Chahut en cours de technologie de service

Résumé

Une enseignante présente de grandes difficultés à obtenir l’attention de ses élèves dans une classe de première Bac Professionnel « Hôtellerie Restauration » : ils n’écoutent pas, bavardent, ne se mettent pas au travail ou dorment en cours. 

1. La situation 

  • La situation choisie 

La situation problème se déroule un lundi de 13h à 15h pendant le cours de technologie de service, qui constitue la synthèse théorique de ce que les élèves abordent pendant la pratique professionnelle de service. Elle concerne une classe de première Bac Professionnel « Hôtellerie Restauration », option service et commercialisation, composée de quinze élèves issus de deux classes différentes qui ont des difficultés à travailler ensemble.

L’enseignante peine à avoir l’attention des élèves : ils n’écoutent pas, ils ne se mettent pas au travail, ils dorment en cours. Leurs réticences s’expriment aussi par des bavardages et chahuts incessants.

La première fois que ces élèves sont arrivés en cours, ils tenaient des propos très négatifs comme par exemple « c’est nul la techno », « c’est trop chiant », « ça ne m’intéresse pas ». Les élèves sont donc arrivés avec certains a priori sur ce cours consistant à dire que c’est un cours trop théorique et que par conséquent cela ne les intéressait pas.

Deux semaines après la rentrée, leur emploi du temps a été modifié et ces heures de cours ont été déplacées de 16h15 à 18h15. Cette nouvelle a été très mal accueillie, ce qui a amplifié ce problème de gestion de classe.

L’enseignante a essayé de faire des cours attractifs sans trop de lecture, composé de photos et vidéos, de varier les activités comme des travaux individuels ou de groupes avec restitution devant le reste de la classe, des travaux de recherches sur internet et études de cas.

Malgré cela les élèves n’adhèrent pas et continuent leurs chahuts. Ils ne travaillent pas et surtout n’écoutent pas. L’enseignante a beau haussé le ton et les menacer de sanctions mais rien n’y fait. Cependant elle essaye de repousser au maximum la punition tout en ne sachant pas quoi faire pour susciter leurs intérêts pour ce cours.

  • Explication du choix 

 N’importe quel enseignant pourrait être confronté dans sa carrière à ce type de situation : faire face à une classe difficile.

Ce type de situation peut remettre en cause le sentiment de compétences de l’enseignant, ainsi que ses propres motivations à exercer son métier. L’atmosphère de travail n’étant pas propice, empêche l’acquisition des savoirs indispensables pour valider les compétences attendues.

  • Les questions émergentes

 Comment améliorer la gestion de classe ? Comment garantir aux élèves de bonnes conditions de travail ?

Comment redonner le plaisir d’apprendre ? Le goût de l’effort ?

Comment répondre aux besoins de chacun des élèves ?

Comment amener l’élève au cœur de son apprentissage lorsqu’il paraît insensible, ou absent ?

Comment les autres professeurs gèrent-ils ce type de situations ?

Le recours à la punition est-il une solution envisageable ? Quelle est sa fonction ?

2. Les problèmes que cela pose

Nous avons choisi d’orienter notre travail autour de l’autorité. Chaque enseignant doit offrir un espace de travail et un environnement approprié au développement de chaque élève. Il est possible que certains élèves aient des besoins éducatifs particuliers, cependant, nous nous devons de fonctionner, en nous adaptant au lycée selon son propre fonctionnement.

L’une des finalités de l’École consiste à faire des élèves de futurs citoyens. Cette formation implique d’apprendre des savoirs scolaires, des codes afin qu’ils puissent vivre en société. Ce savoir-vivre comment à l’intérieur de la classe. Il nous semble donc essentiel d’instaurer des règles de vie et de les appliquer et de les faire appliquer afin de garantir la liberté, la fraternité et l’égalité entre tous les élèves.

Comment construire une relation pédagogique adaptée, basée sur la confiance mutuelle, en captivant l’intérêt des élèves et sans avoir recours à son statut autoritaire ?

