Résumé
Une enseignante de CE1 met en place la fusée des comportements comme outil de gestion de classe. Cependant elle s’interroge sur le caractère éducatif de l’outil qui met l’accent sur la crainte plutôt que sur la compréhension. Le récit et l’analyse de cette situation ont été produits par un groupe de 3 professeur.e.s-stagiaires en 2018-2019. Ils/elles ont été accompagné.e.s par deux formateurs sur 3 séances de 2h durant lesquelles ils/elles ont pu bénéficier de leurs remarques, questionnements et conseils. La production qui suit est une deuxième version c’est à dire que les stagiaires ont effectué quelques remaniements à partir de remarques formulées par les formateurs sur la première version.
1. La situation
Contexte
Je suis PES, j’ai choisi ce métier de PE suite à un choix de reconversion (parcours scientifique, travail dans la recherche en biologie antérieurement). La maternité m’a fait comprendre l’importance de l’éducation des enfants dans la construction de notre société d’où mon choix de travailler avec eux et dans le cadre d’une éducation positive. Je suis affectée dans une école bien réputée de centre-ville, où le niveau est mixte-favorisé. Il y a de l’entraide entre collègue quand nous en faisons la demande. Les parents soutiennent généralement leurs enfants quoiqu’ils aient fait.
J’ai en charge une classe de CE1 les jeudis et vendredis. Cette situation a lieu au cours des trois premièressemaines de l’année scolaire. Ma classe comporte 27 élèves qui sont assez turbulents (mais pas reconnus comme de gros cas difficiles hormis un). L’ensemble de la classe est concerné par cette situation. La plupart des élèves se connaissent déjà (même école pour le CP et maternelle et certains dans les mêmes classes). Il y a quelques groupes d’élèves, qui posent des problèmes en classe (bavardage, chamaillerie…).
La classe est organisée en autobus (tentative de U le 1er jour mais difficulté de s’asseoir car les chaises sont accrochées aux tables, puis autobus avec coin regroupement pour le collectif, puis élimination du coinregroupement car ils ne tenaient pas en place).
Je suis en binôme avec une autre PES qui a 20 ans de plus que moi. Lors de la rentrée, ma collègue a décidé deprendre la classe seule (car le lundi est sur un de ses jours de responsabilité) alors que nous étions en binôme dans la classe. Je suis donc restée en observation pour donner des conseils à ma collègue après coup. Le lendemain, j’étais en stage d’observation dans une autre classe mais dans la même école. Mes élèves m’ont aperçue rentrer dans cette autre classe. Dès ma prise de fonction le jeudi, la gestion de classe a été compliquée. Après réflexion, j’ai l’impression d’avoir été relayée au rang de “stagiaire”.
Problèmes posés
J’ai des problèmes de gestions de classe, les élèves ne m’écoutent pas ou peu et ce dès le premier jeudi au matin. Une des situations qui me pose le plus problème et qui me prend beaucoup de temps c’est la gestion du rang. En effet, nous avons eu la réflexion en réunion des maîtres de pré-rentrée de faire bien attention à la tenue des rangs et du silence dans les rangs car les récréations des “petits” (CP/CE1) et des “grands” (les autresniveaux) sont en décalées. En effet, la cour de récréation est trop petite pour recevoir tout le monde sans déranger les classes qui travaillent encore. Au coup de sifflet qui signifie la fin de récréation, mes élèves ne se rangent pas malgré mes demandes répétées, continuent de jouer, voire de se bagarrer, parler…etc… comme si c’était encore la récréation. Je leur ai pourtant parlés de cela en classe dès le premier jour et à de nombreuses reprises et leur ai expliqués qu’il fallait apprendre également à se tenir correctement en rang pour les déplacements hors de l’école(comme ce qui est le cas de la piscine tous les jeudis).
Cette situation est représentative d’un climat de classe délétère qui n’est pas propice aux apprentissages. De plus, je me sens désemparée car je ne fais pas autorité et je ne me sens pas respectée de la part des élèves. En outre, je n’ai pas l’impression que ma binôme ait les mêmes problèmes d’autorité que moi.
