de Max, ou journalier en cas de nécessité, aidait la mère à se rendre compte de son évolution. Si besoin, elle était prête à procéder à des ajustements au domicile. Cependant, les rencontres avec la mère biologique de Max, trop peu nombreuses par rapport à ce qu’aurait souhaité Max, rendait sa disposition au travail scolaire difficile, voire impossible. Les deux enseignantes ont cependant témoigné d’une amélioration en fin d’année. Max était relativement apaisé pendant les derniers mois de l’année scolaire. Mme S. préconise beaucoup de discussion et d’empathie autant que possible avec Max mais une nécessité de lui imposer un cadre différent de celui imposé aux autres élèves. Mme L. a bien rappelé, que malgré la présence d’un cadre très clair dans sa famille d’accueil, il pourra toujours se sentir différent ayant bien conscience de sa situation. Des encouragements réguliers et de l’exigence sont a priori moteur de ses apprentissages. Pendant les jours de « crises », la négociation sera nécessaire et l’exigence pourra être légèrement abaissée, puisqu’il pourra finir par se bloquer totalement.

Avis de collègues extérieurs à la situation

Céline est enseignante depuis une vingtaine d’années. Après plusieurs années passées en Essonne en tant que remplaçante travaillant dans les zones d’intervention localisée (ZIL), elle est désormais enseignante dans la même école maternelle dans le département de la Marne depuis quelques années. Durant sa carrière, Céline a eu dans sa classe des élèves placés, mais toujours en maternelle. Elle note effectivement que ces enfants souffrent de grandes difficultés scolaires et ont des problèmes de comportement, notamment beaucoup d’insolence et d’agitation. Au début de sa carrière, elle explique qu’elle était beaucoup dans la « sanction » mais elle s’est aperçue que cela ne fonctionnait pas avec eux. Elle explique aujourd’hui qu’elle est beaucoup dans la verbalisation et l’expression des ressentis. Elle souligne que ces enfants sont en fait peu écoutés et que « partout où ils passent, ils ne sont jugés que sur leur comportement ». Ils ont souvent une très mauvaise image d’eux donc elle valorise désormais les petits efforts, même s’ils peuvent sembler anodins pour le reste de élèves (exemple : dire bonjour). Elle essaie dans ces situations de leur montrer qu’elle est « fière ». Effectivement, ce sont des paroles qu’ils entendent très rarement car ces compliments émanent principalement des parents. Elle admet tolérer beaucoup plus de choses qu’avec d’autres enfants, mais sait se montrer ferme quand la situation l’exige car ces enfants manquent aussi de cadre. Elle souligne que les contacts avec les services sociaux sont extrêmement rares. La PE peut évidemment demander un rendez-vous mais elle a plutôt affaire à la famille d’accueil. D’après elle, il serait donc important pour le PES d’avoir accès au dossier de Max et de prendre contact avec les services sociaux pour avoir des éléments de contexte qui pourraient éclairer la situation.

5. Les ressources universitaires

Les publications sur les violences scolaires sont très nombreuses et ont explosé certaines années. Nous avons choisi de mettre en lumière deux publications qui apportent des pistes de réflexion sur la situation.

Les difficultés scolaires des enfants placés

Comme le soulignent Benjamin Denecheau et Catherine Blaya77DENECHEAU, Benjamin et BLAYA, Claire. Les enfants placés par les services d’Aide sociale à l’enfance en établissement, Revue Education et Formation, n. e-300, 2013 de nombreuses études, rapports ou articles, dont ils font référence en introduction de leur article, montrent l’importance des difficultés scolaires rencontrées par les jeunes placés (redoublement, difficultés dans les apprentissages, décrochage scolaire, problème de discipline). Néanmoins, ils rapportent que la scolarité n’est pas considérée comme une priorité dans le suivi des enfants, d’autres aspects de l’accompagnement étant jugés plus prioritaires. De fait, la collaboration entre éducateurs et enseignants est faible, voire inexistante. Les rencontres interviennent uniquement lorsqu’une situation trop problématique se présente (problème de discipline, résultats scolaires insuffisants) : « Les éducateurs évoquent régulièrement cette absence de travail en commun [. ]. Ce défaut de partenariat et la « gestion dans l’urgence » fréquemment évoquée ne permettent pas une projection, ni de la collaboration entre les professionnels, ni de la scolarité du jeune. Par conséquent, il est donc difficile pour le PE, qui ne dispose que peu d’informations sur le parcours de l’enfant et de son accompagnement, de mettre en place des dispositifs adaptés et personnalisés pour assurer son bien-être au sein de l’école et de la classe.

