Agression entre élèves et consommation de drogue au lycée

Résumé

Le récit et l’analyse de cette situation ont été produits par un groupe de 3 professeurs-stagiaires en 2017-2018. Ils ont été accompagnés par une formatrice sur 4 séances de 3h durant lesquelles ils ont pu bénéficier de ses remarques, questionnements et conseils. La production qui suit est une deuxième version c’est à dire que les stagiaires ont effectué quelques remaniements à partir de remarques formulées par la formatrice sur la première version.

1. La situation 

Voici le récit d’une situation vécue fin novembre avec une classe de première année de CAP cuisine au cours d’une séance d’arts appliqués de 14 heure à 16 heure entrecoupée d’une récréation.


« Le 28 novembre 2017 j’ai pris conscience d’un problème de drogue au sein d’une classe de CAP cuisine niveau 1ère année. Je suis enseignante stagiaire en Arts appliqués au sein d’un lycée des métiers de l’hôtellerie et du tertiaire. J’interviens une fois par semaine pendant 2 heures avec cette classe d’un effectif de 12 élèves. Dès le début de l’année scolaire, je constate que ce groupe évolue dans un climat de classe agité. Le comportement de certains élèves est très éloigné de ce que l’on peut attendre d’un élève en situation d’apprentissage et des codes sociaux attendus au sein d’un établissement. Je rencontre donc le CPE dès la fin du mois septembre pour connaitre un peu mieux ces élèves. J’apprends alors que 2 élèves relèvent du dispositif Unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) et que plusieurs autres ont des contextes familiaux difficiles. Aucune mention n’est alors faite au sujet d’un éventuel problème de drogue. La survenue d’un incident en deuxième heure le mardi 21 novembre 2017 au retour de la récréation le révèlera. La première heure s’était bien déroulée. Une partie de cette séance avait été consacrée à la présentation des consignes pour l’exercice PPMS Intrusion programmé la semaine suivante. Ma tutrice, assistant à la première heure du cours, avait jugé la séance calme et productive. Je lui avais fait part cependant de mon inquiétude au sujet de comportements surprenants et pour le moins inattendus de certains élèves. Au retour de la récréation, une insulte que je n’ai pas entendue est proférée et l’élève A se rue sur l’élève B pour lui asséner un coup de pied.


Pour donner suite au rapport d’incident, j’ai eu une entrevue avec la proviseure adjointe. Cet entretien m’a permis d’apprendre que l’un des protagonistes de l’incident (l’élève A) a des problèmes de drogues et judiciaires. Grâce à cette information, je réalise que l’attitude « désordonnée », apathique, inappropriée ou violente constatée souvent lors de la deuxième heure de cours prend un sens différent. Il m’apparait alors à ce moment que ce que je prenais pour des difficultés scolaires, sociales ou comportementales est en lien à la consommation de drogue pendant la récréation. »