Actions
Après en avoir parlé avec ma binôme, des collègues et mon tuteur universitaire, j’ai mis en place des pistes de résolution pour favoriser une bonne tenue du rang et, plus généralement, pour améliorer le climat de classe. Ma binôme a commencé par établir avec les élèves des règles de vie de la classe dans le cade de l’enseignement d’EMC. À la suite de cet enseignement, nous avons mis en place un système de comportement : la fusée des comportements. Le matin tout le monde est vert et à partir de trois infractions aux règles (co- construites enclasse avec ma collègue lors d’une séquence sur le droit et la règle), la fusée devient orange, puis rouge au bout de 5. Les élèves colorient leur fusée tous les soirs et ensuite les parents signent le cahier.
En ce qui concerne la tenue du rang, avant de changer la couleur de la fusée, je commence par décompter à partir de 5. À 0 ils doivent être rangés. Si ce n’est pas le cas, les élèves ont décidé que ceux qui sont en infraction ont une fusée rouge pour la journée. Malheureusement cette piste de résolution n’a pas abouti à des résultats probants.
Ce qui me pose le plus problème dans cette situation est de leur demander de se comporter correctement en mettant un système de peur en place (la peur d’avoir une fusée rouge que les parents devront signer). Je n’arrive pas pour l’instant à trouver une manière de leur demander pour qu’ils le fassent en comprenant “pourquoi” ils doivent le faire et pas “pour ne pas être puni” (ma collègue travaille sur le droit et la règle en EMC en ce moment, à suivre si cela aidera…). L’explication que je leur fournis ne suffit évidemment pas puisqu’ils ne respectent pas la règle demandée.
Je n’ai pas encore demandé aux enseignants de CP la manière dont ils géraient la discipline dans les rangs. C’est un point qu’il faudrait que j’aborde avec eux.
Nous avons retenu cette situation car la gestion de classe est un problème récurrent pour une majorité de PES. Cela permettra de réfléchir à la question pour donner des pistes aux personnes qui rencontrent les mêmes difficultés.
2. Les questions que pose la situation
Les questions que cette situation pose sont:
- Quelle est la posture à avoir pour agir en tant qu’éducateur responsable et mettre en oeuvre des situations d’apprentissages efficaces ? Cette question nous engage dans la problématique suivante : Comment trouver une posture qui soit efficace et en cohérence avec sa personnalité et les attentes du métier ?
- Qu’est ce que l’autorité en classe ? Comment avoir de l’autorité sans être autoritariste ? Où est la limite entre autorité, manipulation et contrainte ?
- Quelles situations d’apprentissages permettent de former les élèves pour devenir des citoyens éclairés ? Ou autrement dit comment mettre en place une autorité éducative ? Et quelle est la place de l’autorité dans les pratiques de classe ? Comment vivre ensemble et apprendre dans une classe ?
De ces questionnements découle la problématique du rapport à la règle et à l’autorité au service du bien vivre ensemble. Cette réflexion nous conduit à nous interroger sur la formation du citoyen pour la mise en œuvre des valeurs de la République dont le respect permet de bien vivre ensemble. Comment développer la sensibilité des élèves afin qu’ils éprouvent et vivent les valeurs de la République?
3. Dimension réglementaire
La dimension réglementaire concerne tant le professeur des écoles et la communauté éducative que les élèves.
La réglementation concernant les professeurs des écoles
En tant qu’agents du service public d’éducation, les enseignants ont le devoir de transmettre et faire respecter les valeurs de la République. Ces valeurs sont développées dans le cadre de l’enseignement de l’EMC qui consiste à éprouver et faire vivre aux élèves les valeurs de dignité de la personne humaine, de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de solidarité, d’esprit de justice et de refus des discriminations1https://www.reseau-canope.fr/les-valeurs-de-la-republique/enseignement-moral-et-civique-en-primaire.html.
Dans le respect de ces valeurs, les professeurs des écoles « agissent dans un cadre institutionnel et se réfèrent à des principes éthiques et de responsabilité qui fondent leur exemplarité et leur autorité » comme l’indique le référentiel des compétences professionnelles et des métiers du professorat et de l’éducation (Bulletin officiel du 25juillet 2013).
C 5. Accompagner les élèves dans leur parcours de formation
- Participer à la construction des parcours des élèves sur les plans pédagogique et éducatif.
C 6. Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques
- Contribuer à assurer le bien-être, la sécurité et la sûreté des élèves, à prévenir et à gérer les violences scolaires, à identifier toute forme d’exclusion ou de discrimination, ainsi que tout signe pouvant traduire des situations degrande difficulté sociale ou de maltraitance.