3. Dimension réglementaire

En tant que professeurs-stagiaires, nous constatons plusieurs discours sur la posture idéale du professeur par les collègues que nous côtoyons ainsi que par les formateurs de l’ESPÉ.

Pour avoir une idée plus précise, notre recherche va d’abord se concentrer sur la réglementation et plus spécifiquement sur le Bulletin officiel de l’Éducation nationale (BOEN) et le référentiel des compétences du professeur.

Puis, nous étudierons des extraits du règlement intérieur d’un lycée professionnel d’Ile-de-France pour en faire ressortir le cadre nécessaire à l’exercice du métier d’enseignant et la réussite les élèves.

  • La loi : les droits et obligations des fonctionnaires

L’article 25 de la  LOI n°2016-483 du 20 avril 2016 – art. 1 nous informe sur les obligations du professeur :

« Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité. Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité. »

Cet extrait de l’article nous fait comprendre l’importance du respect à avoir envers ses élèves. On a le devoir de respecter les élèves et ils ont le droit au respect de leur enseignant. D’un point de vue juridique, le professeur et l’élève ne sont pas dans un rapport de force asymétrique mais plutôt dans un rapport égalitaire ou chacun se doit le respect. C’est peut-être un élément clé de la réussite d’un rapport professeur-élève. Il est de notre devoir d’agir avec tous les élèves avec une stricte neutralité et égalité, ce qui représente les plus fortes valeurs de la République.

« Le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver. »

Cet extrait exprime le fait que le professeur doit être le garant d’un espace de classe sans conflit entre les élèves et/ou entre le professeur et les élèves. De plus cela sous-tend que le professeur est à la fois vecteur de savoirs mais aussi médiateur d’un groupe qui apprend à vivre ensemble.

  •  e référentiel des compétences

 Extrait de l’arrêté du 1er juillet 2013, Bo n°30 du 25 juillet 2013, entrant en vigueur au 1er septembre 2013 :

« Compétences communes à tous les professeurs et personnels d’éducation

C6. Agir en éducateur responsable et selon des principes éthiques

  • Accorder à tous les élèves l’attention et l’accompagnement appropriés.
  • Éviter toute forme de dévalorisation à l’égard des élèves, des parents, des pairs et de tout membre de la communauté éducative.
  • Contribuer à assurer le bien-être, la sécurité et la sûreté des élèves, à prévenir et à gérer les violences scolaires, à identifier toute forme d’exclusion ou de discrimination, ainsi que tout signe pouvant traduire des situations de grande difficulté sociale ou de maltraitance.
  • Contribuer à identifier tout signe de comportement à risque et contribuer à sa résolution
  • Respecter et faire respecter le règlement intérieur et les chartes d’usage. »

Ce texte nous indique le professeur doit être juste, il ne doit pas dénigrer ou dévaloriser les élèves, la notion de respect de l’élève est omniprésente et pose au final les limites de l’autorité du professeur à ne pas dépasser au regard de la loi et de son éthique professionnelle.

De plus le professeur se doit toujours d’élever les apprenants et de les mettre en situation de réussite. La notion d’agir en éducateur responsable nous montre l’importance de la gestion de l’humain dans un espace classe pour anticiper et désamorcer toute forme de conflit possible. Malgré les difficultés que nous pouvons rencontrés, nous devons toujours exercer nos fonctions avec dignité en recherchant la solution la plus adéquate aux problèmes rencontrés. La sévérité, le laxisme ou encore la gentillesse ne sont en aucun cas mentionnés, cela nous parait clairement comme une liberté pédagogique que doit appliquer le professeur en fonction de sa personnalité, cependant la bienveillance qui est une disposition d’esprit inclinant à la compréhension et à l’indulgence envers autrui, est clairement mise en avant.