2. Les problèmes que cela pose

  Avant même d’évoquer les retentissements qu’une consommation de drogue peut entrainer pour l’élève et pour la classe, ce cas met en évidence la difficulté pour un nouvel enseignant de percevoir les causes d’un comportement qui perturbe la classe, l’attention, la concentration, la participation d’un ou plusieurs élèves, en l’absence d’informations. Et même s’il soupçonne une prise de drogue, en l’absence de preuves, la conduite à tenir n’est pas évidente sur le moment. On voit dans cet exemple qu’il a fallu attendre qu’un incident se produise pour qu’un problème de drogue soit porté à la connaissance de l’enseignant et intégré dans sa réflexion et sa conduite vis-à-vis de la classe. Ainsi, l’enseignant s’interroge sur la bonne façon de réagir : comment ne pas être déstabilisé par des comportements inadaptés, excessifs ou amorphes ? Quelle est la limite d’un comportement acceptable en classe ? Quels sont nos moyens pour déceler une éventuelle consommation de drogue et comment la verbaliser en individuel ou en groupe sous forme d’information-prévention ? Il parait difficile dans ces situations d’avoir des critères objectifs et l’élève peut tout à fait nier, même si l’objectif de l’enseignant est de l’aider. L’élève qui consomme de la drogue est bien évidemment en danger du point de vue de sa santé et de ses apprentissages. On peut également se demander si cette situation ne peut pas entrainer rapidement un décrochage scolaire puis une dégringolade sociale qui mettrait l’élève en rupture avec la société et le placerait dans la délinquance de façon durable. Pour contrer cette chute possible, comment aborder cette question avec la famille ? Doit-on s’informer sur ses fréquentations et ses activités hors de l’établissement, doit-on prévenir les services sociaux ? Qui s’en charge ? A quel niveau de gravité ? On peut aussi s’interroger sur les conséquences sur la gestion de classe et comment elles peuvent empêcher d’atteindre les objectifs pédagogiques. De plus, dans des disciplines telles que les nôtres (cuisine et arts appliqués) la manipulation d’objets coupants ou chauds peut entrainer des risques accrus pas la prise de stupéfiants. Comment prévenir ces risques ? Au moment du cours et sachant que nous sommes le seul adulte responsable, quelle doit être notre posture vis à vis de la classe ? Si l’on examine cette situation vécue avec un peu de recul et que l’on se place au niveau de l’établissement, on peut se demander comment est prise en compte cette problématique. On a pu constater que l’information connue de l’équipe éducative n’a pas été transmise à l’enseignant qui s’interrogeait sur les comportements de certains élèves dès le mois de septembre. C’est seulement à la suite d’un rapport d’incident, qu’une entrevue avec la direction a révélé que l’élève en question était sous surveillance et que des actions étaient en cours à son sujet. On est donc en droit de s’interroger sur la circulation des informations et sur les différentes façons de gérer les cas de drogue selon que l’on est personnel enseignant, éducatif, de santé ou de direction. Quelle est la politique de l’établissement face à ces problèmes ? Quels sont les enjeux en termes de réputation pour l’établissement ? Où commence et où s’arrête la responsabilité de l’établissement d’un point de vue légal ? Dans quels cas l’établissement est-il tenu d’informer la gendarmerie ? Comment concilier sanction et prévention ? Et si l’on élargit encore un peu plus le point de vue, comment conjuguer l’action des acteurs extérieurs au lycée avec la vie de l’établissement ? Quelles actions peuvent être mises en place ? et surtout avec qui ? Comment sensibiliser les familles sans leur faire peur où les culpabiliser ? Avant de tenter de répondre à ces interrogations, nous allons faire un point règlementaire afin de clarifier le cadre légal et institutionnel sur ce sujet.

3. Dimension réglementaire

  • 1.     Le règlement intérieur

Extrait du règlement intérieur de l’établissement concerné : « L’introduction, la consommation, le commerce sous quelques formes que ce soit de produits stupéfiants ou interdits, d’alcool aux autres substances pouvant altérer le comportement ou les sens sont expressément interdits et sanctionnés. L’obligation est faite à l’établissement d’en référer aux services de police. En vertu de la loi il est strictement interdit de fumer dans l’établissement. »

Extrait du règlement d’un autre établissement : « L’usage du tabac et des cigarettes électroniques est interdit dans l’Établissement même dans la cour. L’introduction et la consommation de substances énergisantes, alcoolisées ou de drogues sont strictement interdites et donc passibles de lourdes sanctions. La vigilance de tous est requise dans la prévention des conduites à risque. ».

À travers ces deux exemples d’extraits de règlements intérieur d’établissements différents, on s’aperçoit qu’ils sont sensiblement identiques sur les points de l’interdiction et de la sanction, dans la consommation des produits stupéfiants, dans le but de prévenir les conduites à risques.

Dans le premier règlement et uniquement dans celui-ci, il est précisé clairement qu’un référé aux services de police est fait par l’établissement. Nous pouvons considérer dans le second règlement que l’expression « lourdes sanctions » crée une ambiguïté et suggère la possibilité d’une action policière.

  • 2.     Que dit la loi ?

« Tabac : il est interdit de fumer dans les lieux publics et notamment dans ceux qui accueillent des mineurs (centres sportifs ou culturels) et dans l’enceinte des établissements scolaires, y compris les cours de récréation. L’interdiction de fumer est totale en tout lieu d’un établissement scolaire, qu’il soit fermé et couvert ou non et s’applique aux personnels comme aux élèves ;

Alcool : la vente de boissons alcooliques comme l’offre gratuite d’alcool est interdite à tous les mineurs dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics. Aucune boisson alcoolique ne peut être servie dans un établissement solaire.