- Respecter et faire respecter le règlement intérieur et les chartes d’usage.
De plus, en tant qu’acteur de la communauté éducative, le professeur des écoles se mobilise au service de laréussite de tous les élèves dans un cadre de coopération avec les autres partenaires.
Le référentiel guide son action et en particulier les compétences suivantes :
C 10. Coopérer au sein d’une équipe
- Inscrire son intervention dans un cadre collectif, au service de la complémentarité et de la continuité desenseignements comme des actions éducatives
- Collaborer à la définition des objectifs et à leur évaluation.
- Participer à la conception et à la mise en œuvre de projets collectifs, notamment, en coopération avec les psychologues scolaires ou les conseillers d’orientation psychologues, le parcours d’information et d’orientation proposé à tous les élèves.
C 12. Coopérer avec les parents d’élèves
- Œuvrer à la construction d’une relation de confiance avec les parents.
- Analyser avec les parents les progrès et le parcours de leur enfant en vue d’identifier ses capacités, de repérer ses difficultés et coopérer avec eux pour aider celui-ci dans l’élaboration et la conduite de son projet personnel, voire de son projet professionnel.
- Entretenir un dialogue constructif avec les représentants des parents d’élèves.
Les enseignants peuvent s’appuyer également sur des ressources en ligne dont le portail de ressources et de formation Tenue de Classe sur le réseau Canopé2http://www.cndp.fr/tenue-de-classe/. Ce réseau, comme le site l’indique, « est dédié à l’accueil, l’accompagnement et la formation des professeurs stagiaires et des professeurs néo- titulaires. Il vise à donnerdes réponses concrètes aux questions spécifiques des professeurs stagiaires, notamment pour la conduite de classe, la gestion d’un public d’élèves hétérogène, la prise en charge de besoins particuliers, autant de compétences contenues dans le référentiel des 10 compétences professionnelles des enseignants. »
Le portail en question est composé de trois parties:
- la partie “les temps scolaires” qui accompagne les professeurs dans la gestion du temps scolaire ;
- la partie “les espaces scolaires” qui centre l’attention du professeur sur l’importance de l’aménagement deslieux spécifiques de l’école, tel que la salle de classe, la cour de récréation, la salle de motricité, le vestiaire ;
- la partie “les outils scolaires” qui regroupe les outils de l’enseignant ainsi que les outils de l’élève.
Aux outils qui accompagnent la mission de l’enseignant et encadrent son rôle, nous pouvons ajouter le Code de l’éducation (Version consolidée au 5 octobre 2018, Article L122-1-1, Modifié par LOI n°2013-595 du 8 juillet 2013- art. 13) qui regroupe l’ensemble des lois en vigueur dans le domaine de l’éducation. En particulier, le Chapitre IIconsacré aux Objectifs et missions de l’enseignement scolaire indique :
« La scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun deconnaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. Le socle doit permettre la poursuite d’études, la construction d’un avenir personnel et professionnel et préparer à l’exercice de la citoyenneté. Les éléments de ce socle commun et les modalités de son acquisition progressive sont fixés par décret, après avis du Conseil supérieur des programmes. L’acquisition du socle commun par les élèves fait l’objet d’une évaluation, qui est prise en compte dans la poursuite de lascolarité. »
La réglementation concernant l’élève
La loi considère les élèves comme étant acteurs à part entière de leur apprentissage. Ils ont ainsi des droits et des devoirs prévus dans le BO n° 17 du 23 avril 2015 définissant le socle commun de connaissances, decompétences et de culture (SCCCC).
Le SCCCC s’articule autour de cinq domaines de formation qui définissent les connaissances et les compétencesque l’élève doit avoir acquises à l’issue de la scolarité obligatoire. En particulier, le domaine 3 relatif à la formation de la personne et du citoyen.
Ce domaine vise à l’apprentissage de la vie en collectivité dans des situations diverses, dans le quotidien de la classe dans les enseignements et dans l’établissement ou lors d’activités et d’actions hors de l’établissement, dans le cadre du parcours citoyen.
Comprendre la règle et le droit :
- Identifier et connaître les grands principes, les valeurs et les symboles de la République française.
- S’approprier et respecter les règles de fonctionnement de son école ou de son établissement et de collectifs plus restreints, et participer à leur élaboration.