  • Extrait du règlement intérieur d’un lycée professionnel d’Île-de-France

 « Tout membre de la communauté scolaire a droit au respect de son intégrité physique, de sa liberté de conscience, de son travail et de ses biens. Ce principe s’applique dans l’enceinte de l’établissement. Une tenue et un comportement corrects sont exigés. Courtoisie et politesse à l’égard et de la part de tous les membres de la communauté scolaire sont de rigueur. Les violences verbales et physiques (crachats, provocations, menaces, vols, coups…) sont strictement interdites.Sont interdits également les attitudes provocatrices, les manquements aux obligations d’assiduité et de sécurité, les comportements susceptibles de constituer des pressions sur d’autres élèves, de perturber le déroulement des activités d’enseignement ou de troubler l’ordre dans l’établissement. »

Le règlement intérieur permet de poser un cadre aux élèves sur ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire. Un comportement en classe inadapté ou perturbateur peut être sanctionné en fonction de la gravité. Cela semble indispensable pour pouvoir remplir dans un premier temps nos objectifs de professeur qui nous apparaissent comme étant de mettre en sécurité nos élèves et de respecter leur intégrité.

La distinction claire entre la discipline et le travail permet à l’élève de disposer de repères et de mieux se situer et d’éviter qu’une punition ou qu’une sanction ne soit ressentie comme une affaire personnelle entre un enseignant et un élève.

4. « Ce qu’en disent des collègues »

  • Le questionnaire

 Nous avons voulu savoir ce que pensaient nos collègues de notre situation et de notre questionnement. Nous avons donc décidé de faire un questionnaire en ligne via Googleform et de le diffuser dans nos lycées respectifs. Nous avons eu 7 réponses de professeurs de restaurant et les résultats sont les suivants :

  • Analyse des résultats

 Ce questionnaire nous a permis de comprendre que nos collègues pensent que le contenu technologique de service est pertinent. Selon 100% de nos collègues, nous réalisons qu’aujourd’hui les cours en salle de classe ne sont pas le lieu idéal ou le plus approprié pour cette matière.
Le bac professionnel commercialisation et service a la spécificité d’avoir plusieurs professeurs de service pour la même classe (technologie, atelier professionnel de synthèse pratiques professionnelles en atelier expérimental). Néanmoins les professeurs sondés restent convaincus que l’on peut avoir un rapport de proximité avec les élèves même si plus de la majorité des enseignants interrogés pensent que l’élève serait plus motivé s’il n’avait qu’un seul professeur pour une même discipline.

Le dernier point à souligner est que 85 % de nos collègues pensent qu’intégrer le cours de technologie en PPAE service donnerait du sens aux apprentissages, ce qui nous laisse penser qu’il faudrait enseigner la théorie pendant la pratique.

5. Des ressources universitaires

  • L’autorité éducative de l’enseignant

Jean-Michel Zakhartchouk et Bruno Robbes définissent l’autorité éducative « comme une relation statutairement asymétrique dans laquelle l’auteur, disposant de savoir qu’il met en action dans un contexte spécifié, manifeste la volonté d’exercer une influence sur l’autre reconnu comme sujet, en vue d’obtenir de sa part et sans recourir à la violence une reconnaissance qui fait que cette influence lui permet d’être à son tour auteur de lui-même.»1Jean-Michel Zakhartchouk et Bruno Robbes, L’autorité éducative. La construire et l’exercer, CRDP, 2014.

Ils avancent que « l’autorité naturelle est un mythe » mais « un mal nécessaire de la relation humaine » et la décrivent « comme un phénomène à la fois personnel et relationnel ». Nous comprenons donc qu’il faut faire preuve d’une certaine autorité dans les relations avec les élèves et qu’elle est nécessaire à l’éducation afin de pouvoir instaurer un climat de classe favorisant les apprentissages. Elle est personnelle car c’est à l’enseignant lui-même de faire preuve d’autorité et personne d’autre que lui-même ne peut l’exercer.