Drogues illicites : la consommation et le trafic de stupéfiants (cannabis, cocaïne, héroïne, ecstasy…) constituent un délit. L’usager encourt une peine d’emprisonnement allant de 1 à 5 ans et/ou une amende allant de 3750 à 75 000 euros

« Plus récemment, la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance introduit de nouvelles dispositions tendant à apporter une meilleure réponse aux infractions d’usage de drogue et notamment une nouvelle sanction à la fois pédagogique et pécuniaire, le stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de cannabis et autres drogues illicites. L’objectif de ces stages est d’induire une prise de conscience des risques liés à l’usage des drogues sur le plan sanitaire ainsi que les implications pénales et sociales de cette conduite, afin de décourager les consommations et d’éviter notamment l’installation des usages problématiques. Le décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007 d’application de la loi précise les conditions d’exécution de ces stages : proposé par le procureur de la République, le stage devra être réalisé dans les six mois suivant la condamnation, aux frais du condamné. »1Education.gouv.fr ; guide prévention des conduites addictives.

  • 3.     Les bulletins officiels

Le bulletin officiel du 4 Novembre 1999 sur la prévention des conduites à risques nous guide à travers plusieurs scénarios d’élèves en situation de flagrant délit de consommation de drogues. Ces situations sont variables et fonctions de divers paramètres indépendants appelants diverses actions à considérer au cas par cas. Le lieu, l’aspect récurrent, le type d’infraction, la personne jugeant de l’infraction et les décisions qui en découleront seront autant d’éléments à analyser.

Cas n°1 : « Un principal de collège découvre un élève 10 minutes après l’entrée en cours, sortant des toilettes, dans un état manifestement “anormal”. »

Cas n°2 : « Un élève est envoyé à l’infirmerie contre son gré par un enseignant qui s’étonne de son comportement. »

Dans ces deux cas, le guide publié dans le BO suggère une voie à suivre afin de respecter au mieux le cadre légal de la réglementation :

« La personne constatant le ou les faits et selon son niveau de responsabilité devra de façon déontologique prendre les décisions s’imposant au cas. Les réprimandes pourrons allez du rappel verbal de la loi et notification aux CPE à l’information du chef d’établissement qui pourra décider d’autres mesures plus répressives. Dans tous les cas seul le chef d’établissement est responsable de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement et doit veiller au respect des droits et des devoirs de tous les membres de la communauté scolaire. A ce titre, il doit prendre toutes les mesures de prévention et d’éducation utiles dans l’intérêt des élèves. »2Le B.O. N°9 4 NOV. 1999 PRÉVENTION DES CONDUITES À RISQUES HORS-SÉRIE.

La circulaire n°200-105 du 11-07-2000 nous renvoie vers le règlement intérieur et clarifie les mesures disciplinaires possibles. Celles-ci peuvent être justifiées si un élève fait usage de stupéfiants dans l’établissement ou à proximité ou s’il est surpris en possession de stupéfiants dans l’enceinte de l’établissement. Dans ce cas de figure, le chef d’établissement est tenu de faire un signalement à l’autorité judiciaire.

 4. « Ce qu’en disent des collègues »

Après quelques échanges avec les collègues, nous avons appris que la situation rencontrée n’est pas un cas isolé, mais aussi que les réactions et discours divergent sur le sujet.

Dans nos échanges, à l’évocation de la situation, les collègues répondent régulièrement par le compte rendu d’une situation vécue similaire à celle-ci.

Le cas d’un de mes collègues m’a été présenté comme tel : il a surpris un élève roulant un joint en classe tôt le matin, pendant l’oral d’un camarade. L’élève pense ne pas avoir été vu. L’enseignant le retient à la fin du cours pour discuter avec lui et l’accompagne à l’infirmerie. Quelques jours plus tard, il s’entretient avec la psychologue scolaire et le responsable de la formation pour organiser un suivi
de l’élève et une action de sensibilisation/prévention. Il en informe le chef d’établissement. Il revient à ce dernier d’apprécier s’il y a lieu d’engager une procédure disciplinaire. Cela ne sera peut-être pas nécessaire si le dispositif de suivi et prévention mis en place auprès de cet élève a été efficace. En écoutant ce récit, nous constatons que la démarche expérimentée de ce professeur est tout à fait appropriée à cet incident.

Deux autres collègues ont clairement indiqué qu’ils considèrent que la consommation de drogue par les élèves ne les regarde pas, ils semblent préférer ignorer les faits pour éviter les complications. Ce faisant, ils omettent l’obligation en tant qu’enseignant de signaler tout comportement à risques pour l’élève. Ils reportent la responsabilité sur le chef d’établissement et expliquent qu’après des constats signalés, nombreux sont restés selon eux, sans suite. Ces enseignants supposent que la réputation du lycée étant en jeu, la direction minimise ses actions autour d’un problème de drogue au sein de l’établissement.