Une violence qui s’exprime d’abord au sein d’une même classe

Selon Clémence Boxberger et Cécile Carra, les violences à l’école élémentaire impliquent majoritairement les élèves d’une même classe (44,2% des élèves victimes de violences mettent en cause un élève de leur classe88BOXBERGER, Clémence et CARRA, Cécile, « Bagarres de cours de récréation, socialisation enfantine et régulation des violences », Enfances & Psy, vol. 2, n. 6, 2014, p. 38-49). Elles donnent plusieurs explications à la violence entre pairs dont certaines peuvent faire écho avec la situation :

  • La violence participe à la socialisation de l’enfant, c’est-à-dire que les élèves se confrontent pour se faire « reconnaitre » par leurs pairs, de gagner une certaine « respectabilité »
  • Se battre et souffrir donne le sentiment d’appartenance à un groupe.

Cécile Carra souligne dans un autre article que la violence entre pairs relève d’abord de la violence physique (62.6%), les insultes ne représentant que 5.7 % des violences déclarées99CARRA, Cécile. « Violences à l’école élémentaire », L’année sociologique, vol. 58, 2008, p. 319 à 337.

6. Pistes de résolution de la situation

Solutions collectives

Au vu de toutes ces indications réglementaires, officielles ou scientifiques, des choses ont été mises en place depuis cet incident. Au niveau de la classe :

  • Élaboration des règles de vie avec les élèves ;
  • Fleur de comportement : Système classique avec 4 couleurs (vert, jaune, orange, rouge)correspondant au niveau du respect des règles de vie au sein de la classe ou à l’extérieur (couloirs, récréation et sortie piscine) ;
  • Tenue d’un conseil des maîtres durant lequel le problème a été évoqué ;
  • Prise de rendez-vous avec les familles en cours ;
  • Travail en EMC : résolution de conflits par la communication non violente par messages clairs1010EDUSCOL. Les messages clairs : Une technique de prévention et de résolution des petits conflits à l’école, 2015 [en ligne]. Disponible sur : http://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/03/2/Ress_emc_conflits_messages_clairs_509032.pdf. Consulté le 17/12/2018

Il est également possible de mettre en place le système dit de « justice restaurative », utilisé notamment en Australie, où l’auteur des faits est encouragé à reconnaître ses actes et se voit proposer un moyen de réparer le mal causé, tout cela en présence de de la victime. Cette méthode, cependant difficile à mettre en place, permettrait de redonner confiance à la victime et d’éviter les récidives.

Solutions individuelles

  • Dans les cas de crises explosives de la part de Max ou lorsqu’il ne veut pas rentrer dans une situation d’apprentissage, une des solutions proposées a été l’accueil dans une autre classe. Il y aura un accueil systématique en fin de journée et en cas de crise dans une classe de CM2. L’accueil dans un cycle 3 pourrait être bénéfique à long terme pour Max. Le but étant qu’il reste au maximum dans la classe de ce1.
  • Un rappel de l’éducateur, médiateur des relations entre les différents acteurs du dossier de Max, est également en train d’être effectué. Sans connaître l’influence qu’il pourrait avoir sur Max, il est probable que des rencontres avec cette personne pourrait l’aider à se canaliser.
  • Des encouragements appuyés à chaque réussite sont formulés, même s’il refuse parfois de les entendre ou ne pense pas les mériter.