Elle est relationnelle car c’est un rapport à l’être humain qui est à construire et très fragile. C’est donc un lien qui se construit entre les élèves et l’enseignant qui se doit d’être solide. L’élève doit reconnaitre dans cette relation un bénéfice pour lui et y consentir afin de se sentir légitime. Cela va se construire à travers les savoirs didactiques que l’enseignant va mettre en action. Mais également l’écoute et la communication qu’il va développer face à l’élève.

Dans un autre article2http://www.cahiers-pedagogiques.com/Les-trois-conceptions-actuelles-de-l-autorite., B. Robbes met en lumière plusieurs types d’autorité, la première est l’autorité « autoritariste » qui génère une relation de soumission et de domination. L’autre est « l’autorité évacuée » qui consiste à refuser les formes d’autorités qui existent et de fuir les formes de relations avec les élèves. Il faudrait donc arriver à trouver une autorité équilibrée qui ne serait ni trop dure ni trop effacée.

 « Par autorité, écrit Durkheim, il faut entendre l’ascendant qu’exerce sur nous toute puissance morale que nous reconnaissons comme supérieure à nous. Exclure de la classe un élève perturbateur, c’est recourir à la contrainte. Obtenir sur simple demande qu’une classe se mette au travail, c’est utiliser son autorité. Il est sûr que d’un point de vue pragmatique, l’autorité est aussi liée à l’obligation faite aux enseignants de maintenir l’ordre en classe et par suite, de sanctionner et de punir. Elle consiste à appliquer une peine pour punir un comportement proscrit, elle devient la mise en œuvre d’une contrainte »3Philippe Foray, « Trois formes de l’autorité scolaire », Le Télémaque, 2009/1 (n° 35), p. 73 à 86.

On peut distinguer l’autorité comme pouvoir de l’enseignant de par l’autorité statutaire qui lui est conférée par sa position dans l’institution scolaire et qui lui donne le droit de punir avec ou contre son gré, qui devient donc une contrainte pour l’enseignant mais aussi pour l’élève. L’enseignant voit la logique de la punition mais l’élève souvent le prend comme un sentiment d’injustice. Il faut donc arriver à établir une communication à ce moment-là afin que l’élève comprenne la raison et qu’il y a des règles à respecter.

Dans le film « Les Héritiers»4« Les Héritiers », un film réalisé par Marie-Castille Mention-Schaar, 2014, les enseignants mènent un combat face à une classe ingérable et nous montrent deux postures et deux autorités différentes qui n’ont pas les mêmes effets sur la même classe. La première professeure essaye d’être juste en faisant preuve de bienveillance. Elle ne recourt pas au haussement de la voix utilise son autorité pour canaliser sa classe. On observe que la classe se met peu à peu au travail. La seconde professeure est dans le rapport de force. Le rabaissement et la punition rendent le dialogue impossible, la classe se braque contre leur professeur et les élèves ne sont pas en situation de réussite. Or, c’est bien l’un des objectifs de l’enseignant : amener tous ses élèves à réussir. Mais comment ?

En 1986, Jean Houssaye a identifié l’acte pédagogique en un triangle basé sur 3 éléments fondamentaux positionnés au sommet du triangle et représentant 3 relations :

  • La relation pédagogique : enseignant-apprenant ;
  • La relation d’apprentissage : apprenant-savoir ;
  • La relation didactique : enseignant-savoir.

Il met en évidence qu’il y a toujours deux points qui sont privilégiés et que le troisième prend « la place du mort ou du fou ».

Si la relation didactique est exacerbée, l’enseignant néglige la relation avec ses élèves et les élèves prennent la place du « mort », c’est-à-dire inexistant ou du « fou » responsable de chahut et bavardages. Si la relation pédagogique est exacerbée, c’est au détriment des savoirs. Enfin, si la relation d’apprentissage est exacerbée, le professeur limite son activité pour faciliter l’apprentissage des élèves par eux-mêmes5http://www.ethikos.ch/1847/le-triangle-pedagogique-selon-jean-houssaye.