L’infirmière du lycée a également été interrogée. Elle explique son obligation de signalement au chef d’établissement, mais aussi le grand discernement dont il faut faire preuve selon les cas. Pour illustrer son propos, elle expose les exemples suivants : si un élève, ne posant habituellement pas de problème de comportement ni de résultats, lui avoue avoir fumé un joint, elle fermera exceptionnellement les yeux mais restera attentive à cet élève. Si le constat d’une consommation répétée de drogue (ou d’alcool) est fait, elle sera dans l’obligation de le signaler au chef d’établissement.

On peut donc considérer que l’infirmière, formée à la détection d’une consommation de drogue, est en mesure de choisir avec discernement les actions à engager. L’enseignant peut donc, quand la situation se présente en classe, se référer à son professionnalisme en envoyant ou en accompagnant l’élève la voir.

Le chef d’établissement et les conseillers principaux d’éducation se doivent, lorsqu’ils sont informés, d’être intransigeants, car ils sont garants du respect et de l’application du règlement intérieur. Ils évaluent les différentes situations et définissent les sanctions appropriées. Dans le cas d’introduction, de commerce, de consommations en flagrant délits, ils doivent avertir les services de police.
Cependant, le flagrant délit est, selon les CPE difficile à établir.

5. Des ressources universitaires

Une étude a été réalisée à la demande du Ministère de l’Éducation nationale pour connaître la fréquence des consommations de produits toxiques, licites et illicites des lycéens, l’évolution de ces conduites, ainsi que les principaux facteurs liés à ces pratiques. Elle met en comparaison deux périodes (1983 et 1991) et trois situations géographiques (Lille, Nice et Paris). Etablit dans le milieu scolaire, elle montre l’évolution depuis les années 703De Peretti Christine, Leselbaum Nelly. Les jeunes et les drogues : réflexions pour la prévention. Revue française de pédagogie, volume 114, 1996.. « En milieu scolaire, à quelques rares exceptions près, les problèmes de dépendances réelles — tout au moins aux stupéfiants — sont rares ; dans le cadre de cette étude, nous nous sommes donc attachés à l’analyse des facteurs psychosociaux qui conduisent certains jeunes à l’usage répété de produits illicites, de cannabis essentiellement. ». En effet à ce jour, à 17 ans, les jeunes sont 11,7 % à n’avoir jamais expérimenté l’alcool, le tabac ou le cannabis4http://www.drogues.gouv.fr. Si l’on observe les produits et comportement dits à risques cette étude soulève les points critiques à contrôler.

  • 1. Consommation d’alcool5De Peretti Christine, Leselbaum Nelly. Les jeunes et les drogues : réflexions pour la prévention. Revue française de pédagogie, volume 114, 1996.

« C’est la consommation la plus fréquente. Comme dans la population adulte, la majorité des lycéens consomment, au moins occasionnellement, des boissons alcoolisées ; les abstinents représentant une minorité (23,8 % à Nice, 31,4 % à Lille et 21,6 % à Paris). Près d’un lycéen sur vingt (5,7 % p) déclare boire tous les jours une (ou plusieurs) boissons alcoolisées ; ces consommations quotidiennes de boissons alcoolisées restent plus fréquentes dans le sexe masculin (près d’un lycéen sur dix : 9 % p) que dans le sexe féminin (2,4 % p). La majorité de ces jeunes consommateurs quotidiens d’alcool (57,9 %) apparaissent également être des buveurs excessifs de fin de semaine et déclarent en avoir bu plus de trois verres le samedi précédant l’enquête (9,4 % p sur l’ensemble de l’échantillon). Il semble donc bien exister une liaison forte, à cet âge, entre consommations régulières, quotidiennes, de boissons alcoolisées et usage abusif, toxicomaniaque, de l’alcool. L’expérimentation de l’ivresse est également un phénomène très banal parmi les lycéens, puisqu’elle concerne plus de quatre lycéens sur dix (40,1 % à Lille, 46,4 % à Nice et 47,8 % à Paris). La répétition des ivresses est surtout fréquente dans le sexe masculin : près d’un jeune sur cinq (18,3%) a déclaré au moins trois ivresses au cours du dernier semestre et un sur vingt (5,5 %) au moins dix. (Pour les lycéennes ces pourcentages sont moins élevés et respectivement égaux à 8,6 % et 2 %). »