7. Prendre parti

L’idéalisation certaine que l’on se fait du métier ne prend pas immédiatement en compte les éventuels comportements qui pourraient en découler. Même si nous recevons certains avertissements provenant d’enseignants, d’amis, ou même directement de l’institution, ces comportements violents sont toujours surprenants lorsque l’on débute dans le métier. La situation n’est pas simple à analyser et à comprendre car elle nécessite des connaissances et compétences en psychologie de l’enfant que nous ne possédons pas. Il serait bien hasardeux de tirer des conclusions sur le comportement de Max en rapport avec sa situation familiale même si son histoire personnelle, son passé dans l’école, l’avis des collègues et les documents sur lesquels on peut s’appuyer pourraient laisser penser que cela est lié. De fait, l’avis averti d’un professionnel (psychologue scolaire par exemple) permettrait de trouver des pistes de résolution pour la situation. La situation est problématique pour le PES, pour Max mais aussi pour ses camarades car aux faits de violence s’ajoute un comportement inadapté en classe qui perturbe les apprentissages pour l’ensemble des élèves. Elle est également problématique pour les collègues qui gèrent les récréations ou les temps périscolaires.

  • 1
    1Sarah Saurenon, « Favoriser le bien-être des élèves, condition de la réussite éducative », La note d’analyse, n°313, janvier 2013, 12 p. Disponible en ligne : http://archives.strategie.gouv.fr/cas/system/files/2013-01-10- bienetredeseleves-na313- ok.pdf. Consulté le 17/12/2018
  • 2
    2MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Surveillance et sécurité des élèves dans les écoles maternelles et élémentaires publiques : Circulaire no 97-178 du 18 septembre 1997 [en ligne]. Disponible sur : http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2009/04/cir_1508.pdf. Consulté le 17/12/2018
  • 3
    3MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Prévention et lutte contre la violence en milieu scolaire : circulaire N°2006-125 du 16-8-2006 [en ligne]. Disponible sur : http://www.education.gouv.fr/bo/2006/31/MENE0601694C.htm. Consulté le 17/12/2018
  • 4
    4Règlement intérieur 2018/2019. Document communiqué par l’école
  • 5
    5MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Réagir face aux violences scolaires : guide pratique [en ligne]. Disponible sur :http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Action_sanitaire_et_sociale/27/9/guide_reagir_115279.pdf. Consulté le 17/12/2018
  • 6
    6MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE. Décret n° 2015-372 du 31 mars 2015 relatif au socle commun de connaissances, de compétences et de culture [en ligne]. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2015/3/31/MENE1506516D/jo. Consulté le 17/12/2018
  • 7
  • 8
    8BOXBERGER, Clémence et CARRA, Cécile, « Bagarres de cours de récréation, socialisation enfantine et régulation des violences », Enfances & Psy, vol. 2, n. 6, 2014, p. 38-49
  • 9
    9CARRA, Cécile. « Violences à l’école élémentaire », L’année sociologique, vol. 58, 2008, p. 319 à 337.
  • 10
    10EDUSCOL. Les messages clairs : Une technique de prévention et de résolution des petits conflits à l’école, 2015 [en ligne]. Disponible sur : http://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/03/2/Ress_emc_conflits_messages_clairs_509032.pdf. Consulté le 17/12/2018
S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Proposer une analyse complémentaire

Merci de vous identifier ou de créer un compte gratuit pour contribuer à la plateforme GPS Educ'.

Table des matières

Les analyses complémentaires
Il n’y a pas d’analyse complémentaire pour cette situation. Vous pouvez en proposer une en remplissant le formulaire en bas de page.
Télécharger
Mots-clés
Forum
Partager

Pourquoi proposer une analyse complémentaire ?

  • rectifier ou préciser une information donnée dans le texte ;
  • identifier de nouveaux enjeux et/ou développer certains enjeux peu explicités dans l’analyse initiale (en lien avec l’item « Les problèmes posés par la situation ») ;
  • ajouter des références à de nouveaux textes réglementaires susceptibles d’apporter de nouveaux éclairages à l’analyse de la situation (en lien avec l’item « La dimension réglementaire ») ;
  • ajouter des références à de nouveaux textes de recherche susceptibles d’apporter de nouveaux éclairages à l’analyse de la situation (en lien avec l’item « Des ressources universitaires ») ;
  • ajouter des résultats d’enquêtes menées auprès d’autres enseignants, personnels travaillant dans l’établissement, parents, élèves… (en lien avec l’item « Ce qu’en disent des collègues et d’autres acteurs ») ;
  • contribuer à la définition des pistes de résolution (en lien avec l’item « Pistes de résolution de la situation ») ;
  • prendre parti sur la base des ajouts/modifications effectuées (en lien avec l’item « Prendre parti »).

Table des matières