Nous pouvons donc définir un acte pédagogique efficient si les trois relations sont équilibrées et que personne ne retrouve à la place du mort ou du fou.

Cela nous amène à réfléchir sur le principe même de l’éducation, celle qui permet à tout élève de s’élever dans un cadre bien défini, et ce, grâce à un dispositif pédagogique et didactique instauré par l’enseignant lui-même. Mais encore faut-il arriver à pouvoir analyser les attentes et les besoins des élèves afin d’instaurer un cadre propice aux apprentissages et d’adapter ses contenus pédagogiques et didactiques.

  • Les besoins éducatifs des élèves

Après plusieurs réflexions autour du sujet de l’autorité, nous nous demandons à présent si le cours de technologie est vraiment adapté à ces élèves qui n’ont, dans l’ensemble, pas choisi d’être là. Rester assis pendant deux heures à écouter un cours descendant selon la méthode magistro-centrée traditionnelle, ne serait-il pas à remettre en question ?

D’après les résultats d’une enquête mené en 2014 auprès de 124 enseignants, sur les comportements perturbateurs6Émilie Robbe, Comportements perturbateurs et classes difficiles en lycée professionnel hôtelier, Mémoire de Master 2, Université Toulouse 2, 2014. et les classes difficiles en lycée professionnel dans la section « hôtellerie et restauration », il apparaît clairement que c’est lors du cours de technologie où les difficultés comportementales sont le plus élevé. 61% des sondés déclarent avoir des difficultés en technologie, contre 10% en ateliers expérimentaux, 11% en technologie appliquée et 18% en travaux pratiques.

Selon Émilie Robbe, un comportement perturbateur peut se définir à partir du moment où un enseignant ne peut plus enseigner et donc accomplir sa mission liée à son engagement de professeur dû à des interruptions de cours à cause de :

  • Violences symboliques : absentéisme régulier, passivité, indifférence, bruit, agitation, chahut, ou manque de concentration ;
  • Violences verbales, incivilités : interrompre une intervention en classe, manger, boire, moqueries, insolence, contestation du travail à faire, de la notation, agressivité, grossièretés, injures, harcèlements, menaces verbales ;
  • Violences physiques : dégradation du matériel, des locaux, bagarre, bizutage, menaces physiques, violences sexuelles, conduites addictives.

Toujours dans ce même mémoire, nous observons que de nombreuses méthodes de gestion de classes exploitées comme le devoir supplémentaire, la retenue, la rencontre avec les parents ou exclusion temporaire sont jugées peu efficace, voire pas du tout efficace. En revanche, le rappel à l’ordre verbal s’avère le plus efficace selon 70% des sondés.

Enfin, toujours selon E. Robbe, concernant la pratique des enseignants lors de ces cours, ils utiliseraient la méthode expositive pour 85% d’entre eux. C’est pourtant lors de ce type de séance où il existerait le plus de problème dans leur gestion de classe (pour mémoire, 61 % des sondés).

Nous faisons donc l’hypothèse que cette méthode pédagogique utilisée n’est pas des plus adaptées à ce type d’élève sans faire de généralité disproportionnée.

Nous nous interrogeons de ce fait sur la fonction et la pertinence de ce cours de deux heures sortis du contexte professionnel au lieu de susciter l’intérêt, le besoin de comprendre et d’apprendre de l’élève par la mise en action7Olivier Houdé, L’école du cerveau, Bruxelles, Mardaga, 2018..

Selon le rapport de SynLab utilisant l’étude exploratoire menée par l’Association de la fondation étudiante pour la ville en 2013, concernant le besoin des élèves en lycée professionnel, il apparaît que malheureusement, peu d’élèves prennent de plaisir d’y être :

« Les lycéens en pro expliquent qu’ils n’aiment pas aller au lycée (37%), parce qu’ils n’aiment pas certains enseignants (52%), qu’ils ne sont pas intéressés par ce qu’ils apprennent (38,5%), qu’ils ne comprennent pas toujours ce qu’ils apprennent en cours (29%) et qu’ils s’ennuient (11% très souvent, 52% de temps en temps) ».