4. Ce qu’en disent des collègues
Synthèse d’un entretien avec une collègue de CP
Celle-ci enseignait à 1/3 de mes élèves environ lorsqu’ils étaient en CP, explication de la situation (pour une analyse de pratique professionnelle pour l’ESPE) avant de lui demander quelles étaient/sont ses pratiques :
Pas de pratique particulière, son ancienneté fait que les enfants la respectent sans trop de problème. Si besoin, elle avoue « gueuler » (citation) pour récupérer le calme et les remettre en rang. Elle ne se souvient plus si cela lui est arrivé l’an passé avec ces élèves.
Synthèse d’un entretien avec un collègue de CP
Celui-ci enseignait à 1/3 de mes élèves environ lorsqu’ils étaient en CP, explication de la situation (pour une analyse de pratique professionnelle pour l’ESPE) avant de lui demander quelles étaient/sont ses pratiques.
Pour lui la gestion de rang va de pair avec la gestion de classe, les 2 sont liés. Il utilise un système de comportement dit « carotte/bâton ». Chaque semaine, les élèves collent dans leur cahier de liaison un billet de comportement avec 5 ou 6 disques vides. Dès qu’un comportement est inadéquat (en classe comme en rang), l’enseignant colorie 1 rang en rouge en écrivant la raison (bavardage, etc.). Si un élève se comporte mal en rang de manière répétée, il lui est indiqué qu’il ne pourra pas se déplacer pour aller à la piscine (déplacement à pied). Jusque-là, il n’a jamais eu à exécuter ses menaces. À la fin de la semaine, les élèves colorient les ronds restant en vert. Le nombre de points verts est associé à des privilèges (utiliser les ordinateurs quand ils ont fini le travail par exemple). Il considère que son système fonctionne bien et il l’utilise depuis plusieurs années.
Pour rebondir sur l’entretien précédent, voici une synthèse d’une partie d’un entretien avec un PEMF/directeurd’école (tuteur terrain), discussion non portée directement sur la tenue de rang mais plus sur la gestion de classe :
Quand il avait encore des classes, il n’avait pas de systèmes de comportement, ni de punition, ni de bon point. Il ne criait pas et arrivait à tenir sa classe sans problème. Pour lui, il faudrait bannir les systèmes de comportement et les bons points. La gestion de classe se fait principalement grâce à la posture de l’enseignant, d’une mise en activité des élèves avec beaucoup d’écrit/manipulation et peu d’oral.
Synthèse d’un entretien avec deux PEMF, tuteurs de PES, explication de la situation (pour une analyse depratique professionnelle pour l’ESPE)
Quand il y a des problèmes de gestion de classe comme dans cette classe, il vaut mieux arriver le plus rapidement en classe et ne pas trop tarder à vouloir les mettre en rang en silence. Ce sont des enfants, il est normal qu’ils parlent et continuent de jouer.
5. Les ressources universitaires
Cette situation-problème nous amène à nous questionner sur la définition de l’autorité en classe. Le conceptd’autorité à l’école fait l’objet de nombreux débats. Bruno Robbes3Bruno Robbes, Les trois conceptions actuelles de l’autorité, Les Cahiers pédagogiques, 28/03/2016, http://www.cahiers- pedagogiques.com/Les-trois-conceptions-actuelles-de-l-autorite. a dégagé 3 types majeures d’autorités :
- L’autorité autoritariste : basée sur la fonction du statutaire, d’une position institutionnelle. Elle repose sur l’obéissance inconditionnelle, sous forme de soumission. La volonté s’impose, sans discussion, niexplication dans un rapport de force. Cela s’apparente au système bâton/carottes évoqué lors dudeuxième témoignage rapporté ci-dessus.
- L’autorité évacuée : basée sur la liberté et l’autonomie, le statutaire s’érige en poseur de normes. Il n’impose pas la contrainte, ni n’entrave la liberté de parole ;
- L’autorité éducative : elle repose sur la capacité, les compétences du statutaire à acquérir, conquérir par son travail, ses actions observables et ses décisions l’adhésion des enfants aux principes qui gouvernent la classe. Cela fait écho aux synthèses d’entretien 1 et 3.