L’alcool est un produit facile à se procurer par rapport à d’autres. Sa consommation excessive est favorisée par l’effet de groupe, par sa popularité et son faible coût. De façon globale, on observe dans cette étude que la consommation n’augmente que légèrement ces dernières années mais elle démarre plus tôt.6Le B.O. N°9 4 NOV. 1999 PRÉVENTION DES CONDUITES À RISQUES HORS-SÉRIE « La consommation de substances psychoactives, notamment celle de l’alcool débute très tôt (vers 13, 14 ans). La consommation occasionnelle de boissons alcoolisées a peu évolué depuis le début des années 1990, mais on note une tendance à la hausse pour les consommations plus régulières. […] Dans notre étude également, comme dans celles de S. Hourlier [19] et A. d’Houtaud [20] l’influence des consommations de groupe, avec les pairs, est prédominante, l’alcool étant fortement associé à la convivialité et à la fête comme moyen pour assurer l’ambiance et aider à vaincre sa timidité et chasser l’ennui. »

  • 2.    Consommation de tabac

La consommation de tabac constitue un phénomène banal en milieu lycéen. Dans cette étude, on distingue l’usage occasionnel de l’usage régulier (quotidien) et, plus particulièrement, les consommations d’au moins dix cigarettes par jour qui sont associées à un risque élevé de dépendance à la nicotine. 7De Peretti Christine, Leselbaum Nelly. Les jeunes et les drogues : réflexions pour la prévention. Revue française de pédagogie, volume 114, 1996.« La consommation, au moins occasionnelle, de cigarettes est un peu plus fréquente à Paris (47,1 %) qu’en province (41,7 % à Nice et 42,1 % à Lille). Plus d’un lycéen sur quatre fume régulièrement, tous les jours. La consommation régulière de tabac est, elle aussi, maximale à Paris (30,4 % ; province : 24,2 % à Nice, 27,4 % à Lille). En revanche, les prévalences des consommations régulières importantes sont homogènes dans ces trois villes : presque 15% (14,3% p) des lycéens fument régulièrement au moins dix cigarettes par jour. » Cette étude ayant été publiée en 1996, nous constatons que les chiffres ont depuis considérablement augmentés8Le B.O. N°9 4 NOV. 1999 PRÉVENTION DES CONDUITES À RISQUES HORS-SÉRIE « 25 % des jeunes de 17 ans fument quotidiennement, 52 % ont déjà expérimenté la cigarette électronique et 2 % sont des usagers quotidiens. L’usage quotidien a davantage baissé chez les filles que chez les garçons. »

  • 3. Les drogues illicites dans l’entourage des jeunes

Les drogues illicites, en particulier les dérivés du cannabis, font partie de l’environnement de la majorité des lycéens : plus de la moitié d’entre eux affirme connaître une ou plusieurs personnes ayant déjà consommé du cannabis au moins une fois. Plus du tiers des jeunes interrogés indique qu’on lui en a déjà proposé ; la proposition de ces produits est plus fréquente à Paris (45,7 %) qu’en province (Nice : 36,9 % ; Lille : 34,9 %).

a) La consommation

La consommation des substances illicites n’est pas rare mais demeure minoritaire. La proportion de lycéens ayant déjà consommé au moins une fois des substances illicites est d’un sur six en province (17,9% à Nice, 17,3% à Lille). Elle s’avère plus élevée à Paris où elle concerne près d’un lycéen sur quatre (24,2 %). Ce décalage entre la capitale et les villes de province s’explique surtout par les différences de comportement de la population féminine : les consommatrices sont deux fois plus nombreuses à Paris (22,0%) qu’à Lille (10,6%) ou Nice (14,1 %). Dans la population masculine en revanche, on constate une plus grande homogénéité géographique (de 21,3 % à Nice à 26,6 % à Paris). Actuellement la consommation de produits illicites autre que le cannabis reste en-deçà des 4% : 2,8 % ont expérimenté la cocaïne, 3,8 % ont expérimenté la MDMA/ecstasy, par contre 8,8 % ont expérimenté les poppers, 8,5 % ont expérimenté le Purple drank « biturre express ».