  • La relation pédagogique élève-enseignant

Il nous semble important de créer un lien de confiance et d’instaurer une relation pédagogique avec les élèves afin d’optimiser les degrés de réussite. Nous avons tendance à imposer aux élèves ce que l’on attend d’eux, c’est-à-dire ce qu’ils doivent dire ou faire. Nous leur enlevons par conséquent le pouvoir de prise de décision, d’initiative et de créativité. C’est ainsi que les élèves peuvent perdre confiance en eux, lorsqu’ils n’ont plus la main sur « leur projet », ils n’acceptent plus leurs erreurs, de peur d’être mal jugé, alors même que celles-ci sont nécessaires pour se construire. C’est souvent le cas des élèves dit « décrocheur ».

La relation de confiance s’installe avec le temps ; et d’après Marshall B. Rosenberg8Marshall B. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), Paris, Éditions la Découverte, 2015., l’observation, l’expression des ressentis, la détection des besoins réels, et l’écoute sincère des demandes favorisent le rapport à l’autre en construisant les bases d’une communication non violente.

L’élève doit se sentir en sécurité pour pouvoir se développer, la confiance est donc tout l’intérêt de cette relation. Il existerait deux types de postures d’enseignants visibles en lycée professionnel selon Aziz Jellab9Azziz Jellad, Sociologie du lycée professionnel L’expérience des élèves et des enseignants dans une institution en mutation,Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008 :

  • La proximité : l’enseignant utilise des ruses affectives, s’appuie sur le vécu des élèves pour parvenir à diffuser le contenu de son cours ;
  • La mise à distance : l’enseignant se dés-implique, utilisant le vouvoiement systématiquement, et une volonté de protéger sa vie professionnelle se traduisant par les doutes, le découragement et parfois même le mépris.

La proximité serait-elle la solution ? Nous faisons l’hypothèse que de guider les élèves en étant à ces côtés plutôt que de lui faire face pourrait améliorer nos rapports avec eux.

À présent, émerge clairement un choix didactique et pédagogique à prendre pour se positionner en tant qu’enseignant, notre pratique doit évoluer pas seulement pour faire face aux difficultés du quotidien avec les élèves mais bel et bien pour optimiser leurs apprentissages.

6. Quelles pistes de résolution de la situation ?

Ces élèves ayant plus souvent subi que choisi leur orientation n’adhèrent pas nécessairement facilement aux contenus des enseignements et à la démarche pédagogique d’un enseignant. Aussi l’enseignant doit-il redoubler d’efforts et de vigilances pour intéresser les élèves et sans doute recourir aux méthodes actives permettant de mettre les élèves au centre des apprentissages.

Ce qui nous laisse envisager quelques pistes de résolution qui sont :

  • La mise en place d’un contrat de classe entre les élèves et le professeur concerné qui permettrait, d’une part de responsabiliser les élèves et les parents et d’autre part l’équipe pédagogique. Ce contrat comprendrait les engagements des élèves, de l’équipe pédagogique et fixerait le cadre de la vie de classe afin d’instaurer un respect et un espace de parole sécurisé ;
  • Créer une cohésion de groupe par une activité extrascolaire qui rentrerait dans leur cadre de leur formation, cela améliorait aussi la relation pédagogique destinée à transmettre des savoirs mais créatrice de situation favorable au développement des compétences ;
  • Éviter dans la mesure du possible le regroupement de plusieurs classes qui ne se connaissent pas et qui ne savent pas travailler ensemble car la bonne entente des élèves est primordiale ;
  • Décloisonner la classe, et travailler directement au restaurant d’application afin de faire passer les savoirs théoriques dans le contexte professionnel, ce qui pourrait mettre les élèves en activité et dans les conditions d’apprentissages réels. En effet, la salle de classe classique peut-être un frein pour certains élèves qui ont eu un passé scolaire difficile, ce qui pourrait engendrer une démotivation, un manque d’attention, voir même d’intérêt ;
  • Intégrer les cours théoriques comme la technologie directement dans la pratique professionnelle permettrait de donner du sens et de rendre plus concrets les savoirs. Pour cela, il faudrait changer les modules de cours avec l’accord du chef d’établissement ainsi que le directeur délégué aux formations professionnelles et technologiques (DDFPT).