L’évolution des relations entre adultes et enfants questionne l’autorité dans sa nature et sa mise en oeuvre. L’ensemble des acteurs de la communauté éducative semble d’accord sur la nécessité d’instaurer une discipline comme condition indispensable aux apprentissages. Mais l’affaiblissement du poids institutionnel de l’école, et le passage d’une autorité autoritaire vers une autorité éducative, tend à rendre l’exercice de plus en plus difficile. Cette problématique relève aussi bien de la famille que de l’école4Rachel Gasparini, Questions d’autorité à l’école maternelle. Le petit enfant entre socialisation familiale et socialisation scolaire, Éducation etsocialisation. Les Cahiers du CERFEE n°32, 15/12/2012. En effet, face à ces difficultés, les enseignants peuvent être tentés de rejeter la responsabilité sur les parents. A l’inverse, certains parents peuvent se reposer excessivement sur l’école pour légitimer des contraintes propres à toute socialisation, au risque même delimiter leur propre engagement parental. Ces observations montrent la limite du système des fusées mis en place dans la classe. En effet, l’efficacité de ce système est inhérente à l’implication et à la posture des parents. Dans ce contexte, on comprend bien que trouver « la bonne formule » est complexe et relève du travail et de l’engagement de l’ensemble de la communauté éducative.
À la lecture des articles scientifiques sur le sujet, il apparaît que l’autoritarisme n’est pas une piste de réflexion pertinente. En effet, selon le professeur en sciences de l’éducation Jean Houssaye5Jean Houssaye, L’autorité ne passera pas, Recherche et formation n°71, 15/12/2012,10.4000/rechercheformation.1955, les problèmes d’autorité sont indissociables de la pédagogie mise en place. L’autorité de l’enseignant reposerait dans « le pouvoir de ces compétences », « l’expérience réussie de ces compétences » qui se bâtit sur la fonctionnalité et la ritualisation des pratiques de classe6Jacques Pain, Pratiques de classes et autorité. Entretien avec Jacques Pain réalisé par Brigitte Marin, Recherche et formation n°71, 15/12/2012, 10.4000/rechercheformation.1989. Ainsi l’autorité et la discipline sont intimement liées au travail7Célestin Freinet, https://www.icem-pedagogie-freinet.org/sites/default/files/198_Celestin_Freinet_et_la_discipline.pdf. Le rôle de l’enseignant est donc d’instaurer et de maintenir une cohésion dans la logistique de la classe et de répondre à l’attente des élèves en leur proposant des activités justifiées, riches et enthousiasmantes.
En résumé, face à l’érosion de l’autorité dans notre société, former de futurs citoyens éclairés nécessiterait la mise en place d’une autorité éducative. Cette forme d’autorité repose sur les compétences organisationnelles du professeur des écoles à maintenir une constance dans son action éducative, et à mettre en place des formes de travail collectif ayant du sens pour les élèves, et permettant un engagement individuel au service de la classe8Eirick Prairat, L’autorité éducative au risque de la modernité, Recherche et formation n°71, 15/12/2012, 10.4000/rechercheformation.1944.
6. Pistes de résolution de la situation
La fleur du comportement
Une piste possible de réflexion est le système de fleur du comportement, déjà mise en place dans la classe d’un d’entre nous (Maria) en début d’année. Les règles de vie sont élaborées en collaboration par les élèves et l’enseignant en amont. Le suivi de ces règles est matérialisé par une fleur de comportement, composée de 3 pétales de 3 couleurs. Le bleu indique que l’élève a respecté l’ensemble des règles de vie. Le jaune qu’il n’a pas suivi quelques règles. Et le rouge que l’élève continue à ne pas respecter les règles malgré les rappels à la règle de l’enseignant. Cette organisation repose sur 2 supports :
- côté enseignant : affichage collectif d’une grande fleur déjà coloriée, comportant les étiquettes prénoms dans chaque pétale. Chaque jour, toutes les étiquettes sont dans le bleu. Elles sont déplacées par l’enseignant d’une couleur à l’autre.
- côté élève: chaque élève a une feuille par période avec une fleur à 5 pétales (correspondant aux jours de la semaine) à colorier. Toutes les fins de journées, l’élève colorie le pétale de la couleur décidée par l’enseignant par rapport à son comportement.
- côté parents: les parents doivent signer toutes les semaines le cahier de liaison dans l’espace consacré.