b) Nature des produits consommés

Dans 94 % des cas, les produits cités par les lycéens sont exclusivement des dérivés du cannabis. La consommation d’héroïne ou de cocaïne est marginale dans cette population. Elle est essentiellement le fait des lycéens les plus âgés : parmi les élèves majeurs, cette proportion s’établit à 1,1 %. Ces jeunes « expérimentateurs » d’héroïne ou de cocaïne signalent toujours la prise d’autres stupéfiants, au minimum du cannabis et le plus souvent également du L.S.D. ou de l’ecstasy.

c) Fréquence des consommations

La fréquence des consommations des drogues illicites des lycéens est hétérogène. Trois groupes de consommateurs se distinguent en fonction du nombre de prises déclarées durant le semestre ayant précédé l’enquête :

• les utilisateurs exceptionnels (0 ou 1 seule prise durant le semestre) représentent le tiers des usagers;
• un second tiers est constitué d’utilisateurs occasionnels (2 à 9 prises pendant la même période)
• 20 % des usagers annoncent des consommations plus fréquentes : (au moins dix prises durant les six derniers mois).

  • 4. Les types de consommation

a) Consommations festives

Celle-ci est assimilée à un loisir, à la fête, à une manière de « s’éclater » inscrite dans le cadre du groupe de jeunes. Les motifs de consommations (déclarés) sont liés au désir d’activité festive ou au conformisme à l’égard des autres membres du groupe : « Pour faire comme les autres ; mais ceci n’est surtout pas régulier, cela donne du piquant à une soirée. »

b) Consommations instrumentalisées

Certains jeunes recherchent de façon répétée des effets psychotropes, de détente ou de sensations diverses euphoriques. La consommation est instrumentalisée pour accéder au bien-être ; la recherche des effets de ces substances s’accompagne d’un déni de tout risque et d’une affirmation du contrôle de la situation. Cet usage ne peut plus être assimilé à un usage purement récréatif d’autant plus que les fréquences de consommations seront importantes et associeront cannabis et alcool.

c) Consommation pour fuir les difficultés

D’autres expriment plus clairement que les motifs de la consommation de drogues sont liés à des difficultés. Difficultés personnelles, familiales, scolaires, sociales. L’objectif est d’oublier ses problèmes par un moment parallèle axé sur le bien-être.

Globalement les jeunes élèves semblent concevoir leurs actes avec une certaine légèreté tout en ayant conscience des risques que cela pourrait engendrer. Le tabac en léger recul reste malgré tout très présent. L’alcool par son accessibilité est en forte évolution et consommé de plus en plus tôt, son introduction dans le cercle scolaire est difficile. Les stupéfiants sont dans l’environnement très proche des jeunes mais restent basés sur la consommation de cannabis. D’autres drogues plus festives ou plus onéreuses sont consommées à d’autres périodes. Comme chaque produit ils peuvent être consommés en extérieur et avoir leurs effets pendant les séances de cours. L’enseignant doit pouvoir être formé à détecter les signes d’une consommation de drogues dangereuse pour nos élèves.

6. Quelles pistes de résolution de la situation ?

« Ne pas agir, c’est prendre le risque de laisser un élève gâcher sa scolarité, voire, dans le pire des cas, passer aux drogues dures et faire une overdose. C’est aussi prendre le risque de laisser s’installer un trafic au sein de l’établissement, car on passe vite du statut de consommateur à celui de revendeur. La drogue à l’école, c’est enfin la porte ouverte à davantage de violence et d’insécurité »9https://www.vousnousils.fr/2004/06/25/eleves-drogues-en-classe-que-faire-246415 indique Marie-Jo Jorda, ancienne éducatrice de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), devenue formatrice d’enseignants au sein de classes relais.

Lorsqu’on estime qu’un élève n’est pas dans son état normal et pour éviter que la situation ne dégénère, l’enseignant peut le remettre à la vie scolaire ou à l’infirmière en lui signifiant qu’il n’est pas en mesure de suivre le cours et qu’il sera convoqué plus tard pour discuter de ce problème. La vie scolaire et l’infirmière considéreront la situation pour prendre dans l’immédiat la décision qui convient. Il est important de réagir sur le champ pour que ça ne se reproduise pas, ne pas instaurer un sentiment d’impunité et reposer le cadre. Agir immédiatement et faire sortir l’élève permet également de reprendre en main la gestion de classe qui peut être perturbée par l’élève sous l’emprise de drogue.