7. Prendre parti

Au début de ce travail de recherche, nous avons mis en cause l’autorité du professeur générant un climat de classe difficile et empêchant l’acquisition des savoirs des élèves. Or, au fil de nos recherches, nous avons réalisé que l’autorité, n’est pas la seule problématique et que la prise en compte des besoins éducatifs de chaque élève est une des clés pour parvenir à la réussite.

Le niveau des élèves étant très hétérogènes, il est indispensable de s’adapter et de mettre en place une pédagogie différenciée qui consiste à diversifier les enseignements afin de permettre à tous les élèves d’atteindre les objectifs communs. Les élèves se sentiront compris et en confiance. Cela permettrait d’améliorer la relation pédagogique et didactique afin de mettre l’élève au cœur de son apprentissage sans avoir recours à aucune forme d’autorité autoritaire.

C’est un vrai travail personnel avant tout en tant qu’enseignant puis avec toute l’équipe pédagogique. Il faudra trouver des espaces de travail adaptés et proposer l’essentiel des savoirs théoriques lors de leur mise en situation réelle.

Au cours de nos recherches nous avons pu prendre conscience de la centralité de la relation pédagogique. Apprendre un métier professionnel en restant assis à une table de classe pendant deux heures ne peut aboutir, cela pose plutôt un frein, et peut même alimenter le décrochage scolaire pour nombres d’entre eux.

Notre questionnaire s’est orienté vers les enseignants mais il aurait été intéressant d’aller vers les élèves qui sont sortis de cette formation récemment. Que sont-ils devenus ? Nous émettons l’hypothèse qu’ils pourraient nous faire avancer sur cette réflexion : Comment ont-ils vécus leurs apprentissages ? Qu’en ont-ils retenus ? Qu’est-ce qui leur a été le plus utile ? Qu’en reste-t-il ?

Nous savons que l’enseignant, son caractère, sa personnalité, peut susciter des vocations. Nous nous souvenons tous de personnes rencontrées, et de ceux ou celles qui nous ont donné le goût ainsi que le plaisir d’apprendre. Cependant, nous ne pouvons construire ce modèle basé sur une seule et même personne.

C’est pourquoi le doute et la remise en question permanente nous permettra de rester vigilant, en état de veille afin d’adapter notre enseignement au monde qui nous entoure en constante évolution dans lequel nous ne sommes finalement qu’un enseignant parmi tant d’autres.

  • 1
    Jean-Michel Zakhartchouk et Bruno Robbes, L’autorité éducative. La construire et l’exercer, CRDP, 2014.
  • 2
  • 3
    Philippe Foray, « Trois formes de l’autorité scolaire », Le Télémaque, 2009/1 (n° 35), p. 73 à 86
  • 4
    « Les Héritiers », un film réalisé par Marie-Castille Mention-Schaar, 2014
  • 5
  • 6
    Émilie Robbe, Comportements perturbateurs et classes difficiles en lycée professionnel hôtelier, Mémoire de Master 2, Université Toulouse 2, 2014.
  • 7
    Olivier Houdé, L’école du cerveau, Bruxelles, Mardaga, 2018.
  • 8
    Marshall B. Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), Paris, Éditions la Découverte, 2015.
  • 9
    Azziz Jellad, Sociologie du lycée professionnel L’expérience des élèves et des enseignants dans une institution en mutation,Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008
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