Les ceintures de comportements
Au vu des éléments réglementaires et universitaires, il semble pertinent de mettre en place un système qui permette l’engagement et la responsabilisation des élèves face à leur comportement. À cet effet les ceintures de comportement9http://www.jacques-pain.fr/jacques-pain/les_MCC Les_ceintures.html constituent une piste intéressante à mettre en place pour développer les « savoirs-comportements » des élèves.
À l’instar du système du tableau de couleur utilisé par Freinet pour visualiser le niveau des élèves de la classe, le judoka Fernand Oury a créé des ceintures de compétences. Basé sur le système de ceinture de niveau dans le judo, ce système permet la visualisation par tous les élèves de la classe de leur évolution dans l’acquisition des compétences scolaires. Elles constituent ainsi pour l’élève et le professeur des instruments de mesure concrète de ces compétences par matière et niveaux d’acquisition. Elles sont propres à chaque classe car élaborées ausein d’un conseil collectif, avec l’avis des adultes responsables. Elles peuvent être ainsi dédiées aux « savoirs-comportements » selon les besoins de la classe. Attention, elles ne doivent faire l’objet que d’un constat de réussite et pas l’inverse. Il n’y a ainsi pas de possibilité de « descendre », mais il est toutefois possible de les suspendre si nécessaire.
Ce système permet de responsabiliser les élèves, instaurer de l’hétérogénéité dans les relations et les activités,accrocher les élèves et créer du désir.
7. Prendre parti
D’après la réglementation et les ressources universitaires, le système bâton/carottes est à bannir.
À nos yeux, bien que les systèmes des fusées et de la fleur du comportement aient l’avantage d’impliquer les élèves dans l’élaboration de la règle, ils montrent les limites suivantes:
- le fait que l’enseignant décide le passage d’un étage de la fusée/d’un pétale à l’autre peut être vécu par l’élève comme une injustice ;
- l’implication des parents, qui peuvent mettre une pression sur l’élève, ou inversement ne pas s’impliquer etrendre ces systèmes caduques ;
- activité chronophage pour l’enseignant et les élèves qui doivent prendre du temps chaque jour pour colorier les différents niveaux.
Les ceintures de compétences semblent être un système plus complexe à mettre en œuvre mais qui a l’avantage de favoriser l’engagement des élèves. De plus, en jouant sur les compétences dégagées pour répondre à un problème donné tel que la mise en place du rang comme dans la situation décrite, ce système permet d’apporter une réponse immédiate et positive en valorisant les comportements attendus plutôt qu’en se limitant à sanctionner les comportements inappropriés. De plus, ça permet d’attribuer de manière claire et raisonnée des responsabilités aux élèves. Enfin, les ceintures de compétences semblent également être une piste pertinente de résolution de problème de gestion de classe plus large et nécessitant uneaction sur le long terme tel que le bruit en classe.
Ce dossier nous a permis de prendre conscience de l’importance de la gestion de classe. En effet, c’est par la maîtrise des savoirs et savoir-faire, par son engagement quotidien et par la mise en activité constante des élèves que le PE va créer avec les élèves les conditions propices aux apprentissages. Plus qu’en étant autoritaire, c’est par la stimulation cognitive et sociale que l’autorité va se mettre en place.
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- 3Bruno Robbes, Les trois conceptions actuelles de l’autorité, Les Cahiers pédagogiques, 28/03/2016, http://www.cahiers- pedagogiques.com/Les-trois-conceptions-actuelles-de-l-autorite.
- 4Rachel Gasparini, Questions d’autorité à l’école maternelle. Le petit enfant entre socialisation familiale et socialisation scolaire, Éducation etsocialisation. Les Cahiers du CERFEE n°32, 15/12/2012
- 5Jean Houssaye, L’autorité ne passera pas, Recherche et formation n°71, 15/12/2012,10.4000/rechercheformation.1955
- 6Jacques Pain, Pratiques de classes et autorité. Entretien avec Jacques Pain réalisé par Brigitte Marin, Recherche et formation n°71, 15/12/2012, 10.4000/rechercheformation.1989
- 7Célestin Freinet, https://www.icem-pedagogie-freinet.org/sites/default/files/198_Celestin_Freinet_et_la_discipline.pdf
- 8Eirick Prairat, L’autorité éducative au risque de la modernité, Recherche et formation n°71, 15/12/2012, 10.4000/rechercheformation.1944
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