À ce stade, le chef d’établissement pourra être informé, il prendra alors la responsabilité d’alerter la police et/ou les parents. L’ordre de ces actions sera conditionné par la gravité des faits, en particulier en cas d’une suspicion de trafic. Dans tous les cas, l’enseignant ne doit pas agir seul, et en parler autour de lui.

D’après Marie-Jo Jorda, il est important d’éviter de renvoyer à l’élève une image de toxicomane, qui pourrait engendrer une rupture de dialogue, voire une exclusion si aucune action de prévention ou de suivi n’est mise en place.

Après, il convient de réfléchir en équipe aux actions à mener pour prévenir et organiser les suivis le cas échéant. Typiquement, on pourrait mettre en place avec l’élève concerné des entretiens structurés en s’appuyant sur la psychologue et l’infirmière. Le maintien et le suivi dans le système scolaire est une façon de restaurer une relation de confiance entre l’élève, son entourage et l’école pour l’aider à poursuivre sa scolarité dans de meilleures conditions. Ces actions doivent être menées en concertation avec les parents qui doivent être conscients des dangers auxquels sont exposés leur enfant. Il convient de s’assurer de l’information et de la coopération des parents si une aide ciblée sur un problème de drogue est mise en place. En effet, les parents sont responsables de l’éducation, de la santé et du bien-être de leurs enfants. Ils ne peuvent se soustraire à cette obligation sans risquer d’être mis en cause en vertu de l’article 227-17 du code pénal.

Si par ce type de dispositif on essaie d’éviter des situations de décrochage scolaire, voire des situations de rupture, on peut néanmoins se demander si les établissements ont les moyens humains et financiers pour mener ce type de suivi individualisé et s’il ne relève pas plutôt de structures extérieures
ou de services médico-sociaux.

Une autre piste pourrait consister à faire intervenir des associations de lutte contre la drogue. De nombreuses associations proposent des formations à destination des encadrants et des informations à destination des élèves. Il convient cependant de bien veiller à la qualité des prestations proposées par les associations. En effet, la loi 70-13-20 du 31 décembre 1970, relative aux stupéfiants, interdit, entre autres, de présenter les stupéfiants sous un jour favorable. Or, parler des stupéfiants peut être interprété comme une incitation à la connaissance voire à la consommation de ces produits.

7. Prendre parti

Après la réflexion menée autour de ce thème, nous convergeons vers l’idée qu’il convient de réagir au cas par cas avec autant de discernement possible. Pour cela, nous pensons qu’une formation des enseignants est nécessaire pour savoir repérer les signes d’une addiction ou d’une consommation de drogue. De plus, il nous semble évident désormais qu’une situation problématique en classe ne peut pas être ignorée et que l’enseignant ne peut prendre seul en charge ce problème pour engager un dialogue avec l’élève et mettre en place les actions qui s’imposent. Selon la gravité des faits, il requiert une concertation des équipes, infirmière, COP, professeur principaux, vie scolaire, chef d’établissement. Une politique de prévention devrait également être mise en place. Cependant nous constatons qu’au niveau établissement, une action collective et concertée est difficile à mettre en place car elle met au jour la problématique de la drogue au sein du lycée. Il nous apparaît important de dépasser ce souci d’image pour pratiquer une prévention sans tabou et lutter contre ce phénomène répandu qui nuit à la scolarité de certains élèves.

  • 1
    Education.gouv.fr ; guide prévention des conduites addictives.
  • 2
    Le B.O. N°9 4 NOV. 1999 PRÉVENTION DES CONDUITES À RISQUES HORS-SÉRIE.
  • 3
    De Peretti Christine, Leselbaum Nelly. Les jeunes et les drogues : réflexions pour la prévention. Revue française de pédagogie, volume 114, 1996.
  • 4
  • 5
    De Peretti Christine, Leselbaum Nelly. Les jeunes et les drogues : réflexions pour la prévention. Revue française de pédagogie, volume 114, 1996.
  • 6
    Le B.O. N°9 4 NOV. 1999 PRÉVENTION DES CONDUITES À RISQUES HORS-SÉRIE
  • 7
    De Peretti Christine, Leselbaum Nelly. Les jeunes et les drogues : réflexions pour la prévention. Revue française de pédagogie, volume 114, 1996.
  • 8
    Le B.O. N°9 4 NOV. 1999 PRÉVENTION DES CONDUITES À RISQUES HORS-SÉRIE
  • 9
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